Carte blanche

7 ans d’errance médicale pour diagnostiquer la maladie de Verneuil en Belgique

Les symptômes de cette maladie qui touche 1 Belge sur 100 alertent trop tardivement: une approche pluridisciplinaire s’impose. Une opinion de Véronique Del Marmol, chef de service de l’hôpital Érasme à Bruxelles.

Environ 1% de la population belge – principalement des jeunes femmes – doit vivre avec la maladie de Verneuil, aussi appelée hidradénite suppurée. La maladie provoque des abcès purulents et malodorants dans les plis corporels y compris les zones intimes, ce qui est souvent source de honte pour les patients. Cette maladie inflammatoire chronique réduit ainsi la qualité de vie des patients et conduit même régulièrement à une perte d’emploi ou à une dépression. Un diagnostic précoce et un traitement approprié sont donc cruciaux. Et c’est précisément là que le bât blesse: en moyenne, les patients ne peuvent mettre un nom sur leur maladie qu’après 7 ans et 17 consultations dans 5 cabinets différents.

En moyenne, les patients atteints de la maladie de Verneuil ne peuvent mettre un nom dessus qu’après 7 ans et 17 consultations dans 5 cabinets différents.

Ce 4 juin débute la semaine de la maladie de Verneuil, une campagne visant à briser le silence autour de cette affection encore difficilement diagnostiquée. En effet, les symptômes sont encore bien trop souvent associés à tort à ceux d’une maladie infectieuse, alors que la maladie de Verneuil est une maladie inflammatoire. Statistiquement, un abcès, une folliculite et une furonculose sont effectivement plus souvent liés à une maladie infectieuse. Mais la répétition de ces lésions, ainsi que leur localisation dans les plis du corps, doivent alerter le corps médical et orienter vers une cause inflammatoire, telle que la maladie de Verneuil.

La difficulté de diagnostic provient également du trajet de soin chaotique de ces patients, consultant souvent en première ligne les urgences, leur médecin généraliste, ou encore un chirurgien ou gynécologue. Or, ces médecins ne reçoivent que peu de patients atteints de la maladie de Verneuil, puisqu’elle concerne 1% des Belges, et font donc rarement le rapprochement. Mais c’est le cas aussi des dermatologues: bien que la maladie soit reconnue comme la maladie dermatologique la plus invalidante, elle n’est pas des plus courantes et donc, reste moins enseignée. Résultat: le patient est souvent renvoyé de service en service, ce qui ajoute encore à la souffrance psychologique des patients, à qui l’on finit par renvoyer l’image que « c’est dans leur tête ».

Une approche pluridisciplinaire se révèle donc cruciale pour la prise en charge et le traitement adéquat de ces patients. En première intention, la diffusion de connaissance est essentielle. Il faut démultiplier les formations et les exposés auprès des différentes spécialités concernées. Deuxièmement, cela demande une adaptation structurelle des centres de soin, de sorte que lorsqu’un urgentiste traite un patient présentant des abcès suppurants, il le renvoie automatiquement vers un dermatologue. Ceci est d’autant plus nécessaire que, en fonction du sous-type de la maladie, le patient est aussi plus susceptible de développer d’autres affections, telles que des maladies rhumatismales ou inflammatoires digestives comme la maladie de Crohn.

Le besoin de suivi psychologique de ces patients doit également être évalué dans le cadre de cette prise en charge multidisciplinaire. Aucune maladie de la peau n’a un impact aussi négatif sur la qualité de vie que la maladie de Verneuil: non seulement les abcès sont très douloureux et handicapants physiquement, mais la maladie a également un impact psychologique lourd. L’odeur des suintements est souvent à tort perçue par l’entourage comme due à un manque d’hygiène. L’absentéisme, dû à la douleur des abcès et aux hospitalisations, est souvent mal compris par l’employeur. Enfin, la localisation des lésions dans les zones intimes provoque gêne et tabou chez de nombreux patients.

Lorsque l’on parle de prise en charge de la maladie de Verneuil, la Belgique n’a pas à rougir par rapport à nos voisins anglais ou allemands. Mais nous pouvons faire mieux, en nous inspirant du Danemark ou des Pays-Bas, où il existe de nombreuses cliniques spécialisées. L’approche médicale intégrée est la clé pour permettre au patient d’arriver plus rapidement dans le cabinet d’un dermatologue. Car notre meilleure marge de manoeuvre pour optimiser le traitement de la maladie de Verneuil, à défaut d’un remède curatif à l’heure actuelle, est de réduire substantiellement le délai entre l’apparition des premiers symptômes et l’établissement du diagnostic.

Véronique Del Marmol, chef de service de l’hôpital Érasme à Bruxelles

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire