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Femme transgenre: qu’est ce qu’une « voix de femme » ?

Le Vif

Pour les femmes transgenres, entamer un parcours de transition implique parfois de se défaire de son « ancienne voix ». Pour « ne plus se trahir », ni lire « d’incompréhension » sur le visage de leurs interlocuteurs lorsqu’elles prennent la parole, certaines féminisent leurs voix.

« La voix ne peut pas mentir, c’est toute notre personnalité, c’est plus important que d’avoir une forte poitrine », ironise Maëlle, 40 ans. Elle qui se dit « enfermée dans un corps de garçon » depuis jeune fille a entamé sa transition en juin. « La voix c’est l’échange avec la société », abonde Julie*, 25 ans, qui a commencé sa transition au mois de mars 2020. « C’est plus important que le physique. Même pour quelqu’un qui a des traits masculins prononcés, la voix fait directement pencher la balance », confie la jeune cadre en audit financier, habitante des Yvelines, près de Paris. Les deux femmes, qui ont souhaité rester anonymes, suivent des séances chez des orthophonistes, guidées par le désir d’avoir une voix en « harmonie » avec qui elles sont. La rééducation vocale chez les personnes transgenres est surtout une affaire de femmes. Pour ces dernières, assignées homme à la naissance, le traitement à base d’hormones qu’elles peuvent se voir prescrire par un endocrinologue dans le cadre de la transition contribue à amorcer un changement physique.

– Chez l’orthophoniste –

« Cela va modifier leur corps, leur donner de la poitrine, des hanches féminines, mais cela n’a aucune incidence sur la voix », explique Carine Klein-Dallant, orthophoniste en région parisienne qui prend en charge ces patientes depuis une trentaine d’années. L’épaississement et surtout l’allongement des cordes vocales à l’adolescence chez les garçons est une évolution anatomique irréversible. Or, la plupart des femmes effectuent leur transition après la mue, d’où la nécessité d’une prise en charge pour harmoniser leur voix, leur apparence et leur identité. Chez les hommes transgenres, assignés femme à la naissance, au contraire la prise d’hormones va « déclencher la mue », épaissir les cordes vocales et par conséquent aggraver la voix sans systématiquement requérir un accompagnement.

Après avoir longtemps « bricolé dans (son) coin », Clara, 48 ans, animatrice socio-culturelle auprès d’adolescents, a voulu « voir ce qu’une orthophoniste pourrait lui apporter ».

Exercices vocaux pour travailler « la souplesse » de la voix, lecture de texte, exercices chantés, travail des intonations et du larynx pour apprendre à tenir des notes plus aiguës: les séances d’orthophonie durent 30 à 45 minutes et la prise en charge peut durer plusieurs mois. Il y a aussi des « mises en situation concrètes » pendant lesquelles « l’orthophoniste jouera le rôle du contradicteur » pour apprendre à maîtriser sa voix en réponse, y compris en mettant en scène de vifs échanges, relate Julie. Carine Klein-Dallant confie recevoir de plus en plus de demandes, elle qui suit une dizaine de patientes.

« Aucune prise en charge ne ressemble à une autre », dit-elle. « Nous nous adaptons à leur vécu et leurs demandes qui sont très différentes ». Dans cette transition médicale, les patients sont reconnus par l’Etat français comme souffrant d’une « dysphorie de genre », et voient ainsi leur parcours de soin remboursé par la sécurité sociale.

– Voix grave –

Mais alors, qu’est ce qu’une « voix de femme » ? « On ne peut pas parler de voix féminine sans s’interroger sur la manière de vivre sa féminité », explique Carine Klein-Dallant, autrice de plusieurs livres collectifs sur la voix et la féminisation vocale.

Elle souligne que de nombreuses femmes transgenres ont « souvent la demande d’une voix plus aiguë, pensant qu’elle sera synonyme de voix féminine ». Mais « prenez Catherine Deneuve, elle a quelque chose d’extrêmement féminin dans la voix sans avoir une voix aiguë », fait-elle remarquer, en soulignant que les voix féminines ont tendance à devenir plus graves depuis quelques décennies. La fréquence, ou hauteur de la voix, c’est-à-dire sa perception, grave ou aiguë, « c’est vraiment une toute petite partie du job », confirme Elisabeth Naux, orthophoniste à Nantes qui accompagne sept patientes en transition. « On a des voix aiguës en terme de fréquence qui ne paraissent pas féminines parce que le phrasé ou l’articulation n’est pas féminin », détaille-t-elle. Pour ces spécialistes, l’objectif demeure surtout d’accompagner les patientes « vers une voix dans laquelle elles se sentent bien, en sécurité » et surtout « en adéquation avec qui elles sont ».

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