Zinneke: deuxièmeke!

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Deux ans après une première édition bouillonnante, la Zinneke Parade maintient son cap de carnaval visuel à l’image de la capitale. Rendez-vous le 25 mai

Rio ou la Zinneke, c’est un peu la même démarche: de l’inventivité visuelle, du char explosif, du costume glamour ou drôle jetés au regard du public. Mais, surtout, un long travail en dehors de la médiatisation et des paillettes d’un jour. Le défilé de la première Zinneke Parade, le 27 mai 2000, attire 300 000 personnes dans les rues de Bruxelles et s’impose comme un véritable événement pour la ville: 200 associations de quartiers, 4 000 participants créent un serpent festif qui parcourt le tissu urbain, épaté par ce kaléidoscope d’images chaudes.

Certains responsables politiques comprennent vite qu’au-delà du symbole ludique la Zinneke (« bâtard », en bruxellois) pourrait – à longue échéance – favoriser l’implication des quartiers en phase de revitalisation et donner à Bruxelles un surplus d’image. Le ministre régional Eric Tomas s’investit dans l’entreprise et décroche, par la même occasion, le titre envié Premier Zinneke d’honneur. La Région de Bruxelles-Capitale est suivie par les deux Communautés, française et flamande, qui permettent à l’ASBL (bilingue) Zinneke de devenir une structure permanente. Le budget de l’édition 2000, soit 70 millions de francs, est légèrement revu à la hausse pour ce second essai du 25 mai, malgré l’après-11 septembre, qui voit les sponsors 2000 se défiler comme à la veille de la fin du monde.

Entre-temps, les ateliers pour la Zinneke continuent à fleurir et posent la matière première d’un véritable réseau dans la ville. Cinq pôles de développement sont désormais installés dans les communes de la première couronne de Bruxelles: Molenbeek, Anderlecht, Saint-Gilles, Schaerbeek et Ixelles-Etterbeek. La Zinneke est un grand mixer qui permet aux gens d’un même quartier de se rencontrer et de travailler ensemble, mais aussi à un pôle d’aller voir ce qui se passe ailleurs. Pour certains gamins de Molenbeek, danser ou chanter avec leurs homologues ados de Woluwe peut prendre l’allure d’un choc culturel. Et l’on parle, évidemment, d’un sentiment réciproque. Chaque pôle chapeaute une série d’expériences placées sous une véritable direction artistique. « On veut dépasser le traditionnel travail socio-culturel, qui se préoccupe généralement moins du résultat que du processus, explique Marcel De Munnynck, directeur de l’ASBL Zinneke. Cette parade est née avec des gens qui ont appris à danser, à chanter, à se montrer pour l’occasion. On est dans la lignée d’une parade citoyenne qui insiste également sur la qualité de la forme proposée au regard des spectateurs. « 

Ce qui est sympa et important dans la Zinneke, c’est sa façon d’appréhender la culture comme substance nécessaire. Sans discours ou théorie superflus, comme odeur naturelle de la ville, de la vie. Marcel De Munnynck est conscient du mode juste, à trouver pour la parade 2002 (et les suivantes). Alors qu’il est question de synergies européennes – avec Lille, capitale culturelle en 2004 – la Zinneke 2002 se place sous le signe de la « Zinergie ». « C’est vrai que les consignes – pas de sono, pas de moteur pour propulser chars et décors – ont un petit relent post-68: c’est une manière de préserver l’environnement, mais aussi de demander aux gens d’être inventifs dans ce qu’ils créent. »

Sur ce thème énergétique, l’un des cinq pôles, celui du nord-ouest de Bruxelles (Molenbeek) a choisi de décliner « l’énergie de l’amour », vaste programme qui peut susciter de multiples combustions. « Pour cette édition 2002, nous avons vraiment vu venir beaucoup plus d’associations de quartiers qu’en 2000. Nous avions alors trois projets, nous en avons aujourd’hui douze, réunis dans sept « Zinnodes ». Une Zinnode regroupe à la fois de la musique, de la danse, de la chorégraphie. » Pour Nelly Keshavaz, responsable de production du Nord-Ouest, la Zinneke a un effet de conscientisation sur les gens: « C’est un travail multiculturel, mais aussi multigénérationnel. Nous attirons des gens de 8 à 50 ans, des écoles, des foyers de jeunes ou encore l’Ecole du cirque, désormais installée à Molenbeek. C’est aussi une façon de sentir que cette commune-là n’est pas isolée du reste de Bruxelles ». Vivre la ville et vivre sa vie: la Zinneke nous donne deux ou trois jolies raisons de passer à l’action.

La Zinneke Parade part le 25 mai dès 13 heures du Boulevard Lemonnier jusqu’au Boulevard Albert II, où se produira la dislocation (www.zinneke.org). Infos au 02-214 20 07.

Philippe Cornet

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