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« Hourra, pas de bébé! »

Stefanie Van den Broeck Journaliste Knack

Plus d’un millénial sur dix préfère ne pas avoir d’enfants, révèle une étude réalisée par les sociologues Mark Elchardus et Petrus te Braak (VUB). Ne risquent-ils pas de regretter leur choix, au moment où l’âge et la solitude frapperont à leur porte ?

Hannelore Stegen, chercheuse en sciences de l’éducation de la VUB, a mené des entretiens approfondis avec treize personnes âgées de plus de 60 ans délibérément restées sans enfant. « Presque tous m’ont dit qu’ils ne regrettaient pas leur choix. Et ce n’est pas qu’ils détestent les enfants. Ils chérissent surtout leur liberté ». Le constat semble le même chez les plus jeunes.

Evi Coune (35 ans) et Steffen Van Roosbroeck (36 ans) Consultante en relations publiques et porte-parole, Aarschot

Steffen : « Nous sommes ensemble depuis seize ans et au fond, les enfants n’ont jamais été un thème. Pour dire les choses crûment, ça ne nous dit rien. Et nous avons tous les deux un travail exigeant, ce qui joue aussi. Je suis porte-parole au CD&V, donc je dois être disponible jour et nuit. Il ne semble pas simple d’expliquer aux enfants qu’il faut annuler leur journée à Plopsaland parce que papa a un imprévu au travail. Après, c’est facile : si du temps se dégage, il est pour nous seuls. Parfois, les gens prédisent que nous le regretterons plus tard, quand nous serons vieux et seuls. Mais dans les maisons de retraite, il y a aussi des personnes âgées seules et qui ont des enfants. D’ailleurs, je préférerais regretter de ne pas avoir d’enfants plutôt que de regretter d’en avoir.

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Evi : « Les parents osent parfois l’admettre : ils adorent leur progéniture, mais ils ne recommenceraient pas. La vie avec les enfants est tellement mouvementée. Sans enfant, nous avons beaucoup moins de structure et beaucoup plus de temps pour nous. Si on a envie de traîner sur le canapé ou de dormir longtemps, c’est possible.

Tobias Leenaert (46 ans) et Melanie Jaecques (40 ans) Activiste free-lance et coordinatrice de projets pour l’ASBL EVA, Maarkedal

Mélanie :  » Quand j’ai rencontré Tobias il y a 11 ans, j’étais encore dans le doute. J’avais 29 ans et c’est un âge où – surtout en tant que femme – on ressent une pression sociale pour devenir maman. Mais Tobias m’a dit immédiatement qu’il ne voulait pas d’enfants. Nous nous sommes alors mis d’accord sur le fait que nous déciderions au bout d’un an. Après, j’y ai à peine pensé. Et maintenant, je suis soulagée. Chez mes amies, je vois comment les bébés bouleversent leur vie : elles doivent mettre beaucoup de choses en attente et leurs relations sont aussi sous pression. J’ai le temps et la liberté de me consacrer davantage au bien-être animal, un engagement très conscient. »

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Tobias: « Nous nous disons souvent à quel point nous sommes heureux de ne pas avoir d’enfants. Mon frère en a trois et c’est agréable de les voir de temps en temps, mais après, nous sommes épuisés. Comment les parents font-ils? Je savais déjà que je ne voulais pas d’enfants quand j’ai eu mon diplôme. Mon principal argument à l’époque était que je voulais avoir beaucoup de temps pour l’activisme. Mais c’est vraiment un sentiment intuitif : je ne ressens pas le besoin de devenir père. Et je ne me sens certainement pas mieux ou plus « vert » que les gens qui ont des enfants, mais je veux briser la norme. Sur Facebook, par exemple, j’ai un jour suggéré l’idée d’une fête « Hourra, pas de bébé ». Certaines personnes vous traitent d’égoïste, mais c’est absurde : vous ne désavantagez personne en ne le mettant pas au monde. »

Liesbeth van Braeckel (40 ans) et Cisse Cuypers (47 ans) Rédactrice et enseignant, Laakdal

Liesbeth : « Quand je prends le train après le travail pour rentrer, et qu’il a encore du retard, je vois toujours beaucoup de gens autour de moi s’agiter. Les parents qui doivent informer la crèche ou la maman d’accueil, mobiliser les grands-mères et les grands-pères…. Dans de tels moments, je suis très heureux de notre choix : nous avons beaucoup de liberté et peu de soucis. Je n’ai jamais ressenti non plus une « pulsion primitive » de devenir mère. Et si on y pense rationnellement, il y a très peu de bons arguments pour avoir des enfants. Tout le monde parle toujours de la vieillesse « solitaire », mais je ne voudrais pas naître dans le seul but de prendre soin de mes parents plus tard. »

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Cisse : « J’enseigne, et j’ai donc 22 enfants sous ma garde chaque jour. J’adore les voir arriver le matin, mais j’aime aussi les rendre à leurs parents. Je vois tant de pression de la part des parents pour que tout soit fait « parfaitement ». Et honnêtement : pour les enfants aussi, la pression est beaucoup plus élevée qu’il y a trente ans. Je ne sais pas si je voudrais être un enfant aujourd’hui. Ce qui nous rend souvent les choses difficiles, c’est que la plupart des adultes pensent différemment. Presque tous nos amis de jeunesse ont maintenant des enfants et, par conséquent, nous nous éloignons inévitablement. Autrefois, nous faisions la fête pendant 48 heures en week-end dans les Ardennes, mais aujourd’hui, nous nous voyons de deux à six heures à la ferme pour enfants.

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