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L’hydroxychloroquine n’est pas une arme magique

Une étude a examiné l’effet de l’hydroxychloroquine donnée à des milliers de patients belges de mars à mai. Le groupe qui a reçu de l’HCQ a, effectivement, vu sa mortalité réduite d’un tiers. Mais la conclusion des chercheurs est claire: le produit est un bon anti-inflammatoire, mais n’a pas d’effet antiviral. Il ne sera donc jamais l’arme magique à laquelle d’aucuns rêvaient.

Le 13 mars dernier, les meilleurs cliniciens-chercheurs belges décident de recommander l’hydroxychloroquine (Plaquenil) pour tout patient hospitalisé à cause du Covid-19 et mis sous oxygène. Des milliers de malades, souvent âgés (deux tiers ont plus de 65 ans), reçoivent alors une dose assez faible du produit, durant cinq jours. Dix semaines plus tard, l’aura de l’HCQ a baissé. Elle n’est manifestement pas le produit miracle espéré et des patients à qui elle est administrée continuent de mourir. Les praticiens la donnent de moins en moins, puis plus du tout. Pour en avoir le coeur net, Sciensano, l’Institut de santé publique belge, entame une étude rétrospective sur 15.544 cas provenant de 109 hôpitaux belges.

Résultat: l’HCQ à 2.400 mg sur cinq jours est « indépendamment associée à un taux de mortalité hospitalière plus faible que les patients traités avec des soins de support uniquement, même après ajustement pour l’âge, les comorbidités majeures et la gravité de la maladie à l’admission ». Surtout, la mortalité a été réduite, quel que soit le moment entre l’émergence des symptômes et le diagnostic et le début du traitement.

La réduction de mortalité et de gravité de la maladie est impressionnante: tandis que plus d’un patient sur quatre (27,1%) qui n’avait pas reçu l’hydroxychloroquine mourait, le taux de létalité n’était que 17,7% chez ceux qui ont reçu le médicament. Soit un tiers de décédés en moins chez ceux qui ont reçu l’HCQ. De quoi être tenté de conclure à un lien de cause à effet et fournir des arguments au célèbre professeur marseillais Didier Raoult, convaincu que le produit met le virus à genoux.

Didier Raoult
Didier Raoult© REUTERS/Gonzalo Fuentes

Une association certaine, mais pas une causalité

Mais la vérité n’est pas là. « Notre étude n’est pas un essai clinique, qui compare deux bras de patients à tous points identiques, sauf qu’ils reçoivent un placebo ou la vraie molécule, explique son premier auteur, le docteur Nicolas Dauby, spécialiste en maladies infectieuses à l’hôpital universitaire Saint-Pierre (ULB) et chercheur qualifié en immunologie de la vaccination (FNRS). Une étude comme celle-là est la seule qui aurait pu établir une relation causale. Et il n’y en aura pas, puisque l’hydroxychloroquine n’a pas d’activité antivirale. »

L’association entre la prise d’HCQ et une diminution de la gravité et de la mortalité semble donc certaine, mais insuffisante pour aboutir à une causalité. « Notre recommandation, en mars, était fondée sur des observations in vitro. In vitro, l’hydroxy attaque le virus Covid. Mais in vivo, chez l’animal et particulièrement chez l’homme, le produit n’a aucun effet antiviral. C’est assez clairement établi par une étude internationale, l’essai Recovery, qui a été réalisée alors que notre recherche était en cours de publication. Les résultats de cette étude n’ont montré aucun bénéfice de l’administration de HCQ à forte dose (9.200 mg au total sur dix jours) par rapport aux soins habituels en hospitalisation. »

L'hydroxychloroquine n'est pas une arme magique
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Conclusion? « Le plus probable est que l’hydroxychloroquine a une excellente activité anti-inflammatoire. L’efficacité clinique pourrait cependant être provoquée par des mécanismes immunomodulateurs, empêchant la progression vers une maladie grave avec des réponses surinflammatoires en amortissant la fameuse tempête de cytokines », précise le docteur Dauby. « Il a en effet été démontré que l’hydrochloroquine diminue la production de cytokines proinflammatoires, à la fois ex vivo et dans un modèle pulmonaire. En outre, il a été suggéré que le produit possède certaines propriétés anticoagulantes qui pourraient être bénéfiques pour prévenir les événements thrombotiques. »

« Morts d’avoir avalé du désinfectant d’aquarium »

Et qu’en est-il du « danger » de la chloroquine, mis en avant après des dizaines d’accidents de personnes s’étant ruées sur de l’HCQ de contrebande, falsifiée ou simplement mal dosée? Ou même de ce couple d’Américains morts de s’être aperçu que leur désinfectant pour piscine était de… l’hydroxychloroquine à plusieurs centaines de fois la dose thérapeutique? « L’effet néfaste potentiel, principalement dû à la cardiotoxicité dose-dépendante, est devenu une préoccupation clinique majeure, en particulier à la suite de la publication d’un article faisant état de l’augmentation de la mortalité à l’hôpital, mais qui a été rétracté rapidement. Depuis, de nombreuses études ont rendu compte de l’innocuité d’un traitement à court terme et à faible dose de l’hydroxychloroquine en monothérapie. »

Conclusion? « Notre étude conforte l’affirmation selon laquelle l’hydroxy n’est pas associé à un risque accru à court terme de cardiotoxicité et de mortalité en milieu hospitalier. Au 17 juin, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé a enregistré au total huit déclarations d’effets indésirables suspectés d’être associés à son utilisation pour le traitement du Covid-19 en Belgique, parmi lesquels trois cas de toxicité cardiaque et aucun décès signalé », ajoute le docteur Dauby.

Pourquoi avoir attendu presque trois mois pour communiquer ces conclusions essentielles au public? « Plusieurs revues de haut niveau « n’ont pas trouvé opportun » de publier une étude sur l’hydroxychloroquine. Elles ne mettaient pas en doute nos constats ni nos conclusions, que nous avons fait vérifier par des équipes indépendantes de statisticiens. Mais il y a trop de scandales, d’implications socio-politiques, de remous médiatiques au sujet de ce médicament. Il nous semblait pourtant essentiel de fournir au public les résultats de plusieurs mois de traitement sur des milliers de patients Covid belges. Ce mardi 25 août, l’International Journal of Antimicrobial Agents a publié nos conclusions. C’est donc maintenant chose faite », conclut le docteur Dauby.

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