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Insourcing : quand le burn-out est soigné comme un traumatisme

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Une nouvelle thérapie pour traiter le burn-out donne des résultats prometteurs. Elle permettrait aux patients de reprendre le travail deux fois plus vite qu’avec les thérapies classiques.

En 2017, 140.000 personnes étaient sous certificat médical depuis plus d’un an suite à une affection psychique. Il s’agit d’une augmentation de 39 % sur cinq an, selon les chiffres de l’Inami.

Une situation problématique à laquelle Elke Van Hoof, professeure à la VUB, psychologue du stress et des traumatismes au Centre de Résilience, entend mettre un terme. Elle a mis au point un nouveau traitement pour le burn-out appelé « Insourcing ». Fondé sur des techniques issues de la psychologie du trauma, il permettrait aux travailleurs de reprendre une activité après 92 jours en moyenne, soit deux fois plus vite qu’avec les thérapies classiques actuelles.

Le burn-out considéré comme un traumatisme

L’idée de Elke Van Hoof est d’utiliser les techniques psychologiques de l’EMDR, utilisées en thérapie post-traumatique (après un attentat, une agression, etc.) pour traiter le burn-out.

Au cours des 20 dernières années, la chercheuse a accumulé une vaste expérience sur le sujet. « Dans mon cabinet, j’ai constaté un déséquilibre entre le ressenti et la logique, tant chez les patients atteints de burn-out que chez ceux qui souffrent de traumatisme. Ils savent objectivement qu’ils doivent prendre un peu de recul et ne pas avoir peur, mais cela ne correspond pas à ce qu’ils ressentent. En appliquant les techniques de traitement post-traumatique, nous apportons un nouvel équilibre », confie le professeur Van Hoof, qui a professionnalisé cette approche il y a 3 ans sous l’appellation « Insourcing ».

Cette thérapie considère également la reprise du travail comme un facteur de guérison. Dans l’Insourcing, la réintégration professionnelle est primordiale dès le début du traitement, selon la chercheuse. Le projet pilote a démontré que le fait de se concentrer sur son travail permet d’atteindre de très bons résultats.

« Une étape importante dans ce parcours est de retrouver du sens. Il est impossible de guérir totalement lorsque l’on ne se sent pas utile », explique la professeure Van Hoof.

Retour au travail après 3 mois en moyenne

Cette nouvelle technique d’Insourcing fournit de bons résultats : diminution des troubles émotionnels, diminution de la fatigue cognitive et amélioration de la capacité à guérir. Sur plus de 400 dossiers clos au cours de la phase pilote, 100 ont été sélectionnés pour analyse. Les résultats montrent que plus de 70% des patients sont retournés au travail au moment de l’analyse. Point de comparaison : le projet en soins de première ligne jusqu’ici le plus innovant au Royaume-Uni générait 50% de reprise de travail. De plus, les patients retournent travailler beaucoup plus vite : après 92 jours ou 3 mois en moyenne, ce qui est deux fois plus rapide que la moyenne actuelle de 183 jours, selon l’étude du Bureau néerlandais de Statistique (2013) qui est également considérée comme référence en Belgique.

50 % de retour au poste chez le même employeur

Un tiers des travailleurs recommencent même à travailler directement à temps plein et presque la moitié au moins à mi-temps.

Si l’on peut imaginer que beaucoup de travailleurs choisiraient un nouveau départ chez un nouvel employeur, la moitié reste pourtant au même endroit. « Si les travailleurs adoptent la bonne approche pour faire face à une situation, il est tout à fait possible de retrouver son emploi chez le même employeur », explique la professeure Van Hoof. Et ce, même sans rechute. Moins d’un pour cent des patients traités par Insourcing ces deux dernières années a fait une rechute.

Un réseau d’Insourcing de psychologues spécialisés

L’Insourcing est soutenu par une plateforme électronique qui permet d’automatiser le parcours et de collecter des données sur les patients. Les participants sont automatiquement mis en relation avec le psychologue le plus proche, qui prend contact avec eux dans les 48 heures pour fixer un rendez-vous.

Cela réduit le temps d’attente pour les patients et évite la recherche du bon spécialiste. « Pour la première fois, nous pouvons suivre l’évolution des personnes atteintes de burn-out pendant leur maladie. Cela permet une prestation de soins plus rapide et de meilleure qualité », selon la professeure de la VUB.

Des psychologues spécialement formés sont répartis sur l’ensemble du pays. « L’Insourcing peut donc être parfaitement déployé dans toute la Belgique, afin de traiter le burn-out plus rapidement et plus efficacement. »

Une économie de 100 000 euros par employé

Cette initiative se traduirait aussi par une économie conséquente pour les employeurs. L’augmentation du nombre de personnes atteintes d’affections psychiques et l’incapacité de travail à long terme qui va de pair coûte environ 2 milliards d’euros chaque année, selon les chiffres de l’INAMI. De l’avis général, le coût d’un employé incapable au travail pendant une longue période est d’environ 1 000 euros par jour, selon les chiffres de Securex (2015). Cela inclut les coûts directs (salaire garanti) et les coûts indirects (réorganisation, remplacement temporaire, réduction de la qualité du service, heures supplémentaires, etc.). Si l’Insourcing du professeur Van Hoof permet de faire passer la durée de l’incapacité de travail de 189 jours en moyenne à 92 jours, l’économie serait de 100 000 euros par employé.

L’étape suivante est l’engagement politique. « Nous avons des entretiens avec les hauts responsables politiques des principaux partis afin d’obtenir leur engagement pour généraliser cette technique lors de la prochaine législature. Nous espérons donc pouvoir aider d’ici peu beaucoup plus de patients à retourner au travail, et ce, de manière plus durable. »

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