Pétition citoyenne : plus que 1000 signatures pour un débat au Parlement wallon

Stagiaire Le Vif

À 9 h 30, le Parlement de Wallonie entendra pour la première fois les arguments d’une citoyenne, créatrice d’une pétition. Régine Florent a lancé sa pétition en mai dernier et a reçu sa convocation il y a deux semaines. Depuis septembre 2020, une nouvelle réglementation oblige les parlementaires wallons à écouter l’auteur d’une pétition si celle-ci est signée par au moins 1000 citoyens, âgés de plus de 16 ans et qu’elle formule une question concrète à propos d’un sujet relevant des compétences de la Région.

Le droit automatique est la nouveauté en matière de pétition. En allégeant l’accès au Parlement régional, cette législation entrée en vigueur en septembre 2020 constitue une nouvelle opportunité pour les pétitionnaires d’être entendu par les parlementaires.

Un encouragement à la participation citoyenne

Isabelle Joiret a quitté ses fonctions de Présidente de la Commission de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des transports publics au Parlement de Wallonie juste avant la nouvelle législation. Elle explique que pendant sa législature, le chemin et la prise en compte d’une pétition étaient bien plus longs et incertains. Lorsque le Parlement de Wallonie recevait une pétition, celle-ci était d’abord analysée en Conférence des présidents. Y était discutée la pertinence de faire remonter la demande à la commission compétente. Si le sujet était considéré comme « farfelu », il ne passait pas le vote et était oublié. Depuis septembre 2020, un aspect « automatique » a été ajouté lors du dépôt. « N’importe quelle personne qui récolte 1000 signatures a le droit d’être entendue devant des parlementaires » se réjouit Isabelle Joiret. L’ancienne présidente considère cet allégement comme un point de départ pour de nouveaux débats au parlement et un encouragement à la participation citoyenne.

Que les citoyens puissent s’impliquer davantage dans les décisions politiques ne peut être que positif

Les députés auront le devoir de prendre connaissance de la pétition, de se renseigner sur le sujet et son contexte. « C’est du travail en plus, mais du travail enrichissant » exprime l’ancienne présidente. Cette dernière considère ce nouveau droit comme une réponse aux critiques, « on reproche toujours aux politiques de ne pas s’occuper des sujets qui influencent directement la vie quotidienne des citoyens, ces auditions sont une solution ».

Combler le vide du Parlement wallon

Au niveau fédéral, le droit de pétition est mentionné dans les articles 28 et 57 de la Constitution. Le lanceur de la pétition doit rassembler 25 000 signatures en tout, dont 14 500 venant de Flandre, 2 500 de la Région de Bruxelles-Capitale et 8 000 de personnes domiciliées en Wallonie. Il peut être exercé devant n’importe quelle autorité publique.

C’est en 2016 qu’une législation a été adoptée par le Parlement bruxellois pour consacrer un droit à être entendu au niveau régional lorsque le pétitionnaire parvenait à recueillir un certain nombre de signatures. « Initialement, le seuil était fixé à 5000, il est passé à 1000 en 2020. Les parlementaires ont jugé que 5000 était beaucoup trop élevé » explique Julian Clarenne. Chercheur en droit parlementaire à l’Université Saint-Louis à Bruxelles, le droit des pétitions est l’une de ses spécialités. Il raconte que, suite à l’initiative de la Région de Bruxelles-Capitale, le Parlement wallon a adopté deux décrets en septembre 2020. Ce sont eux qui permettent aujourd’hui aux pétitionnaires défendre leur demande directement au Parlement de Wallonie dès les 1000 signatures atteintes. Attention, tous les sujets ne sont pas recevables. « La pétition ne doit pas être contraire aux droits fondamentaux et doit être en lien avec les compétences du Parlement concerné » indique Julian Clarenne. Pour le chercheur, l’avantage de ce droit subjectif à être entendu pourrait motiver la participation citoyenne grâce à un accès allégé au débat.

Aucune obligation de se rendre devant le Parlement

François Desquesnes, député de la Fédération Wallonie-Bruxelles qualifie ce droit à être entendu d’ouvert et non-contraignant pour le lanceur de la pétition. L’usage est libre, personne n’est obligé d’être auditionné. « Il motive les citoyens à être entendus, oblige les parlementaires à les écouter et évite toute manoeuvre politique qui viserait à étouffer le débat » ajoute le député. Grâce à un débat contradictoire « forcé », porté par la personne à l’initiative de la pétition, le sujet est mis sur la place publique et médiatique puis proposé de facto à l’agenda politique.

Cela oblige l’autorité ministérielle à clarifier sa position

Le député précise qu’il ne s’agit pas « d’un changement fondamental dans la procédure générale ». Une pétition, n’est pas une initiative citoyenne et n’a donc pas de valeur contraignante, « c’est une demande, pas une décision » n’insiste le député.

Une prise en main compliquée

Selon Julian Clarenne, la souplesse est l’un des avantages du droit de pétition. Impossible pour le législateur et le Parlement de restreindre ce droit en y ajoutant des conditions contraignantes. Une pétition peut donc être déposée de n’importe quelle manière, du moment que le pétitionnaire est identifiable. « La récolte de signatures est possible par voie papier et électronique si le Parlement a mis en place une plateforme à cet effet » ajoute Julian Clarenne. Chaque Parlement est libre de développer une plateforme virtuelle pour permettre à la pétition de s’organiser en ligne.

C’est justement la plateforme en ligne du Parlement wallon qui a ralenti Régine Florent, primo-signataire entendue ce matin. Pour elle, ce nouveau droit, plus démocratique, « est une procédure compliquée et encore trop peu connue ». Elle s’inquiète que les citoyens belges ignorent cette « opportunité ». D’ailleurs, la créatrice de la pétition a pris connaissance de cet allégement de législation par son fils. Dans la foulée, elle a lancé la récolte de signatures en mai 2020. Son texte demande la mise en place d’un système de consignes sur les cannettes et les bouteilles en plastique. La collecte de signatures s’est clôturée en octobre 2020. Régine Florent raconte que le système de signature en ligne proposé par le Parlement wallon « n’est pas facile à utiliser ». Si l’on veut signer une pétition, il est nécessaire de s’identifier via itsme, « que tout le monde ne possède pas », de posséder un logiciel de lecteur de carte et de pouvoir s’identifier par carte d’identité avec un code pin. Elle confie que beaucoup de signataires ont abandonné face à une procédure électronique trop compliquée. Entre signatures manuscrites et électroniques, le processus de vérification de l’identité des signataires a été longue. Régine Florent a reçu sa convocation au Parlement il y a seulement deux semaines.

J’aurais dû consacrer plus de temps pour récolter des signatures papier, c’est bien plus simple

Ce nouveau droit sera expérimenté pour la première fois ce matin au Parlement de Wallonie. Pour Julian Clarenne, pour plus de poids, l’objectif serait de développer la possibilité du débat en plénière. Les auditions étant réalisées en commission parlementaire, la visibilité du débat est réduite. « En plénière, un citoyen pourrait intervenir devant l’ensemble de l’assemblée » conclut le chercheur.

Anaelle Lucina.

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