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Comment la polio a été éradiquée en Afrique

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La poliomyélite a été officiellement déclarée comme étant « éradiquée » du continent africain par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Retour sur les éléments qui ont permis cette annonce historique.

C’est une bonne nouvelle, et un « moment historique pour l’Afrique », a déclaré la directrice Afrique de l’OMS, Matshidiso Moeti. « A partir de maintenant les enfants qui naitront sur ce continent n’auront pas à craindre d’être infectés par la polio ».

Provoquée par le poliovirus sauvage, la poliomyélite est une maladie infectieuse aiguë et contagieuse qui touche principalement les enfants, attaquant la moelle épinière et pouvant provoquer une paralysie irréversible.

« Eradiqué », ça signifie quoi?

Théoriquement, il faut attendre trois ans sans cas déclaré pour obtenir la certification de l’OMS. Mais l’organisation a préféré attendre quatre ans cette fois, pour être sûre à 100% qu’il n’y ait plus de danger. Elle était endémique partout dans le monde, jusqu’à la découverte d’un vaccin dans les années 1950.

Le 25 août 2020, après quatre années consécutives sans notifier le moindre cas d’infection par le poliovirus sauvage, la Région africaine a donc été officiellement certifiée exempte de poliovirus sauvage. « Pourtant, le travail n’est pas terminé. Nous devons persévérer dans cette voie non seulement afin d’empêcher la réapparition de poliovirus sauvages, mais aussi pour éliminer toutes les formes de poliomyélite, en Afrique comme dans le monde », déclare avec prudence l’OMS sur son site consacré à la thématique.

Histoire du vaccin antipolio

Le vaccin contre la polio a été trouvé par le Dr Jonas Salk, un médecin américain, en 1953. Il se l’est inoculé à lui-même puis à sa famille et quelques volontaires, puis il a lancé le plus grand test de l’histoire de la médecine mondiale. Plusieurs laboratoires américains se lancent alors précipitamment dans la fabrication du vaccin, mais l’un d’entre eux fournit un vaccin insuffisamment inactivé, qui contaminera plusieurs centaines d’enfants. Cela freine la campagne. Mais une fois l’erreur identifiée, l’essai a continué, le vaccin a prouvé son efficacité.

Jonas Salk choisit de ne pas faire breveter son vaccin pour le laisser plus abordable aux millions de personnes en ayant besoin. Selon des estimations, il aurait ainsi renoncé à un bénéfice d’environ 7 milliards de dollars.

En 1956, un autre vaccin antipolio, oral cette fois, est développé par le Dr Albert Sabin. C’est celui-ci que l’OMS recommande sur le terrain car il « met fin à la transmission interhumaine et qu’il est plus facile et moins coûteux à administrer que le vaccin injectable. »

Plus que deux pays touchés dans le monde

En 1988, l’OMS dénombrait 350.000 cas à travers le monde et encore plus de 70.000 cas rien qu’en Afrique en 1996. Mais grâce à une rare prise de conscience collective et à d’importants efforts financiers (19 milliards de dollars sur 30 ans), seuls deux pays au monde comptent aujourd’hui des contaminations par le poliovirus sauvage: l’Afghanistan (29 cas en 2020) et le Pakistan (58 cas).

Epicentre de la maladie dans le monde au début des années 2000, le Nigeria, géant africain de 200 millions d’habitants, figurait encore il y a peu à leurs côtés. Dans le Nord musulman, sous la pression des milieux salafistes, les campagnes de vaccination antipolio s’étaient arrêtées entre 2003 et 2004, accusées par la rumeur d’être l’outil d’un vaste complot international pour stériliser les musulmans. Il a fallu un énorme travail avec les chefs traditionnels et religieux pour convaincre les populations de faire vacciner leurs enfants.

Difficulté pour atteindre certains enfants

La difficulté était aussi politique. Dès 2009 l’émergence du conflit contre Boko Haram a douché les espoirs d’avoir enfin éradiqué la maladie: en 2016, quatre nouveaux cas de poliomyélite étaient enregistrés dans l’Etat du Borno (Nord-Est), foyer de l’insurrection jihadiste. « A l’époque, environ 400.000 enfants étaient hors d’atteinte de toute campagne médicale à cause des violences », se souvient le Dr Funsho. Les agences humanitaires et autres partenaires ont alors rivalisé d’ingéniosité pour arriver à atteindre ces enfants.

Aujourd’hui, on estime que seuls 30.000 enfants sont toujours « inaccessibles »: un chiffre « trop faible » pour assurer une transmission épidémique, selon les experts scientifiques.

Le coronavirus perturbe la lutte contre d’autres épidémies

C’est le deuxième virus à être éradiqué du continent depuis la disparition de la variole il y a 40 ans. Autre bonnes nouvelles émanant du continent: la République démocratique du Congo a annoncé la fin officielle d’une meurtrière épidémie de rougeole qui a emporté, en 25 mois, plus de 7.000 enfants de moins de cinq ans. Et le Togo a annoncé être le premier pays africain à avoir « définitivement éradiqué de son territoire la Trypanosomiase humaine africaine (THA), plus connue sous le nom de « maladie du sommeil ».

Des médecins restent cependant inquiets de l’impact de la pandémie de coronavirus sur les activités de surveillance d’autres épidémies. Dans plusieurs pays du continent, les campagnes de vaccination, notamment de la polio, ont été interrompues en raison des restrictions de mouvement.

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