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L’éjaculation précoce n’est pas une fatalité

Stagiaire Le Vif

Pour que le plaisir dure plus longtemps, l’homme se met la pression. Il veut être performant. Résultat, beaucoup sont victimes d’éjaculation prématurée. Loin d’être une fatalité, il existe des solutions. Comme certaines sont plus fantaisistes que d’autres, voici le point sur la situation.

Source d’angoisse, d’incompréhension, de surexcitation, beaucoup d’hommes sont confrontés à l’éjaculation prématurée. Si l’on considère que seul 5% de la gent masculine souffre de ce trouble suite à un problème génétique, les 95 % restants le vivent de façon périodique ou plus régulière suite à un manque de confiance en soi, de stress ou d’une mauvaise synchronisation de leur corps et de leur esprit.

Une éjaculation normale pour un homme se fait entre 5 et 6 minutes après le début du rapport sexuel. Alors que pour qu’une femme atteigne l’orgasme, il faut entre 5 et 27 minutes. Il est donc difficile que les deux rencontrent leur plaisir en même temps. « Physiologiquement, l’échelle du temps n’est pas la même chez l’homme et chez la femme. Lors de la même relation sexuelle, l’homme n’obtient généralement qu’un orgasme. La femme peut avoir plusieurs orgasmes selon qu’elle est vaginale, clitoridienne ou sensible des mamelons. A noter qu’une femme sur trois ou sur quatre ne ressent pas quand l’homme éjacule » déclare le professeur Opsomer, urologue à Saint-Luc à Bruxelles.

Les différents traitements contre l’éjaculation prématurée

Si des problèmes d’éjaculation apparaissent, il n’y a pas de raison de paniquer puisque des remèdes efficaces existent bel et bien. Les professionnels de la santé regrettent simplement que le grand public ne soit pas suffisamment informé et mettent en garde contre certains remèdes orientaux susceptibles d’être dangereux. « Consulter est une démarche propre à chaque homme, à chaque couple. Dans la plupart des cas, les couples en souffrent tous les deux. Mais, il arrive aussi que l’homme se plaigne d’éjaculer trop rapidement alors que sa partenaire n’éprouve pas cette frustration » explique Alexandra Hubin, consultante en sexologie aux Cliniques universitaire Saint-Luc. « Quels que soient les cas, il s’agit de la capacité de l’homme à pouvoir choisir en fonction des désirs du moment du couple. Souhaitent-ils un moment d’intimité sexuel court et intense ou plus long et sensuel? Dès lors, l’homme pourra adapter ses comportements » complète la sexologue.

Le professeur Reinier-Jacques Opsomer, urologue et coordinateur du Centre de Pathologie Sexuelle Masculine aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles rappelle que pour la grande majorité des hommes plusieurs facteurs déterminent le meilleur remède. L’un des facteurs peut être l’âge : « beaucoup de patients qui viennent consulter pour ce trouble sont de jeunes adultes, autour de la vingtaine. Plus sensible du pénis et des nerfs, on les rassure en leur conseillant d’augmenter la fréquence des rapports, deux à la suite par exemple, cela ne peut qu’améliorer ce petit désagrément ».

Pol Dumont, kinésithérapeute spécialisé et fondateur de la société scientifique de formation en rééducation considère qu’il y a une méconnaissance des diverses et nombreuses activités au sein du corps médical. La communication insuffisante rend opaque l’offre de remèdes existants. C’est pourquoi le docteur Thierry Roumeguerre, urologue à Érasme, suggère une approche multidisciplinaires.

Plusieurs approches

L’approche pharmacologique préconise l’ingestion de médicaments. Mais si cela a un effet immédiat, le traitement est aussi susceptible de provoquer des effets secondaires et ne résout pas le trouble sur le long terme.

