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L’immunothérapie, un remède miracle contre le cancer ?

Muriel Lefevre

Depuis deux ans, l’immunothérapie est appliquée en Belgique pour certains cancers très agressifs comme le mélanome ou encore le cancer des poumons. De Morgen fait le point sur ce traitement aussi prometteur que couteux.

L’immunothérapie, un traitement qui stimule les défenses immunitaires qui s’attaquent au cancer, a déjà fait ses preuves chez certains patients dans les cancers du poumon, du col de l’utérus, du sang (leucémies), de la peau (mélanome) et de la prostate. Dans ceux des ovaires, des intestins ou encore du sein, les découvertes restent à faire.

La technique de l’immunothérapie présente l’avantage, contrairement à la chimiothérapie et la radiothérapie, de faire la distinction entre les cellules saines et celles qui sont malignes, mais aussi d’avoir, en théorie, moins d’effets secondaires.

On estime qu' »au cours des cinq prochaines années, 11 000 années de vie, dont 9.500 en bonne santé, peuvent être gagnées par rapport aux traitements standard », selon Lieven Annemans, professeur d’économie de la santé à Université de Gand et interviewé par De Morgen. Il faut dire que les résultats sur certains cancers sont impressionnants et dépassent les attentes des médecins. Par exemple, l’espérance de vie chez les patients atteints d’un cancer de la peau en stade avancé a augmenté de deux ans. La moitié d’entre eux étaient encore en vie après trois ans, alors que ce n’était qu’un an en cas de radiothérapie. Pour environ 40% des patients, les tumeurs sont plus petites et même, pour 10 à 15% d’entre eux, elles ont disparu. Pour le cancer des poumons, l’un des plus meurtriers, la technique a fait baisser la mortalité de 50%. L’ « immunothérapie donne clairement aux patients atteints de cancer du poumon un nouvel espoir », déclare le professeur Thierry Pieters, oncologue pneumologue (Cliniques Universitaires Saint-Luc) dans De Morgen. Mais il nuance tout de même et prévient aussi que ce traitement n’est pas la panacée contre tous les cancers. Un avis partagé par d’autres confrères. L’oncologue de l’hôpital de Southampton, Peter Johnson, tempère lui aussi : « cette technique particulière est fortement spécialisée et complexe, ce qui signifie que pour beaucoup de gens elle ne sera pas adaptée ».

Un autre obstacle important à l’immunothérapie est son prix. Comme elle ne peut être standardisée, elle est aussi très couteuse. La sécurité sociale payerait entre 100 000 et 120 000 euros par an pour un patient. Alors que la chimiothérapie coûte entre 100 et 10 000 euros par traitement. Or on s’attend à ce que 22.000 nouveaux patients doivent pouvoir suivre une immunothérapie d’ici les 5 prochaines années. Au point que celle-ci devrait représenter entre 3 et 8% du budget total des médicaments.

Des chercheurs belges décryptent une interaction entre cellules immunitaires et cancéreuses

Une équipe de chercheurs de l’ULB et de l’ULg, sous la direction du professeur François Fuks (ULB) et du professeur Agnès Noël (ULg), a récemment abouti à une avancée intéressante dans la compréhension de l’interaction entre les cellules immunitaires et les cellules cancéreuses, qui fait l’objet d’une publication dans la revue Science Advances. Les conclusions de la recherche renforcent l’idée qu’il serait intéressant de combiner immunothérapie et médicaments épigénétiques dans le traitement de certains cancers, une piste explorée par ailleurs par d’autres laboratoires. Le mécanisme mis au jour, impliquant cellules immunitaires et enzymes jouant un rôle clé dans le développement des tumeurs, est valable pour « plus d’une dizaine de cancers supplémentaires, tels que les cancers des ovaires, des poumons, de la thyroïde, ou encore le mélanome », communique l’ULB. « Comme on le sait déjà, le système immunitaire est une arme à double tranchant, qui peut être détournée par les cellules cancéreuses pour proliférer », explique François Fuks, Directeur du Centre de Recherche sur le Cancer et du Laboratoire d’Epigénétique du Cancer à l’ULB. Or, son équipe a démontré qu’il y a une corrélation entre l’expression d’une protéine particulière, l’enzyme Tet1, et l’infiltration immunitaire dans les cellules cancéreuses. En présence de certaines cellules immunitaires dans la tumeur, l’enzyme Tet1 se voit dérégulée. Son expression est diminuée, et cette évolution affecte, dans les cas étudiés, le pronostic de survie des patientes. L’explication de ce nouveau lien entre immunité et cancer permet de renforcer une piste déjà évoquée: celle « d’améliorer l’immunothérapie en jouant sur l’épigénétique », c’est-à-dire l’activité des gènes en dehors de toute modification de la séquence d’ADN. Spécificité de cette activité épigénétique: ces altérations sont réversibles. « Nous pouvons tenter de rétablir l’expression de Tet1, avec des traitements épigénétiques », suggère concrètement François Fuks. En combinaison avec l’immunothérapie, cette piste semble particulièrement intéressante « pour certains sous-groupes de cancers du sein, dont les plus agressifs », dans lesquels le mécanisme d’interaction entre immunitaire et expression de l’enzyme a été clairement observé, précise-t-il.

Autre première mondiale: un cancer du sein avancé guéri par immunothérapie

Une femme atteinte d’un cancer du sein à un stade avancé, contre lequel la chimiothérapie était impuissante, a été soignée par un traitement expérimental ayant fait triompher son système immunitaire, ont annoncé des chercheurs lundi. Bénéficiant d’une première mondiale, la patiente est considérée comme rétablie depuis deux ans, a indiqué l’équipe de chercheurs qui a travaillé sur son cas à l’Institut national du cancer à Bethesda et à l’université de Richmond (États-Unis). Son état de santé était critique, avec un cancer métastasé qui avait atteint d’autres organes, dont le foie. Au sujet de cette femme, l’étude publiée dans la revue Nature Medicine précise seulement qu’elle avait 49 ans quand a commencé à être testée sur elle cette « nouvelle approche en immunothérapie ». La méthode décrite a consisté à prélever des lymphocytes (cellules du système immunitaire) sur la patiente, à les manipuler et à les réimplanter. Pris sur une tumeur, ils ont été triés pour voir lesquels reconnaissaient les cellules cancéreuses. Ils ont été « réactivés » pour s’attaquer à ces cellules. Et ont été accompagnés d’un « inhibiteur des points de contrôle de l’immunité », pour débloquer la contre-attaque du système immunitaire. Les chercheurs ont ainsi fabriqué une thérapie anticancéreuse « hautement personnalisée » qui a permis « une régression totale de la tumeur », ont-ils expliqué. « Nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une vaste révolution, qui va nous faire enfin atteindre le but de cibler la pléthore des mutations qu’implique le cancer grâce à l’immunothérapie », a-t-il écrit dans Nature Medicine.

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