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Découverte d’une protéine responsable de la propagation des virus, dont le covid

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Des chercheurs de l’UCL ont identifié un nouveau suspect coupable de participer à la multiplication des virus dans nos cellules. La protéine intégrine-beta1 serait en effet l’une des nombreuses portes d’entrée à des virus tels que le covid. Une découverte fondamentale, car qui dit identification d’un mécanisme dit également possibilité de le stopper. Une clé de plus au trousseau anti-virus…

Les maladies virales comme la grippe, les hépatites, la rougeole ou même la rage affectent l’Homme depuis de nombreuses années. En 2020, l’apparition du covid et sa propagation rapide dans le monde démontrent le pouvoir d’attaque des virus. Quels que soient leur nom ou leur matériel génétique, les agents infectieux sont très habiles pour passer les défenses de nos cellules, s’y multiplier et ensuite aller infecter d’autres cellules. En quelques jours à peine, l’infection se propage et les cellules contaminées libèrent des millions de copies du virus. Mais comment ces virus s’y prennent-ils?

L’objectif d’un virus est de traverser la membrane plasmique des cellules hôtes et d’initier la réplication une fois à l’intérieur. Pour autant, le virus n’agit jamais seul. Il a besoin de l’aide de précieuses alliées : des protéines présentes à la surface de nos cellules. Et si à ce jour, de nombreux collabos n’ont pas encore été identifiés et demeurent tapis dans l’obscurité, les recherches se multiplient pour tenter d’identifier cette équipe sournoise de co-conspirateurs.

Des chercheurs de l’UCLouvain ont réussi à identifier une de ces protéines. Une découverte qui pourrait s’avérer fondamentale dans le développement de nouvelles thérapies antivirales, mais également de traitements contre le cancer.

Un nouveau suspect identifié

L’équipe de David Alsteens, professeur à l’UCLouvain, vient en effet de découvrir un nouveau suspect responsable de la propagation des virus dans notre corps : la protéine β1-intégrine. Via l’installation d’une sorte de serrure, cette protéine permet d’initier ou bloquer l’entrée aux virus.

« Il y avait jusqu’à présent une porte d’entrée qui était connue – qui est le point d’entrée avec un récepteur de la cellule JAM-A (NDLR : molécule d’adhésion jonctionnelle A), mais il restait des zones d’ombre « , nous explique le professeur David Alsteens. «  On ne savait pas très bien comment le virus parvenait à rentrer si ce récepteur n’était pas présent. On a alors découvert qu’un autre récepteur était impliqué. « 

Il s’agit de la protéine intégrine-beta1, un récepteur notamment impliqué dans l’adhérence des cellules sur des implants. C’est aussi grâce à cette plaque d’ancrage que les cellules vont être capables de faire des sortes de tractions pour se déplacer.

Une fois ce récepteur identifié, restait à savoir s’il pouvait bel et bien s’agir d’une porte d’entrée aux virus, en étudiant la capacité du virus à se lier à la protéine, mais également essayer de voir par où il était capable de se lier, en identifiant le site de liaison sur le virus. En mettant au jour cette interaction directe du virus (NDLR : dans ce cas-ci, le reovirus, responsable d’infections respiratoires et intestinales) avec la β1-intégrine, les scientifiques ont donc découvert une nouvelle clé d’entrée, mais aussi un nouveau verrou, essentiel pour pouvoir fermer la porte aux virus. Des recherches qui permettraient, à terme, d’empêcher la propagation d’un virus dans nos cellules.

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Une serrure identifiée grâce à un microscope à force atomique

Cette avancée, publiée dans Nature Communications, a été réalisée grâce à des équipements et une expertise à la pointe au niveau mondial en microscopie à force atomique.

La microscopie à force atomique permet « d’accrocher » un virus au bout d’une très fine pointe et de le faire interagir avec une cellule hôte afin de mesurer où il se lie à la cellule et avec quelle force. C’est cette technique qui a permis d’identifier la serrure, c’est-à-dire le récepteur cellulaire, et la clé, ou protéine, utilisée par le virus pour entrer. « Il faut voir ça un peu comme une canne à pêche : on arrive à lier un virus sur l’hameçon, on approche ensuite le virus d’une surface d’intégrine-beta1 et puis on tire pour essayer de les séparer. Si on sent une force, c’est qu’il y a une liaison qui a été établie. » Première étape, donc : contrôler cette liaison.

« Et puis, on a essayé de voir si cette liaison conduit vraiment à une signalisation et active le processus d’entrée du virus dans la cellule. Pour se faire, on utilise l’imagerie. On va coupler une protéine dans la cellule avec une sonde fluorescente. Si cela brille, cela signifie qu’il ne s’agit pas seulement d’une simple liaison, mais qu’il y a également un signal envoyé à la cellule pour lui demander de laisser entrer le virus. » Le virus usurpe donc les fonctions de la cellule pour son propre compte, pour pénétrer dans la cellule et s’y multiplier.

Des perspectives… en oncologie?

Outre la possibilité de développer de nouveaux traitements contre les infections virales, la découverte de cette protéine ouvre la voie à de nouvelles techniques pour s’attaquer au cancer. « Il existe déjà des laboratoires qui travaillent à l’élaboration d’un virus oncolytique contre le cancer, notamment le cancer du sein. Ce virus arrive à rentrer dans une cellule cancéreuse, et va détecter certains gènes qui sont liés au cancer et va ensuite détruire la cellule de l’intérieur. C’est un bon moyen de cibler les cellules cancéreuses », explique le professeur David Alsteens.

Il s’agirait donc ici de faire le contraire de ce qu’on souhaite faire dans la lutte contre les virus pathogènes. En oncologie, il s’agirait plutôt de faciliter l’entrée du virus dans les cellules, et non de la bloquer. Comprendre les portes d’entrée – telles que la protéine β1-intégrine – permet de mieux comprendre comment le virus va rentrer et de jouer sur ces portes pour initier la pénétration du virus dans les cellules.

Bloquer une porte parmi tant d’autres

Cette étude UCLouvain ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de thérapies antivirales efficaces contre des virus similaires au reovirus, comme le coronavirus. Néanmoins, il ne s’agit là que d’une unique porte d’entrée. Même si on arrive à bloquer cette protéine, cela ne suffit pas à empêcher aux virus de pénétrer dans les cellules. « Le problème, c’est qu’il faut bloquer plusieurs portes d’entrée. Si on empêche la protéine β1-intégrine d’agir, au lieu d’entrer par la porte, le virus va rentrer par la fenêtre. Et si on bloque la première fenêtre, il va peut-être rentrer par une deuxième fenêtre… « , explique le chercheur. « On a vu ça aussi avec le coronavirus. Plusieurs médicaments avaient du potentiel mais une fois utilisés à plus grande échelle, ils ne fonctionnaient plus car le coronavirus trouvait de nouvelles portes d’entrée. D’où l’intérêt de connaître toutes les portes d’entrée. »

C’est sans compter sur la présence de variants, qui permettraient aux virus de développer de nouvelles portes d’entrée pour accéder aux cellules. Ces recherches s’avèrent donc essentielles mais néanmoins complexes si on veut un jour trouver des solutions définitives pour bloquer toute nouvelle infection virale.

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