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La Belgique dans le top mondial des opérations inutiles : « Les médecins sous-estiment les risques »

La semaine dernière, plus de 600 chirurgiens orthopédistes pratiquant des opérations du ménisque ont reçu une lettre de l’Inami pour leur demander d’être plus réticents à opérer les plus de 50 ans. La Belgique est l’un des premiers pays du monde en matière d’interventions médicales inutiles, et la chirurgie du genou pour les déchirures du ménisque en fait partie.

Pour une opération inutile au genou ou au dos, il faut être en Belgique. Prenons l’arthroscopie du genou pour les lésions méniscales et cartilagineuses : alors que des recherches scientifiques de très haut niveau révèlent depuis au moins 10 ans que ces opérations exploratoires sont généralement inutiles comparées à l’attente et à la revalidation, elles sont encore réalisées à la chaîne. Vous penserez que de telles interventions rapportent beaucoup d’argent, mais ce n’est certainement pas la seule raison pour laquelle ce type de pratique est maintenu.

« Les médecins pensent de manière mécanique. Quand quelque chose est cassé, on veut le réparer. C’est ainsi que nous avons été formés », explique le professeur Koen Peers, médecin du sport et de la rééducation à UZ Leuven. Peers fait beaucoup d’efforts pour changer les mentalités de ses étudiants en médecine. « Aujourd’hui, les chiffres montrent que les lésions structurelles de l’appareil locomoteur peuvent souvent être mieux traitées par une approche fonctionnelle : les exercices, en d’autres termes. La capacité d’auto-guérison du corps humain semble beaucoup plus grande qu’on ne le pensait au départ. »

De plus, les médecins effraient les patients, ce que selon Peers, ils ne font pas consciemment. « Les médecins surestiment l’effet bénéfique d’une thérapie, alors qu’ils ont tendance à sous-estimer les risques impliqués. »

Ne demandez pas « Que puis-je faire pour vous ?

Un programme d’exercice adapté fait des merveilles pour une épaule douloureuse, mais la plupart des médecins ne sont pas bien informés. Ils font rapidement une injection analgésique, mais cela fait fondre comme neige au soleil la motivation de s’activer. Une injection est un palliatif, tandis qu’avec des exercices vous vous attaquez à la cause. Koen Peers :  » La recherche a montré que l’issue favorable d’une plainte musculo-squelettique est principalement influencée par la conviction d’un patient qu’il peut activer pour résoudre son problème ».

Ça a l’air sympa, mais le dernier a-t-il vraiment envie d’un schéma d’entraînement? En effet, les patients adoptent souvent une attitude passive et demandent à leur médecin une solution à leur problème : un médicament, une injection ou une opération « , admet Peers. « Cela ne signifie pas pour autant que le patient est à blâmer pour le surtraitement, bien au contraire. L’attitude paternaliste du médecin joue un rôle crucial à cet égard. Un médecin qui demande ‘Que puis-je faire pour vous ?’ est déjà sur la mauvaise voie. Il ferait mieux d’activer son patient pour qu’il fasse quelque chose lui-même. »

Études

La recherche scientifique sur l’impact de la thérapie par l’exercice et du traitement conservateur (c.-à-d. : pas de chirurgie, attendre et voir, ajuster votre style de vie, l’exercice…) a toujours été modeste par rapport aux études sur l’impact des médicaments et la chirurgie. C’est logique, parce qu’il y a peu de financement pour de telles études.

Cependant, il existe aujourd’hui suffisamment de connaissances pour adapter le traitement si nécessaire. Par exemple, on sait maintenant que de nombreuses blessures articulaires guérissent souvent mieux avec des exercices qu’avec la chirurgie. Que l’on peut freiner l’arthrose du genou grâce à la thérapie par l’exercice et en atteignant un poids sain, et que l’on ne doit donc pas opter immédiatement pour une prothèse.

Les athlètes blessés reprennent parfois leur sport plus rapidement avec un programme de rééducation bien pensé qu’après une intervention chirurgicale. Même les tendons d’Achille déchirés n’ont pas toujours besoin d’être opérés.

« Attention. La thérapie par l’exercice n’est pas toujours meilleure que la chirurgie « , souligne Koen Peers. Dans certains cas, il vaut mieux opérer immédiatement, alors que dans un autre cas, il vaut mieux revalider d’abord et recourir à la chirurgie qu’après coup si c’est nécessaire. Malheureusement, cette deuxième option est beaucoup trop peu appliquée en Belgique. Un médecin peut dire « n’oubliez pas de bouger », mais s’il ne fournit pas de schéma d’exercice concret, ça ne marche pas. La rééducation, c’est motiver le patient, lui expliquer les exercices ou se présenter, évaluer les résultats et ajuster le programme d’exercices si nécessaire ».

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