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La semaine de quatre jours, fausse bonne idée ?

Le Vif

Nombreux sont les employés qui fantasment sur la semaine de quatre jours. Elle est supposée dégager plus de temps pour la détente et les activités en famille. Sur le papier, cela paraît idéal.

Dans les faits, la semaine de quatre jours peut se transformer en semaines « compressées » durant laquelle l’employé accomplit la même charge de travail en moins de temps. Il a donc tendance à prester des journées plus longues.

Pour l’employeur, il s’agit de faire économies d’échelle sur ses frais généraux, comme sur l’électricité ou les le défraiement des trajets domiciles-travail.

Allard Dembe, Professeur de santé publique à l’Ohio State University a étudié l’impact du travail sur la santé pendant trente ans. Selon lui, toutes les études scientifiques sur le sujet montrent les dangers qui peuvent peser sur la santé lorsqu’un certain seuil d’exigence est dépassé. « La plupart des études que j’ai effectuées suggèrent que les dangers sont plus prononcés lorsque les gens travaillent régulièrement plus de 12 heures par jour, ou 60 heures par semaine », affirme-t-il.

L’idée de la semaine de quatre jours n’est pas neuve. En effet, de nombreux chercheurs se sont penchés sur la question depuis les années 70. Par exemple en 2008, des chercheurs de l’Université Brigham Young ont mené une série d’enquêtes auprès d’employés afin d’évaluer leurs points de vue sur la semaine de travail de quatre jours. Les chercheurs ont constaté que quatre employés sur cinq en retiraient une expérience positive.

Sur base de ces résultats, le gouverneur de l’Utah a même décrété obligatoire la semaine de quatre jours pour tous les fonctionnaires. Son but était d’économiser de l’énergie, d’améliorer la qualité de l’air, d’attirer et garder les employés au sein de la fonction publique, tout en veillant à ce que certains services restent disponibles (comme la collecte des déchets). Cependant en 2011, l’Utah a abandonné ce projet, affirmant qu’il ne faisait pas d’économies.

Malgré l’enthousiasme naturel entourant la semaine de quatre jours, le professeur Dembe n’est pas convaincu qu’il s’agit du meilleur compromis pour les employés, ainsi que pour les entreprises. Selon lui, les problèmes résident dans le fait que peu importe la charge de travail, elle nécessitera le même montant total d’heures pour être effectuée. Donc travailler 4 jours au lieu de 5, mais avoir la même charge de travail (comme c’est le cas pour certains postes) n’a aucun bénéfice.

Selon lui, même si d’un point de vue mathématique travailler, 5 fois 8 heures, revient au même que de travailler 4 fois 10 heures, les conséquences sur la santé ne sont pas les mêmes. Cela peut en effet avoir un impact sur la santé du travailleur qui accumule plus de stress et plus de fatigue pendant la journée.

Selon une étude qu’il a réalisée, les risques de subir un accident de travail augmentent de 37 % lorsque la journée de travail dépasse 12 heures. Ainsi que le fait de travailler 60 heures par semaine fait augmenter le risque de blessure de 23 %.

Selon une autre étude réalisée sur 32 ans, les longues semaines et les longues journées de travail ont un impact considérable sur la santé à long terme, surtout chez les femmes.

Ainsi, les chercheurs ont constaté que les femmes qui travaillaient plus de 60 heures par semaine (soit 12 heures par jour) étaient plus susceptibles, à terme, de souffrir de maladies cardiaques, de cancer, d’arthrite ou de diabète et étaient deux fois plus susceptibles de souffrir de maladies pulmonaires chroniques ou d’asthme que les femmes qui avaient travaillé 40 heures par semaine. Travailler un peu plus, entre 41 et 50 heures, augmente également le risque de tomber malade.

Cela prouve, selon le professeur Dembe, que toutes les heures de travail ne se valent pas. Les études prouvent que le préjudice survient à partir d’un certain seuil. Selon lui, une semaine de quatre jours pourrait pousser certains travailleurs à faire plus d’heures par jour. Et pour ceux qui sont déjà surchargés de travail, compresser leur semaine pourrait les briser.

Outre les questions de santé physique, l’employeur doit également tenir compte du stress et de la fatigue que peut entraîner une semaine compressée. Les psychologues s’accordent à dire qu’un employé ne travaille pas aussi efficacement lorsqu’il est fatigué ou stressé. Et cela peut devenir de plus en plus conséquent au fur et à mesure que l’âge avance.

La semaine de quatre jours peut donc être une bonne chose pour l’employé et l’employeur, à condition qu’il s’agisse d’un vrai temps partiel et pas d’une semaine compressée. Tous les métiers ne peuvent donc pas s’y prêter.

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