Que pensent les spécialistes de la communication non violente ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

La CNV serait, selon ses détracteurs, une technique de manipulation. Pour d’autres, elle rendrait l’éducation familiale trop laxiste. On lui reproche aussi son langage artificiel… Réponses des spécialistes.

La CNV, technique de manipulation ?

La CNV est-elle une forme de manipulation, voire de chantage affectif ? C’est ce que certains laissent entendre.  » Tout dépend des intentions de la personne, reconnaît Anne van Stappen, formatrice en CNV. Si je cherche à obtenir quelque chose de quelqu’un, avec une fausse bienveillance, c’est de la manipulation. Si je dis à mon enfant : « Toi qui cours vite, va me chercher du pain ! », c’est une forme de manipulation. En revanche, si nous tentons d’établir une qualité de connexion, d’humain à humain, en essayant simplement de comprendre l’autre et de nous faire comprendre, ce n’est pas de la manipulation.  »

Education : la CNV, c’est « laisser tout faire » ?

La communication non violente induirait un manque de limites dans l’éducation familiale, selon d’autres critiques.  » J’entends parfois que la CNV, c’est laisser tout faire, relève Anne Bruneau, formatrice. Ce n’est pas le cas. Elle invite plutôt à la responsabilité et à l’autodiscipline. Elle donne du sens aux règles et aux demandes. Elle éduque à la citoyenneté responsable. Elle permet aussi de cocréer des solutions, notamment au sein d’un conseil de famille. La CNV harmonise les relations familiales et favorise une éducation respectueuse des enfants. L’habitude de l’écoute bienveillante mutuelle facilite le maintien du lien quand les difficultés se présentent, en particulier à l’adolescence.  »

La CNV, un langage artificiel ?

 » S’immerger dans la CNV peut se comparer à l’apprentissage d’une nouvelle langue, prévient Anne van Stappen, formatrice certifiée en CNV : cela requiert de la pratique, de la détermination et de l’imprégnation patiente.  » Au début, le langage utilisé en CNV paraît limité, artificiel, stéréotypé. Ce qui vaut à ceux qui s’y essaient ce genre de commentaires ironiques de leurs proches :  » Tu parles comme un psy ! « ,  » Tu psychologises tout ! « ,  » Tu n’as plus qu’un mot à la bouche : tes besoins ! « . De fait, le recours mécanique et répété aux  » phrases béquilles  » utilisées en CNV peut agacer :  » Quand tu dis ça… « ,  » quand j’entends que… « ,  » je me sens… « ,  » parce que j’ai besoin de… « ,  » serais tu d’accord pour… « .  » En réalité, ce langage est un guide de clarification intérieure, pas une bible de l’expression de soi, signale Anne van Stappen. Il convient d’adopter progressivement des mots plus passe-partout, adaptés au contexte et aux personnes : « Cela me fait… », « c’est génial quand… », « j’aime mieux quand… ». Au lieu de dire à mon enfant « Si je te comprends bien, tu te sens mieux quand je te laisse tranquille ! », je peux lui lancer : « En fait, cela te branche mieux quand je te lâche les baskets »!  »

Un réseau mondial

Dès les années 1960, Marshall Rosenberg travaille, aux Etats-Unis, avec des défenseurs des droits civiques et propose des formations en médiation à des communautés dont l’objectif est d’abolir toute ségrégation dans des écoles et institutions. Fondateur et directeur pédagogique du Center for Nonviolent Communication (CNVC), organisation internationale à but non lucratif, il développe et assure la promotion de la CNV, vue par lui comme un vecteur de changement social et de paix. Il organise alors des formations dans le monde entier, certaines destinées à des ethnies ou communautés en conflit : Israéliens et Palestiniens, Serbes et Croates, Tutsi et Hutu… A sa mort, il y a trois ans, il laisse un réseau mondial qui poursuit l’enseignement et la diffusion de sa méthode. Des formations à la CNV existent en Belgique, dans beaucoup d’autres pays d’Europe, au Canada, aux Etats-Unis, en Inde, en Malaisie, au Burkina Faso…

• En Belgique : les consultations individuelles comportent des séances d’accompagnement et d’écoute empathique, des jeux de rôle, une aide pour guérir des blessures du passé ou sortir de comportements addictifs… La première séance, sous forme d’entretien, vise à comprendre le processus, destiné à remplacer la communication blessante par l’assertivité. Par ailleurs, des formateurs spécialisés dans l’approche non violente des conflits proposent des stages collectifs tout au long de l’année. Les groupes comptent entre 8 et 20 personnes. Les sessions s’étalent en général sur deux journées, mais il existe des cursus plus longs. Un partage des attentes des participants est prévu, suivi par des exercices de communication en sous-groupes, un travail sur les émotions, les besoins et la formulation d’une demande.

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