Les sexologues se focaliseront eux davantage sur l’aspect psycho-cognitivo-comportementale, c’est-à-dire tout ce qui vise à modifier les pensées et, de fait, à mieux gérer son excitation sexuelle. Penser à son comptable ou à sa belle-mère en skate n’est en effet d’aucune aide. L’idée est de rester dans cette bulle érotique tout en contrôlant les sensations. « Se mettre la pression ou être dans la retenue, empêche l’homme de profiter de l’instant présent » dit Alexandra Hubin. La sexologue préconise l’apprentissage des techniques scientifiquement prouvées permettant de réguler l’excitation sexuelle pour éviter d’éjaculer précocément. Par exemple, il a été démontré que favoriser des mouvements ou des positions sexuelles nécessitant que peu de tensions musculaires facilitait la possibilité de rallonger le temps avant l’éjaculation. L’initiation à la bonne respiration est également recommandée.

La respiration à la manière des sportifs de haut niveau comme des marathoniens ou des joueurs d’instrument à vent, permet à l’individu de diminuer la tension et accroître sa résistance. Concrètement, il faut respirer à un rythme continu sans faire de pause entre l’inspiration et l’expiration en évitant les saccades et en insistant sur l’expiration.

Moins répandu, les urologues peuvent aussi traiter le problème en prescrivant des séances de kinésithérapie chez des spécialistes pour éduquer son muscle du périnée. Cette discipline, bien développée en Belgique depuis de nombreuses années, propose des formations supplémentaires pour des pathologies spécifiques. Il faut être kinésithérapeute diplômé, spécialiste en obstétrique, gynécologie et rééducation pelvienne et surtout accepter de recevoir la gent masculine. « Les professions médicales et paramédicales se féminisent de plus en plus. Les hommes sont alors très gênés. En plus de se motiver pour se rendre chez un urologue, il faut ensuite aller chez une jeune kiné. Mais si le couple est en danger, l’homme sera contraint par sa femme et suivra bon gré mal gré les séances » révèle Pol Dumont, kinésithérapeute à Mons. Les hommes souffrant d’éjaculation prématurée peuvent suivre des sessions comme pour le trouble de l’incontinence. « Le plaisir est concomitant avec la contraction des muscles allant de l’anus au gland ».

Le Dr Roumeguerre estime qu’entre 5 et 30 % de la population belge souffre d’éjaculation précoce. « Ce n’est pas négligeable sans parler des effets retentissants sur le mental » estimant que le grand public n’est pas au courant des biens faits de ce genre de pratique et traitement, il incite à s’y intéresser : « On n’a pas conscience de nos muscles périnéaux. Faire des exercices au niveau du plancher pelvien permet une maîtrise des contractions, en lien direct avec les canaux déférents. »

« Comme on ne nous apprend pas à respirer, on ne nous apprend pas à connaître notre plancher pelvien. Le poids de la religion chrétienne était si grand que c’était tabou d’apprendre aux enfants ce genre de chose. Contrairement à certaines cultures africaines et asiatiques où l’on est plus à l’aise avec son corps » témoigne M. Dumont.
Dans ces séances, il s’agit uniquement de contraction que les hommes peuvent reproduire chez eux et donc sans douleur.

L’ « injaculation » n’est pas une bonne idée

Dans certaines traditions et philosophies en Asie, à l’image du taoïsme et de « l’injaculation ». « L’injaculation », ou jouir sans éjaculer, pratique selon laquelle l’homme fait pression sur des zones précises pour stopper l’arrivée nette du sperme tout en gardant son érection, permet d’honorer davantage sa partenaire en retardant son orgasme. L’homme décide alors du moment où il éjacule. Pourtant « On ne peut lutter contre le réflexe éjaculatoire, c’est physiologiquement impossible (comme le réflex du genou). C’est un point de non-retour, une fois le processus lancé, c’est trop tard » alerte la sexologue de l’UCL. Le professeur Reinier-Jacques Opsomer est encore plus catégorique à propos des « techniques de pression pénienne » , « stop and go » et « l’injaculation » : « Médicalement ce n’est pas une bonne idée, retarder exagérément l’éjaculation peut induire un reflux de sperme dans les canaux déférents et peut provoquer des inflammations locales : déférentite ou prostatite ».

Quoi qu’il en soit, les professionnels de la santé veulent rassurer en affirmant que ce fléau n’est pas un drame. Le tout est d’en discuter sereinement avec sa partenaire puis si besoin songer à la bonne thérapie.

Réda Bennani (St.)

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