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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Lassé d’être le « gentil petit prince du raï », Faudel fixe son deuxième album sur les rythmes électro-andalous plus élaborés

On se souvient qu’il y a trois ans, en première partie de Cheb Mami, la partie féminine du public des Halles de Schaerbeek accueillait Faudel à coups de youyous sauvages. Avec son tube Tellement n’brick (« Tellement je t’aime »), le gamin de la banlieue parisienne chavirait les coeurs via des déhanchements de jeune Elvis arabe. La critique a eu beau grimacer sur les paroles indéniablement naïves et le sourire continu de Faudel, rien n’a pu empêcher le succès du premier album: 300 000 copies vendues de Baïda. Suivirent une Victoire de la musique 1999 et le triomphe de l’opération « 1, 2, 3 Soleils », aux côtés de Khaled et de Rachid Taha. Désormais, l’acrobatique voix de rossignol planant de Faudel Belloua semble survoler le raï français.

« Aujourd’hui, l’image du beau-fils idéal, du « boy’s band à lui tout seul », très propre sur lui, j’en ai assez. Il faut comprendre que mon premier album prenait la température. Sur Samra – qui signifie « métisse » en arabe -, il y a le désir d’aller plus loin, mais toujours en donnant du bonheur aux gens. D’ailleurs il y a une chanson dédiée à ma maman sur le disque! » A 22 ans, hors plateaux télé, Faudel fait moins travailler ses zygomatiques et paraît, du coup, nettement plus grave. Voire angoissé. En cause: la pression mise sur ce disque à gros budget et le plan de marketing qui lui est implicitement collé. Désormais, il lui faut déborder les frontières naturelles (franco-arabes) du raï et décrocher un véritable succès international.

Pas vraiment Léo Ferré

« Pour le second disque, on a mis la barre très haut: je me suis investi à 200 % dans un métier qui est quand même une machine à broyer. » Parmi les rencontres de l’album, une chanson avec le guitariste de Billy Idol, le type peroxydé qui chevauche le solo sur le Bad de Michael Jackson. Un pro à l’anglo-saxonne, présenté par Miles Copeland (frère du batteur de Police, dont il fut également manager): un gentleman américain qui organise régulièrement des « sessions » musicales dans son château français. Sur le très arrangé Samra, la dernière technologie digitale accouche de programmations fuselées et d’un éclectisme qui laisse parfois rêveur: le raï en voit de toutes les couleurs, et pas toujours des plus sensuelles. Faudel passe même un titre dans le mixeur de la salsa, via un duo avec Yuri Buenaventura: « Encore une rencontre! C’était un été, au siège du label Real World, chez Peter Gabriel, quand j’avais 17 ans. Le morceau est né à ce moment-là! » Au-delà des sonorités mode façon électro-andalou, le terrain est doublement balisé par deux pros du son: le Japonais Goh Hotoda (acolyte de Sakamoto et remixeur des stars Prince et Madonna) et Nabil Khaladi, chef d’orchestre de « 1, 2, 3 Soleils », désormais responsable de l’orientalisme chez Faudel. Cet ultime repère de culture arabe est sans doute ce que le jeune homme maîtrise le mieux: la relative simplicité ondulante d’un titre comme Paris-Le Caire comporte plus de mystère et d’émotions que les charges appuyées de sequencers de Lila, morceau d’ouverture du disque. Mais la véritable faiblesse réside dans les textes, pour la plupart signés de sa main (moyennement inspirée). On approche parfois la niaiserie des bleuettes orientales à la Claude François ( La Main dans la main, classique adapté ici par le parolier d’Obispo). Mais, comme dit Faudel: « Textuellement, je ne suis pas Léo Ferré. » Ce qui ne l’empêche pas de rêver à une longue carrière, de New York à Alger, où il retournait fin 2000. Devant un public puriste qui, après un round d’observation, lui fit un véritable triomphe.

CD Samra, chez Universal. En concert le 27 avril au Théâtre royal de Mons, 065-39 59 39, et le 30 mai aux Halles de Schaerbeek (nouvelle date), 02-218 21 07.

Philippe Cornet

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