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Covid : « le seul médicament qui semble vraiment avoir fait ses preuves est la dexaméthasone »

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Quel rôle peut jouer la dexaméthasone dans la deuxième vague de coronavirus? Cinq questions à Philippe Jorens, chef du service de soins intensifs de l’hôpital universitaire d’Anvers.

À la mi-juin, un soupir de soulagement a été poussé lorsque des scientifiques britanniques ont annoncé qu’ils avaient découvert « une percée » dans la lutte contre le coronavirus. Leurs recherches ont montré que le risque de décès chez les patients atteints du coronavirus pouvait être réduit d’un tiers si on leur administrait de la dexaméthasone. Afin de prévenir les pénuries, L’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) placera, une semaine après la publication de l’étude, le médicament sur la liste des produits soumis à une distribution contrôlée.

« Tant que l’on n’a pas de vaccin ou de médicament spécifique, la dexaméthasone est le seul produit qui ait vraiment fait ses preuves tout au long du débat sur les médicaments », nous dit Philippe Jorens, chef du service des soins intensifs de l’hôpital universitaire d’Anvers.

Qu’est-ce que la dexaméthasone ?

Philippe Jorens : « La dexaméthasone appartient à la famille des cortisones. C’est un dérivé synthétique du cortisol, la cortisone produite dans notre cortex surrénal. Cette famille de molécule est très utile pour supprimer l’inflammation. Lorsque, en mars, nous avons remarqué que les valeurs des biomarqueurs indiquant une inflammation étaient exceptionnellement élevées dans le sang des patients atteints coronavirus, nous avons presque immédiatement commencé à administrer de la cortisone.

Les cortisones provoquent habituellement une rétention de liquide dans l’organisme. Ce qui explique l’aspect quelque peu gonflé de certains patients qui souffrent de problèmes pulmonaires chroniques et auxquels on administre ce type de médicament. Or il se trouve que la dexaméthasone ne provoque pratiquement pas de rétention d’eau. Toutefois, elle génère tout de même d’autres effets secondaires classiques, par exemple de créer un terrain favorable à d’autres infections.

Pourquoi le médicament n’a-t-il été « redécouvert » qu’en juin ?

Bien que ce médicament ait régulièrement été utilisé pour traiter les rhumatismes, il était tombé en désuétude au fil des ans. Quelques mois avant la pandémie, une étude à grande échelle a montré que la dexaméthasone avait un impact positif sur les lésions pulmonaires non liées aux maladies cardiovasculaires. Depuis lors, le médicament a connu une seconde vie. Depuis la publication de l’étude britannique, de nombreuses autres études critiques ont été réalisées sur ce médicament. Pourtant, il est apparu clairement ces dernières semaines que, de tous les médicaments pouvant éventuellement avoir un effet bénéfique contre le coronavirus, c’est le seul produit qui soit resté.

À quelle fréquence et à quel moment la dexaméthasone est-elle utilisée ?

Très souvent. Un traitement dure cinq jours, mais chez les patients qui n’ont pas trop d’autres inflammations, nous administrons parfois même une deuxième fois de la cortisone (différente). La question du meilleur moment pour l’administrer est toujours en discussion. Nous le réservons pour les patients les plus malades en soins intensifs, alors que d’autres hôpitaux l’utilisent pour les patients qui n’ont pas encore besoin d’être intubés. Le problème est que les cortisones affaiblissent également les muscles, ce qui n’est pas une bonne chose pour les patients immobiles qui doivent passer des semaines entières sur des lits d’hôpitaux.

Est-ce que l’utilisation de la dexaméthasone fait baisser le taux de mortalité ?

Bien que nous ayons le sentiment que c’est le cas, nous ne pouvons pas en être sûrs pour le moment. De nombreux facteurs entrent en jeu : l’âge, le poids, le sexe, les troubles connexes, etc. tout cela détermine le pronostic. En outre, les gens ne meurent pas seulement au soin intensif. Il arrive que cela arrive une fois qu’ils en sont sortis. Enfin, nous avons également utilisé d’autres cortisones. Ce qui permet difficilement de déterminer si on peut attribuer cette diminution à la dexaméthasone ou aux cortisones en général. Nous attendons donc des études qui puissent nous donner un meilleur aperçu des effets du médicament sur le plus long terme.

Quand pouvons-nous attendre le résultat de ces études ?

Cela va probablement prendre un certain temps. Dans les premiers stades du virus, nous n’avions pas d’autre choix que de comparer les effets de la cortisone à ceux d’un placebo. Cependant, nous devrions pour bien faire aussi comparer de nouveaux médicaments à la dexaméthasone, que beaucoup considèrent déjà comme un « must ». Par conséquent, nous aurons besoin d’une population test beaucoup plus importante si nous voulons établir une différence significative avec ce médicament.

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