© Reuters

Être mère après 50 ans: évolution ou folie ?

Le Vif

Médiatisées par des célébrités comme Monica Bellucci ou Margarita Louis-Dreyfus, les grossesses tardives et désormais ultra tardives sont de plus en plus fréquentes en Europe comme aux États-Unis, malgré les nombreux risques encourus par ces futures mères.

Ces maternités sont possibles grâce aux différentes techniques de la procréation médicalement assistée (PMA, notamment le recours à des dons d’ovocytes), autorisées jusqu’à 50 ans en Espagne, en Belgique ou en Grèce.

La milliardaire et femme d’affaires suisse Margarita Louis-Dreyfus, 53 ans, a ainsi annoncé lundi être enceinte de jumelles. En volume, les 98 naissances de mères de 50 ans et plus enregistrées en France en 2014 semblent marginales parmi les quelque 800.000 bébés nés cette année-là.

Aux États-Unis, sur les quatre millions de naissances, 8.500 des mères étaient des femmes de 45 ans et plus, a indiqué à l’AFP Gretchen Livingston, chercheuse américaine. Ce nombre a plus que triplé en France en moins de 15 ans, selon les statistiques officielles, malgré des restrictions d’âge pour recourir à la PMA. Au Royaume-Uni, les bébés de mères quinquagénaires se compteraient déjà en centaines par an.

Ces grossesses sont « créées à l’étranger et les risques sont assumés dans les maternités françaises », déplore Joëlle Belaïsch-Allart, gynécologue spécialiste des grossesses tardives à l’hôpital des quatre villes à Sèvres, près de Paris. Elle explique qu’avant 1993, lorsqu’il n’y avait pas de don d’ovocytes, en France comme en Grande Bretagne, il y avait environ 50 grossesses annuelles après 50 ans. « La moitié des femmes faisait une IVG (intervention volontaire de grossesse), un quart une fausse couche. Finalement, très peu avaient un enfant », précise-t-elle.

« Qu’il y ait un désir d’enfant de plus en plus tardif est une réalité. Que la contraception et les études plus longues repoussent l’âge de la grossesse aussi. Que les hommes mettent du temps à s’engager, c’est vrai aussi, mais une grossesse après 50 ans est une folie », estime-t-elle. Car les femmes s’exposent à de nombreux risques: hypertension, diabète, hémorragie de la délivrance, voire décès.

Pour l’enfant, il n’y a pas de risque d’anomalie chromosomique puisque la plupart du temps l’ovocyte provient d’une femme jeune, mais il y a un fort risque de prématurité et un risque de mort in utero très augmenté. « Ces femmes ne sont pas conscientes qu’on ne s’achète pas un petit chat ou un petit chien. Il y a une limite à tout », fustige la gynécologue, déplorant l’ignorance de « l’essentiel de ses patientes » sur ces dangers.

Éternelle jeunesse

Le Dr Belaïsch-Allart souligne par ailleurs qu’aucune donnée n’est pour l’heure disponible sur l’évolution sociale et psychologique de ces enfants nés de mères âgées, alors que des études montrent déjà que les enfants nés de pères âgés (plus de 60 ans) ont tendance à développer plus de pathologies, telles que la schizophrénie ou l’autisme. « On a un regard plus clément aujourd’hui qu’il y a dix ans sur les mères qui ont un enfant tard », note cependant Anne Solaz, chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (Ined).

« Une mère de 55 ans peut parfaitement élever son enfant », renchérit le sociologue François de Singly. Les quinquagénaires d’aujourd’hui n’ont plus rien de commun avec celles des années 1950 souvent assimilées à la grand-mère, dit-il. « Les gens ont une représentation des quinquagénaires et des sexagénaires d’il y a 20 ans », observe-t-il, alors que l’espérance de vie s’est considérablement allongée dans les pays occidentaux.

Il reconnaît toutefois que ce n’est pas tant dans la petite enfance que les difficultés peuvent apparaître qu’à l’adolescence. À l’évidence, le fossé générationnel est encore plus difficile à combler entre un adolescent de 15 ans et une mère de 65 ans, qu’entre 15 et 45 ans. « Toute la question est de savoir si une maternité à 50 ans répond à un véritable désir, alors que ces femmes n’ont pas pu avoir d’enfant avant ou s’il répond à un besoin (narcissique) » que la science peut venir satisfaire, analyse Michaël Stora, psychologue spécialiste des adolescents.

Il souligne que cette question est fondamentale car l’enfant se construit dans les origines de sa conception: a-t-il été désiré? M. Stora pointe du doigt la déviance qui consisterait à être mère pour conforter la question de l’éternelle jeunesse.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire