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Congélation d’ovocytes: pourquoi les femmes l’envisagent de plus en plus

Stagiaire Le Vif

La congélation ou vitrification des ovocytes est une technique de plus en plus populaire dans le monde. Anne Delbaere, responsable de la clinique de la fertilité à Erasme, nous en dit plus sur cette méthode pratiquée en Belgique depuis plus de 10 ans.

C’est reconnu: après 35 ans, la fertilité baisse drastiquement chez la femme et le nombre d’ovocytes diminue. Cependant, il n’est pas impossible de tomber enceinte après cet âge, mais dépendant de la santé, le risque s’accroît. La congélation des ovocytes, c’est la roue de secours que beaucoup de femmes adoptent pour préserver leurs chances de devenir maman quand elles le souhaiteront. Lorsque les ovocytes sont congelés, ils ne vieillissent plus et assurent donc à sa propriétaire des gènes en bonne condition.

Tout d’abord, il faut savoir que des femmes en parfaite santé peuvent pratiquer cette intervention par pur geste de charité. Le don d’ovocytes est une solution pour celles qui sont victimes de problèmes génétiques ou qui n’en produisent pas tout simplement.

Pour les femmes n’ayant pas de problème particulier mais désirantes de retarder l’âge de la maternité, l’intervention leur est aussi proposée. En effet, de nos jours, un grand nombre de femmes décident de remettre à plus tard leur envie de devenir mère. Des études qui prennent plus de temps que prévu, un investissement intense au travail, l’absence d’un partenaire sérieux, ou encore une situation financière instable, les raisons sont multiples. C’est donc la solution qu’empruntent plusieurs femmes pour se libérer d’une certaine pression causée par l’horloge biologique.

Enfin, les femmes qui doivent subir un traitement médical lourd (comme une chimiothérapie) sont aussi concernées. Cette médication pourrait causer des dommages aux ovocytes et altérer une grossesse désirée dans le futur. L’autoconservation d’ovocytes est donc utilisée, dans ce cas, comme garantie pour protéger les ovocytes et avoir une chance de procréer avec son propre patrimoine génétique.

Anne Delbaere, chef de la clinique de la fertilité à Erasme nous éclaire sur cette maîtrise.

À qui est destinée la congélation d’ovocytes?

D’abord à toutes les femmes qui sont à risque d’insuffisance ovarienne prématurée. C’est comme ça que ça a commencé: pour des raisons médicales. À Erasme, on a une expérience de plus de 15 ans à ce niveau-là.

Faut-il absolument être atteint d’un risque comme celui-ci pour avoir recours à cette méthode?

Non. Il y a la cryopréservation ovocytaire de convenance (ou la cryopréservation ovocytaire pour raisons non médicales). Pour les congélations de convenance (raisons sociétales), on a commencé ici en 2014.

La congélation d’ovocytes est-elle fortement prisée?

La préservation de la fertilité augmente vraiment quand c’est lié à un contexte oncologique. Ça augmente énormément, parce qu’on prend aussi notre bâton de pèlerin et on va parler partout en oncologie pour leur dire de ne pas oublier de préserver la fertilité des femmes qui vont avoir un traitement de chimiothérapie et qui sont jeunes. Parce que ces patientes vont guérir, parce que maintenant on guérit des cancers quand on est jeune, ça veut dire qu’il y aura une vie après leur chimio, ça serait bien qu’elles puissent avoir des enfants.

Y-a-t-il des restrictions?

Pour des raisons non médicales, on va déjà d’office être non accessibles à des mineurs d’âges. Alors que c’est ouvert aux mineurs dans le cadre d’une raison médicale, avec évidemment un accord parental. Il y a des restrictions que nous, les équipes, allons formuler. Nous avons fixé des limites d’âge supérieures ici à l’hôpital mais il ne s’agit pas d’un cadre légal, il ne s’agit pas de recommandations absolues.

Notre politique à Erasme, depuis qu’on a démarré le programme de préservation ovocytaire pour les raisons non-médicales, c’est un âge maximal de 37 ans. Parce qu’au delà, le rendement est vraiment nul. On a mis des limites d’âges parce que sinon on se retrouve face à des femmes de 40-42 ans qui veulent congeler leurs ovocytes et où on se dit qu’on ne va pas leur rendre service parce que plus l’âge avance et plus la qualité ovocytaire diminue.

Comment la qualité ovocytaire diminue-t-elle?

Pour espérer avoir suffisamment d’ovocytes pour un enfant à terme, il faut une vingtaine d’ovocytes vitrifiés, alors que par cycle de stimulation c’est entre 8 et 10 ovocytes qu’on va récolter. Quand on a 40 ans, on va déjà en récolter beaucoup moins, mais à 40 ans on considère qu’il faut 40 ovocytes pour espérer avoir un enfant. Par exemple, à 43 ans on tombe en dessous des 5% de capacité d’accoucher.

Le taux de réussite de cette pratique est donc assez bas, mais c’est inhérent à l’espèce humaine qui est peu fertile.

Comment les chances de réussite sont-elles les plus probables grâce à la vitrification?

Si on vitrifie ses ovocytes à 35 ans, et qu’on trouve son partenaire à 42 ans et qu’on revient à 45 ans, il est évident que les chances de grossesse sont infiniment plus grandes en utilisant les ovocytes qu’on aura vitrifié 10 ans avant, qu’en essayant de faire de la fécondation in vitro avec ses propres ovocytes à 45 ans, où les chances en gros sont égales à zéro, plus ou moins.

Quelle est la différence entre vitrification et congélation?

La vitrification, c’est une technique de congélation ultra rapide des ovocytes qui évite la formation de cristaux de glace qu’on a dans la congélation lente, et qui s’accompagne de taux de récupération, donc de survie ovocytaire (lorsqu’on sort les ovocytes de la cuve, lorsqu’on les réchauffe) qui sont tout à fait excellents.

Quelle est le meilleur processus?

La vitrification est spectaculairement meilleure. En terme de récupération, en terme de taux de survie ovocytaire, en terme de récupération ovocytaire après réchauffement, etc. Une fois qu’on utilise des ovocytes qui ont été réchauffés, donc après vitrification, on a les taux de fécondations, les taux de développement embryonnaires, les taux d’implantation embryonnaires qui sont tout à fait comparables à des embryons frais. On est autour de 90% de récupération ovocytaire. Donc ça a été une vraie révolution dans la procréation assistée des dernières années.

Combien ça coûte?

Environ 2.500€ tout compris. De plus, c’est remboursé depuis cette année. Uniquement pour l’onco-fertilité, s’il va y avoir un traitement de chimiothérapie.

Y-a-t-il des risques?

Les risques sont très faibles. C’est comme pour n’importe quelle fécondation in vitro: un risque de saignement au niveau du prélèvement, un risque d’infection suite au prélèvement d’ovocytes. Un risque qui est infiniment moindre que celui qui est d’être enceinte et d’accoucher.

La vitrification entraine-t-elle plus de risques de fausses couches?

Il n’y a pas plus de risques de fausses couches que pour une grossesse spontanée.

Les bébés issus d’ovocytes vitrifiés ont-ils des problèmes par la suite?

On a un suivi actuellement des enfants issus d’ovocytes vitrifiés et qui est tout à fait rassurant.

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Quel est votre avis sur cette méthode?

J’encourage évidement des femmes dans la trentaine à pouvoir préserver leur fertilité, mais je veux surtout que ça fasse partie d’une réflexion plus globale sur un manque d’information énorme sur leurs capacités reproductives, parce que ça c’est un vrai problème sociétal qui est pour moi le plus important.

C’est-à-dire?

Ici, une femme qui a 25 ans, au moment de son pic de fertilité, elle termine à peine ses études, elle n’a pas de boulot, elle commence un travail, etc. Je pense qu’il faut surtout s’attaquer au problème sociétal de base: c’est à dire pourquoi est-ce que les femmes ne font pas leurs enfants à 25 ans? Et ce n’est pas du tout pour dire qu’il faut le faire à 25 ans, parce qu’évidemment je suis pour le plus grand choix des femmes. Mais là, une jeune femme, on ne lui laisse pas beaucoup le choix.

Les gens ont une énorme surestimation par rapport à leur propre capacité de reproduction et aussi par rapport à la capacité de la fécondation in vitro et des techniques d’assistance à la reproduction, pour contrecarrer l’infertilité lié à l’âge.

Un exemple?

Les gens voient les stars qui sont enceintes avec des jumeaux à 45 ans, c’est du don d’ovocytes. Ça veut dire que ce n’est pas les ovocytes de ces femmes là. Ce sont des femmes beaucoup plus jeunes qui donnent leurs ovocytes. Mais ça, ce n’est pas marqué dans les journaux.

Quelles solutions voyez-vous pour contrer ce problème sociétal?

Au delà de tout ce qui est possible, je pense qu’il y a un message vraiment sociétal important. Il faut aussi promouvoir l’information des jeunes femmes. Il faut qu’il y ait une politique d’information des jeunes femmes et des hommes sur le déclin de la fertilité, et sur les risques aussi. Car il y a aussi des risques obstétricaux liés à la grossesse tardive. Il y a quand même plus d’hypertension pendant la grossesse, il y a plus de diabète pendant la grossesse. Une grossesse à plus de 40 ans, c’est plus risqué.

Il faudrait pouvoir encourager la maternité chez des femmes jeunes qui souhaitent poursuivre leur carrière professionnelle, mais ça veut dire mettre des moyens à la disposition des femmes pour qu’elles puissent avoir une grossesse au moment où c’est le plus opportun.

Un dernier mot?

Je pense qu’il faut avoir une vision plus globale et plus large, dans un contexte sociétal qui rend l’accès à la maternité extrêmement difficile chez des femmes au moment où leur fertilité est naturelle et est la plus importante, et ça, c’est la société. Donc il faut quand même un peu renvoyer un message aux politiques quelque part.

Quelle est la marche à suivre?

En tout et pour tout, le processus prend environ trois mois, dépendant du corps de chaque femme. Différents examens médicaux sont organisés pour contrôler entre autre l’état de fertilité et les chances de réussite de la patiente. S’ajoutent ensuite à cela des prises de sang pendant une dizaine de jours qui jouent sur la stimulation ovarienne ainsi que la production et maturation des ovocytes. Suivant les résultats des échographies, la ponction est planifiée. L’opération se déroule sous anesthésie locale ou générale. Les ovocytes prélevés, ces derniers sont vitrifiés dans de l’azote liquide à -196°. Quand la patiente le désirera, elle pourra demander la décongélation des ses ovocytes qui seront implantés par fécondation in vitro.

Quelques chiffres

D’après un rapport datant du 13 juin 2017 de l’Académie Nationale de Médecine de France, le taux de grossesse pour un ovocyte dévitrifié est de 4,5% à 12%.

Selon le site du « Belgian Register for Assisted Procréation » (BELRAP), la Belgique est uns des pays innovateurs en matière de Procréation Médicalement Assistée (PMA). En effet, en 1983, le pays fête la naissance du premier bébé belge issu d’une fécondation in vitro. Le site regroupe également les différents centres pratiquant ce genre de médecine.

Marine Payez

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