télomères © Getty

La forme sévère du Covid pourrait être déterminée par nos chromosomes

Le Vif

Des chercheurs des Cliniques universitaires Saint-Luc et de l’UCLouvain ont démontré, dans une étude publiée dans le journal américain Aging, qu’une large partie des patients hospitalisés pour des formes sévères du Covid-19 ont des télomères plus courts que la population générale.

Une seconde recherche vient d’être lancée pour évaluer le lien entre la taille des télomères et l’importance des séquelles dans les poumons, ont annoncé mercredi les cliniques universitaires Saint-Luc.

Pour rappel, le télomère est l’extrémité d’un chromosome. Il ne code pas pour une information précise mais intervient dans la stabilité du chromosome et dans les processus de vieillissement cellulaire. Les télomères servent à protéger les chromosomes et participent à l’intégrité du patrimoine génétique.

En charge d’une unité Covid lors de la première vague, Antoine Froidure, pneumologue à Saint-Luc et professeur à l’UCLouvain, s’est intéressé par la mesure de la longueur des télomères chez ses patients ayant des fibroses pulmonaires, c’est-à-dire présentant du tissu cicatriciel qui gêne la fonction respiratoire des poumons. Il a dès lors lancé une étude sur la taille des télomères des patients hospitalisés, en collaboration avec le laboratoire d’épigénétique d’Anabelle Decottignies, le seul laboratoire en Belgique à travailler, et ce depuis 10 à 15 ans, sur ces fragments d’ADN à l’extrémité des chromosomes qui protègent le matériel génétique et rétrécissent au fil des divisions cellulaires. Le champ d’étude est encore jeune: le prix Nobel de médecine a récompensé en 2009 les premières découvertes sur les télomères.

Saint-Luc s’est donné la possibilité, unique dans le pays, de mesurer en routine clinique la longueur des télomères par une technique mise au point en 2012 par des chercheurs canadiens et hollandais. Après une prise de sang, les globules blancs sont isolés, puis mis en présence d’une molécule fluorescente qui s’accroche aux télomères. Plus les télomères sont longs, plus la fluorescence détectée est importante. En deux ans, 491 personnes de tous âges se sont prêtées au jeu pour former un panel de référence sur la taille des télomères dans la population générale.

Septante patients COVID+ de 27 à 96 ans (63 ans en moyenne) hospitalisés entre le 7 avril et le 27 mai (33 suivis en soins intensifs et 18 décès) se sont soumis au test. « Le premier facteur de risque de Covid, et de loin, a rapidement été identifié, c’était l’âge », relève Antoine Froidure. « C’était un premier indice pour le lien avec les télomères car on sait que le système immunitaire des personnes âgées fonctionne un peu moins bien. Les globules blancs sont amenés à se multiplier pour nous défendre lors d’une infection et on peut imaginer que si on a des télomères plus courts, on a un moins bon potentiel de multiplication de défense face à un pathogène. Dans la prise de sang des patients avec un Covid sévère, on a souvent une lymphopénie, un manque de lymphocytes, et les gens avec des télomères courts ont aussi souvent une lymphopénie », explique le pneumologue.

Il est ressorti des analyses que 40% des patients Covid+ testés avaient des télomères plus courts que 90% des personnes de leur tranche d’âge dans le groupe témoin. « Avoir des télomères courts prédispose à développer des formes plus graves de la maladie », conclut Anabelle Decottignies. « La longueur des télomères diminue avec l’âge, mais est aussi déterminée par des caractéristiques génétiques et peut être altérée par l’environnement, le mode de vie. »

Derrière l’âge, l’obésité, le diabète ou l’hypertension ont aussi été identifiés comme des facteurs aggravants du Covid.

« Cette recherche est une des premières à essayer de démontrer un mécanisme par lequel les gens développent des formes sévères », ajoute Antoine Froidure. « Elle explique en partie pourquoi les personnes âgées sont plus à risque, à cause des télomères plus courts avec l’âge, mais aussi en partie les variations du risque chez des jeunes. »

Anabelle Decottignies précise que « des analyses sur les poumons de patients décédés ont montré que ceux avec des télomères très courts présentaient des signes de vieillissement des tissus ». Cela constitue une amorce à la seconde étude sur l’évaluation des séquelles. Selon Antoine Froidure, « les poumons des personnes avec des télomères très courts se régénèrent moins bien et sont plus à risque de séquelles ».

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