Pippo Delbono, un artiste à la pensée tortueuse. © DR

Y’a d’la joie

L’homme de théâtre italien Pippo Delbono est à l’honneur à Bruxelles à travers une exposition et un film à Bozar et deux spectacles au KVS.

En mars 2019, Bozar ouvrait une de ses salles d’exposition au danseur et chorégraphe américain Steve Paxton. En ce début d’année, c’est à un autre révolutionnaire des scènes que la vénérable institution consacre un de ses espaces, l’acteur et metteur en scène Pippo Delbono, né en Ligurie en 1959. La mente che mente (jeu de mots sur l’homonymie en italien entre  » l’esprit  » et  » il ment « ) est un parcours labyrinthique (1) conçu initialement pour le Centre Pompidou, à Paris, par Delbono lui-même, qui le décrit comme  » un chemin émotif fait de sons, de musique, de paroles, de silences, d’images, qui raconte un parcours de l’esprit « . L’occasion d’entrer dans la pensée tortueuse de cet artiste flamboyant, imprégné par les techniques orientales, devenu bouddhiste, marqué par sa rencontre avec la chorégraphe Pina Bausch à la fin des années 1980, séropositif depuis les années 1990 et qui n’a eu de cesse de brasser dans ses créations des gens d’horizons différents : acteurs, danseurs, ouvriers, Roms, immigrés, handicapés mentaux, SDF…

Pippo Delbono est aussi un homme de cinéma. D’abord en tant qu’acteur, sous la direction notamment de Luca Guadagnino pour Io sono l’amore (le mari de Tilda Swinton, c’est lui) ou Yolande Moreau pour le rôle principal de Henri, mais aussi en tant que réalisateur de courts et longs métrages, comme Guerra, présenté à la Mostra de Venise en 2003, Grido ou Amore carne. Au Palais des beaux-arts de Bruxelles, l’exposition est complétée par la projection de Vangelo (2), documentaire sur la rencontre entre Pippo Delbono et des réfugiés du centre d’accueil d’Asti.

L’ombre de Bobò

On ne pouvait bien sûr imaginer un focus autour de Pippo Delbono en faisant l’impasse sur son théâtre aux images puissantes et le KVS accueille en parallèle la reprise de deux de ses spectacles. La Gioia ( » La Joie « ) (3), créé en 2018, offrait une place de choix à Bobò (de son vrai nom Vincenzo Cannavacciuolo), sourd-muet microcéphale que Delbono rencontra en 1996 et qu’il sortit de l’hôpital psychiatrique où il était interné pour l’intégrer à sa troupe. Bobò est décédé en février 2019, à 83 ans, et son ombre flotte encore dans ce spectacle traversé aussi par des bateaux de papier, des feuilles mortes et les compositions florales du Belge Thierry Boutemy.  » Pour conserver la joie, un tonneau ne sert à rien, mais plutôt un pacte. Tu dois décider que la joie est la source de ta vie « , y déclame Delbono.

Il est aussi question de fleurs dans Orchidées (4), créé en 2013. Delbono se sert de l’image de cette fleur si parfaite qu’elle peut sembler factice pour jouer sur la ligne qui sépare parfois très fragilement le vrai et le faux, et de cette plante symbolisant l’immortalité pour aborder le décès de sa mère. Bobò n’est plus là, mais on y retrouve les fidèles Gianluca Ballarè et Nelson Lariccia, sur une bande-son où s’entrechoquent Nino Rota et Deep Purple, Miles Davis et Angélique Ionatos.

(1) La mente che mente : du 8 au 26 janvier.

(2) Vangelo : à Bozar, à Bruxelles, le 7 janvier.

(3) La Gioia : au KVS, à Bruxelles, les 9 et 10 janvier.

(4) Orchidées : au KVS, à Bruxelles, le 8 janvier.

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