Zingaro au grand galop

La troupe équestre Zingaro a planté son chapiteau à Bruxelles pour présenter son nouveau spectacle, Battuta. Une chorégraphie envoûtante créée par le père fondateur de la compagnie, Bartabas.

Hongkong, Tokyo, Avignon, Lyon… A chaque fois que le chapiteau de Zingaro élève ses flèches vers le ciel d’une ville, le public se presse pour voir la compagnie équestre de Bartabas, dont le nouveau spectacle, Battuta, est enthousiasmant. La symbiose entre les écuyers et leur monture est parfaite, la vitesse d’exécution des acrobaties, impressionnante, et la musique, en complète harmonie. Quant à la  » machine Zingaro « , elle demande une organisation sans failles. Parfois, les chevaux prennent même l’avion, comme cet été, où ils sont allés à Hongkong. Mais, lorsqu’un spectacle est fini, il disparaît : c’est une troupe sans répertoire, dont plus personne ne rejouera les pièces. Peut-être est-ce aussi cela qui charme tant le public, le sentiment d’assister à quelque chose d’unique…

Le Vif/L’Express : Le spectacle que vous présentez à Bruxelles, Battuta, est une énorme machine : 16 cavaliers, 15 musiciens, 36 chevaux, 1 âne, une importante équipe technique…

Bartabas : C’est la plus grosse production de Zingaro en nombre. Mais, si je devais comparer avec les spectacles de nos débuts, je dirais que c’est plutôt moins stressant, parce que, avant, on faisait tout. On montait le chapiteau, on vidait les camions… Si une personne se blessait, nous devions tout annuler.

Combien de temps faut-il pour préparer un spectacle comme celui-ci ?

Entre le moment où l’on arrête un spectacle et où est donnée la première du suivant, il se passe quatre ou cinq mois. Mais, en fait, le travail a commencé un à deux ans avant. Je travaille déjà sur le prochain, qui aura lieu en 2009-2010. Préparer les chevaux, aller chercher les musiciens… C’est un long processus.

La musique est aussi présente que les chevaux dans vos spectacles. Pour Battuta, vous l’avez même choisie avant tout…

Zingaro, c’est l’alliance du cheval et de la musique. Nous accueillons des musiciens dans la compagnie pour une période de presque trois ans. Pour Battuta, il s’agit de musiciens tsiganes de Roumanie. Avant, c’étaient des musiciens indiens du Rajasthan…

Vous avez failli appeler ce spectacle Sans toit ni tombe

C’est une façon de décrire le peuple tsigane, qui n’a pas de maison, et qui n’a pas le culte des ancêtres. Et puis si, à Zingaro, on a un toit ( NDLR : la compagnie dispose d’un théâtre fixe en banlieue parisienne), il n’y a pas de répertoire. Une fois qu’on termine une création, elle ne sera plus jamais jouée. J’aurais préféré que ce soit possible, mais il y a longtemps que j’ai digéré cela, et il faut regarder de l’avant.

Pourquoi le spectacle s’est-il finalement appelé Battuta ?

D’abord, c’est un nom en sept lettres, et tous mes spectacles ont un nom en sept lettres ( Loungta, Triptyk, Chimère, Eclipse…). Aujourd’hui, je le fais exprès, mais c’est un journaliste qui me l’a fait remarquer il y a dix ans… Et puis Battuta, ça veut dire plein de choses : en tsigane, ça signifie battre la mesure, mais aussi la battue du galop. Ce sont aussi des morceaux de musique de fanfare, sur des tempi très rapides. C’est également le nom d’un grand voyageur arabe, et ça veut dire  » blague  » en espagnol…

Il y a d’ailleurs beaucoup de place laissée à l’humour.

Toujours, parce que l’image du cavalier sur un cheval est très forte, et va parfois au-delà de ce qu’on veut exprimer. Souvent, l’homme à cheval est un roi, un guerrier. Il représente la puissance, le pouvoir, et ce n’est pas forcément ce qu’on a envie de montrer, on veut parfois faire sentir que c’est le cheval qui guide. L’humour permet de désamorcer le côté too much de cet imaginaire.

Tout le spectacle est basé sur une seule allure, le galop. Etait-ce un simple exercice de style, ou cela a-t-il un sens plus profond ?

Cela a un sens précis. Le thème de Battuta, c’est la liberté. Il est très vite apparu qu’il n’y avait pas de liberté sans danger. Appliquée aux chevaux, l’allure de la liberté, c’est le galop. De là est venue cette idée d’un spectacle entièrement au galop, d’un trait, comme un geste calligraphique.

Vous avez dit un jour que Zingaro disparaîtrait avec vous. Pourquoi ?

Je suis allé voir la compagnie de Maurice Béjart hier soir… Quand le chorégraphe n’est plus là, ça ne va pas durer éternellement. Béjart disait à la fin de sa vie qu’il préférerait que ça s’arrête après lui, plutôt que des gens pervertissent un peu ses chorégraphies. Alors moi, c’est encore pire, parce qu’on n’a pas de répertoire.

Cela veut dire que vous n’avez formé personne pour prendre le relais ?

Non, parce que tout se passe au jour le jour. Mais une autre aventure peut naître…

Battuta, sur le site de Tour & Taxis, à Bruxelles. Du 20 septembre au 16 novembre. Tél. : 0892 681 891.

Entretien : Thomas Baltes

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