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Naron, la ville qui voulait perdre 100.000 kilos (en images)

Le Vif

« Au XXIe siècle, les gens oublient qu’ils sont conçus pour marcher », constate chaque jour Carlos Pineiro, médecin généraliste de 63 ans. Il est l’un des principaux initiateurs d’un programme de santé publique lancé en janvier dans sa petite ville de Galice (nord-ouest), et est d’autant plus impliqué dans la prévention des maladies cardio-vasculaires qu’il a lui-même failli mourir d’un infarctus à 45 ans. Souvent, le docteur troque sa blouse pour le survêtement. On le trouve alors dans un parc arboré en train de diriger les échauffements d’une douzaine de randonneurs. « Dans une Espagne où on dit que tout se mange dans le cochon, du bout de la queue au bout du nez, les premiers aliments que j’ai éliminés de mon alimentation sont les tripes, la poitrine de porc et la charcuterie… », énumère, comme à regret, Conrado Vilela Villamar, 65 ans, ancien conducteur de grues et l’un des marcheurs quotidiens à Naron.

Située sur la côte Atlantique, cette ville aux 40.000 habitants compte 9.000 personnes en surpoids et 3.000 autres souffrant d’obésité, selon le Dr Pineiro. Renommée pour ses plats gastronomiques et souvent pantagruéliques, la Galice est la région d’Espagne ayant le plus fort taux de personnes en surpoids, selon une étude de la Société espagnole de cardiologie. « Le climat pluvieux fait que l’on reste beaucoup chez soi, avec une ingestion de calories quotidiennes très importante », avance le Dr Pineiro.

L’adieu au lard

Plus de 4.000 habitants de Naron – un dixième de la population – a adhéré au projet. Et pour symboliser un engagement unanime, la maire elle-même, Marian Ferreiro, s’est pesée avec ses conseillers municipaux, serrés sur une bascule géante. Associant régime personnalisé et activités physiques adaptées, le dispositif éveille d’autant plus la sympathie que plus personne ne se sent seul devant la balance. « Je marche avec des copines dont une femme de plus de 80 ans qui s’accroche à mon bras », témoigne Maria Teresa Rodriguez, femme au foyer de 55 ans. Debout sur la balance du centre de santé, elle constate, rayonnante: « En mars, je pesais 82 kilos, maintenant 70! » Ses journées comprennent une heure et demie de marche ou de gymnastique, sans compter la danse du vendredi depuis qu’elle n’a « plus mal aux jambes ».

Dans la ville, 18 restaurants proposent désormais des plats moins riches, en promouvant un régime non pas méditerranéen mais atlantique, privilégiant les produits de l’océan. « Je remplace le sel par des algues, des infusions de poissons ou une simple moule déshydratée, et le beurre par de l’huile d’olive », dit le restaurateur d' »El Refugio », Diego Platas, 37 ans, en cuisinant le chinchard, un poisson local et bon marché.

« Je pédale en lisant »

L’Organisation mondiale de la santé a récemment averti les Européens que l’augmentation de l’espérance de vie pourrait s’inverser sous l’effet du surpoids d’une proportion croissante de la population. En Espagne, les médias ont ainsi consacré de nombreux reportages près de Valence (est) à un malade de 34 ans qui pèserait… 385 kilos. « Ce n’est pas facile du tout de convaincre les adultes » de changer leur mode de vie, constate le Dr Pineiro. « Certains disent: il ne manquerait plus que ce soit le docteur qui me dicte ce que je dois faire« . Ce médecin place beaucoup d’espoir dans les enfants, sensibilisés au sein d’un établissement scolaire pilote, le centre Jorge Juan, où les professeurs sont particulièrement motivés.

A la récréation, « on sort marcher sur la promenade maritime » avec les élèves, témoigne Maria Jose Cazorla, une enseignante de 55 ans qui s’est délestée de 14 kilos en un an. Les 224 élèves ont la possibilité de faire une heure d’activité physique par jour et les récalcitrants peuvent se jucher sur un vélo d’appartement pour l’activité « Je pédale en lisant ». Ceux qui n’habitent pas loin sont encouragés à venir à pied, à vélo ou en trottinette grâce à des bracelets électroniques indiquant aux parents qu’ils sont bien arrivés. Le slogan « Deviens accro aux fruits » s’affiche dans l’établissement, où des fruits sont distribués dans la matinée. Mais « on ne parle jamais de poids directement » aux enfants, « ce serait stigmatisant », glisse le Dr Pineiro.

Au-delà des 100.000 kilos à perdre à Naron, le médecin espère surtout que les habitants adopteront « un style de vie sain pour freiner les maladies chroniques » et du même coup réduire les dépenses de santé. (Texte et photos: AFP)

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