© Getty

« Champignon noir » et Covid : qu’en est-il en Belgique ?

Muriel Lefevre

L’Inde a enregistré au cours des deux derniers mois plus de 45.000 cas de « champignon noir », une infection fongique mortelle à 50 % qui se répand parmi les patients qui ont été atteints du Covid-19. Et en Belgique, qu’en est-il ?

L’Inde fait face à une explosion de cas de mucormycose , de « champignon noir », depuis quelques mois. Plus de 4.200 personnes sont décédées de cette maladie qui s’est répandue en Inde parmi les malades du Covid-19 après leur rétablissement. Les chiffres du gouvernement montrent que le nombre d’infections a connu un pic en mai et en juin avant de décroître d’une manière significative. Les réseaux sociaux ont alors été inondés d’appels désespérés à la recherche de traitements pour soigner cette maladie, la mettant alors au centre de toutes les attentions.

Une maladie rare, mais mortelle dans plus de 50% des cas

Cette maladie est rare, puisque l’Inde n’enregistrait que 20 cas de mucormycose par an avant la pandémie de Covid-19. Elle affecte notamment les personnes immunodéprimées, présentant un taux de sucre dans le sang trop élevé, atteint du SIDA ou ayant subi des greffes d’organes. Selon les experts cette hausse spectaculaire des cas en Inde serait due à un usage excessif de stéroïdes pour soigner les malades du Covid-19. De nombreux médicaments utilisés contre le coronavirus suppriment le système immunitaire qui s’emballe dangereusement chez les malades, favorisant ainsi des infections comme les mycoses. D’autres médecins incriminent les conditions d’hygiène dans certains hôpitaux qui ont permis au champignon noir d’infecter des malades du Covid-19 lorsqu’ils étaient mis sous oxygène. Une autre raison qui explique ce pic d’infection en Inde est le nombre très important de diabètes non traités. On notera aussi qu’il y a beaucoup plus de mucormycose dans l’environnement en Inde qu’ailleurs dans le monde ce qui explique aussi pourquoi c’est dans ce pays que les cas explosent. .

Quels causes, quels symptômes ?

Les premiers symptômes constatés sont des douleurs au niveau du visage et des yeux. Les patients souffrant de cette infection fongique présentent généralement aussi un nez bouché et saignant, gonflement et douleur de l’oeil, paupières tombantes, vision floue et, finalement, perte de la vue. Il peut y avoir des taches noires sur la peau autour du nez.

© Getty

D’autres organes peuvent être atteints, comme le poumon ou la peau et les muscles. Les signes sont une fièvre, une toux et des douleurs du thorax ou une nécrose de la peau après un traumatisme.

La mucormycose est causée par des champignons microscopiques appartenant à l’ordre des Mucorales. Ce sont des champignons filamenteux qui vivent dans les sols, les poussières, les plantes, le fumier et les fruits et légumes en décomposition. « Elle est omniprésente et se trouve dans le sol, dans l’air et même dans le nez et le mucus des personnes en bonne santé », explique le Dr Nair à la BBC.

Les experts précisent également qu’il ne s’agit pas de champignons noirs (« black fungus »), qui sont eux aussi pathogènes, mais qui font partie des Phaeohyphomycètes. On doit cette méprise courante au fait que les lésions développées par les Mucorales peuvent être noir suite à la nécrose qu’ils ont provoquée.

Il n’empêche que cette maladie fongique est très agressive, le taux de mortalité dépasse 50 %, et oblige souvent les chirurgiens à procéder à l’ablation des yeux, du nez et de la mâchoire de certains patients pour éviter que l’infection n’atteigne le cerveau.

En Belgique on doit surtout se méfier de l’Aspergillose

Des cas ont été rapportés ailleurs qu’en Inde, mais dans des proportions beaucoup plus anecdotiques. Et nos contrées ne semblent que très peu concernées la mucormycose comme effet secondaire du Covid. En Belgique on a ainsi diagnostiqué aucun cas comme effet secondaire du covid. S’il existe des cas de mucormycose en temps normal, ils sont très très rares et touchent principalement chez les personnes dont le système immunitaire est très affaibli. Par exemple une personne qui vient de subir une greffe ou une personne souffrant de graves problèmes immunitaires. On parle d’une moyenne de 10 à 20 cas en Belgique nous dit Katrien Lagrou du centre de référence national des mycoses (UZ Leuven),. Soit une incidence de 0.058 pour 10,000 patients/ jour. Le docteur Lagrou précise qu’une autre mycose touche elle beaucoup plus les patients belges et est tout aussi dangereuse. Il s’agit de l’aspergillus fumigatus qui donne la maladie appelée aspergillose. Quelques milliers de Belges ont contracté non seulement le COVID-19, mais aussi cette dangereuse infection fongique, et la moitié n’a pas survécu.

Les infections fongiques passent encore trop souvent inaperçues

Beaucoup dépend de la vigilance du médecin traitant. Il doit se souvenir de faire un test de dépistage des champignons, mais tout le monde n’a pas ce réflexe. Les infections fongiques étaient autrefois l’un des diagnostics les plus manqués, mais heureusement cela s’est amélioré ces dernières années »

Et c’est tant mieux, car pour être bien traitées, ces infections doivent être traitées rapidement. En plus on retrouve l’aspergillus absolument partout dit encore Katrien Lagrou. « On le trouve beaucoup dans les jardins, souvent en énormes concentrations. Si vous travaillez dans le jardin, vous inhalez constamment des spores, surtout à proximité d’un tas de compost. Les tas de compost sont vraiment les points à surveiller du jardin. L’aspergillus est également présent dans le sol et dans les matériaux d’isolation couramment utilisés. Il faut donc se méfier en cas de travaux. Des études estiment que nous inhalons quelques centaines de spores d’Aspergillus chaque jour, mais notre organisme les intercepte et les élimine. C’est un travail routinier pour notre système immunitaire et qui se fait sans heurts tant qu’on est en bonne santé. « Si votre système immunitaire fonctionne bien, les infections fongiques ne sont pas un problème » explique encore Lagrou. Il en va par contre tout autrement si votre système immunitaire est affaibli. L’Aspergillus peut alors déjouer vos défenses naturelles. Le champignon s’installe dans votre corps et développe dans vos poumons une moisissure comparable à ce qu’on voit apparaitre sur du vieux pain. Une telle infection fongique est également connue sous le nom d’aspergillose.

Il y a quelques années, les experts avaient déjà remarqué de l’aspergillose chez les personnes qui se retrouvent en soins intensifs à la suite d’une grippe grave (19%). Il semble que cela se produise aussi chez les gens qui se sont retrouvés aux soins intensifs à cause du covid (10 à 15%). Durant les trois vagues de covid, 25 000 à 30 000 patients se sont retrouvés aux soins intensifs, selon les chiffres préliminaires de Sciensano. On estimerait donc que 3 750 à 4 500 patients ont souffert de Aspergillose selon la VRT, bien qu’il soit encore trop tôt pour obtenir des chiffres définitifs. Or il a été constaté que l’aspergillose augmente le risque de décès chez les patients qui souffrent du covid. Les gens se retrouvent à l’hôpital à cause du covid, mais c’est un champignon qui donne parfois le coup de grâce. »

Plus inquiétant encore, il semble que l’Aspergillus devienne résistant. Ainsi, toujours selon la VRT à l’UZ Leuven, on trouve une résistance chez environ 7 % des patients présentant une souche d’Aspergillus.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire