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Coronavirus: l’espoir grandit autour de l’immunité collective

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Pour la première fois, il a été démontré que les personnes qui ont déjà eu la maladie n’attrapent pas le Covid-19 une seconde fois. C’est une excellente nouvelle pour l’immunité collective et le développement de vaccins.

Une personne qui a déjà été infectée par le Covid-19 est-elle protégée si elle entre à nouveau en contact avec le virus ? C’est une question extrêmement importante. Si l’infection conduit à une protection ultérieure, l’immunité de groupe se construit et le traitement par anticorps prend tout son sens. Elle augmente également les chances de disposer d’un vaccin efficace.

Après de précédents rapports infructueux, selon lesquels les patients ne seraient pas, ou pas longtemps, immunisés après une infection, de plus en plus de recherches démontrent désormais le contraire. C’est une excellente nouvelle, même si les résultats sont préliminaires.

Des anticorps efficaces

Dans une nouvelle étude, l’Université de Washington a enquêté sur l’incident du bateau de pêche local « American Dynasty ». Les 122 membres de l’équipage, qui a quitté Seattle en mai pour pêcher le merlu dans la mer de Béring, ont subi un test préalable de dépistage du coronavirus. Ils ont tous été testés négatifs. On a découvert que trois des membres de l’équipage avaient des anticorps neutralisants à l’avance, signe qu’ils avaient été en contact avec le virus auparavant.

Une personne infectée a dû passer à travers les mailles du filet, car le Covid-19 s’est finalement déclaré sur le bateau. Après dix-huit jours, le navire a dû rentrer au port parce qu’un membre d’équipage a dû être hospitalisé. Sur les 120 membres d’équipage pour lesquels les résultats des tests étaient disponibles, 103 se sont révélés positifs, soit 85,2%. Mais les trois membres de l’équipage qui avaient déjà des anticorps n’ont pas été infectés à nouveau.

Même si la différence de taux d’infection est très importante entre le groupe sans anticorps et le groupe avec anticorps, trois personnes constituent évidemment un très petit groupe à étudier. Mais les auteurs soulignent que la probabilité que les résultats soient dus au hasard est très faible. Selon les chercheurs, leur étude, qui n’a pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, est la première à présenter « la preuve directe que les anticorps neutralisants anti-SARS-COV-2 offrent une protection contre une infection par le SARS-COV-2 chez l’homme ».

Accueil positif

Pour Jonathan Ball, professeur de virologie moléculaire à l’université de Nottingham, qui n’a pas participé à l’étude, « cela suggère que les personnes qui ont déjà été exposées au virus sont susceptibles de se réinfecter à moins qu’elles n’aient des niveaux appréciables d’anticorps neutralisants ».

« Cela nous donne un aperçu important du type d’immunité qui pourrait protéger d’une infection future », mais cela ne montre pas, selon lui, si une exposition passée peut ou non protéger contre une maladie grave chez les personnes dépourvues d’anticorps neutralisants détectables. « C’est une découverte très importante », souligne le professeur John Edmunds de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. « Cela suggère que les anticorps neutralisants peuvent protéger contre l’infection », ce qui n’avait pas été démontré auparavant chez l’humain.

Mais pour son collègue le professeur Martin Hibberd, spécialiste des maladies infectieuses émergentes « le petit nombre de personnes étudiées rend cette étude difficile à interpréter pleinement » et des études plus concluantes devraient être bientôt disponibles, « peut-être à partir des essais de phase 3 de vaccins à grande échelle qui sont en cours ».

Une protection chez les singes

De précédentes études avaient déjà donné un peu d’espoir en démontrant que certains animaux n’étaient pas réinfectés. Dans une étude publiée dans la revue Science, des chercheurs ont contaminé neuf singes rhésus : ils n’en sont pas tombés malades, et encore moins morts. Mais les chercheurs ont remarqué une diminution de l’appétit et un ralentissement de la vitesse de réaction.

35 jours après l’infection initiale, les singes rhésus ont été réinfectés. Aucun des neuf singes n’est retombé malade. Chez cinq des singes, aucun virus n’était détectable au bout d’un jour. Chez les autres singes, les concentrations de virus étaient si faibles que les chercheurs soupçonnent que la plus grande partie de ce virus était encore le virus initialement introduit. « Une infection chez les singes rhésus offre une protection en cas de nouvelle attaque virale », ont donc conclu les chercheurs. Une étude similaire, dans laquelle le virus a été administré une seconde fois à quatre singes rhésus, est arrivée à la même conclusion.

Grâce à de nombreuses analyses, ils ont observé une réponse immunitaire plus forte après la première infection, avec notamment plus d’anticorps dits neutralisants (bloquant le virus), « ce qui pourrait avoir protégé les mêmes primates non humains contre la réinfection à court terme ». Il faudra d’autres expériences pour voir combien de temps cette défense immunitaire reste en place.

Bonne nouvelle pour le vaccin

Même si les études ne fournissent pas de preuves concluantes de l’impossibilité de réinfecter, les résultats sont encourageants. Si l’immunité est durable, cela signifie que les régions touchées sont susceptibles de développements une immunité de groupe, ou immunité collective. Comme une partie de la population n’est pas réinfectée, le virus est moins susceptible d’être transmis.

Ce qui est également une bonne nouvelle pour le développement de vaccins. Car si l’on sait que certains niveaux d’anticorps protègent contre une infection, il est possible de savoir, en fonction de la quantité d’anticorps après la vaccination, si cette personne est protégée ou non.

Immunisé, mais pour combien de temps ?

C’est sans doute la question principale, à laquelle les scientifiques ont encore trop peu de réponses aujourd’hui. Le fait qu’une personne soit immunisée après une infection ne signifie pas qu’elle le sera pour toujours. D’autant que certains virus mutent fréquemment, ce qui leur permet de déjouer à plusieurs reprises notre système immunitaire. Pour ce qui est des connaissances actuelles, on sait que les coronavirus mutent, mais sont plus stables que, par exemple, la grippe saisonnière.

L’immunité permanente a été remise en question ces derniers mois parce que les anticorps disparaissent du sang. Cela a également été constaté en Belgique lors de l’examen sérologique des UAntwerpen, indique De Standaard. Des recherches britanniques ont montré que les anticorps diminuent après trois semaines jusqu’à ce que, dans certains cas, ils ne soient plus détectables. Mais cela ne signifie pas automatiquement que les gens ne sont plus protégés, selon plusieurs études récentes. Ils se concentrent souvent sur les anticorps neutralisants, car ils sont faciles à étudier et à détecter. Mais le système immunitaire est beaucoup plus complexe et se compose également de cellules T et de cellules B-mémoire. Plusieurs études indiquent qu’elles sont détectables à long terme. « Contrairement à d’autres études, nous concluons que l’immunité demeure au moins plusieurs mois après l’infection », déclarent les auteurs de l’Université de l’Arizona. Ils soulignent également que les premières études sur le SRAS ont conclu que l’immunité était transitoire. Mais des études récentes ont montré que les anticorps neutralisants peuvent être détectés 12 à 17 ans plus tard.

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