Willy Demeyer  » Nous sommes de retour « 

Le bourgmestre de Liège aborde les élections communales les yeux fixés sur Liège 2017 et la  » supracommunalité « . Liège Métropole ou comment retrouver son prestige sans fâcher les voisins.

Willy Demeyer, 53 ans, bourgmestre de Liège (PS) depuis plus de dix ans, sénateur à ses heures, aurait pu devenir ministre de l’Intérieur. Le Liégeois était le  » Monsieur Sécurité  » du PS pendant les négociations gouvernementales. Il a préféré se mettre à la course à pied en vue de l’Urban Tour de Liège (6 mai) et profiter de l’alliance pressentie avec le MR (au lieu du CDH) pour s’offrir une nouvelle jeunesse. Une coalition, c’est  » un mélange de rapport de force, de programmes et d’affinités personnelles « … Une simple étape au regard des ambitions qu’il a pour Liège : ni dominatrice ni repliée. Juste à sa place… qui est grande.

Le Vif/L’Express : Quels sont vos espoirs pour Liège ?

Willy Demeyer : Il faut voir d’où on vient. Il y a vingt-cinq ans , la ville était complètement ruinée, en conflit avec la Région wallonne et même avec l’Etat. Avec le plan d’assainissement, les socialistes se sont divisés entre le  » groupe Cools « , dont je faisais partie, et le  » groupe Perron « , de Jean-Maurice Dehousse. Le temps qu’ils se réconcilient, William Ancion (PSC) a assuré l’intérim à la tête de la ville. Puis le PS est revenu. J’ai battu Didier [NDLR : Reynders] en 2000, puis en 2006. Il n’y aura pas de troisième fois, puisqu’il est parti. Il a donc fallu rembourser cette dette terrible. Liège offrait des services publics à toute la région. Je me souviens avoir dû fermer un internat pour jeunes handicapés, dont neuf sur dix ne provenaient pas de la province de Liège et le dixième n’était pas liégeois. L’Etat et la Région wallonne nous ont aidés. Le personnel a trinqué. Il y a deux ans, on est arrivé à l’équilibre complet. Depuis que la ville va mieux, les Liégeois se sont repris à rêver. Liège 2015, capitale européenne de la culture, c’était prématuré. Mais des jeunes y ont cru, jusqu’à l’excès. J’ai reçu des menaces, ma famille aussi. Mais tout ça, c’est du passé. Les jeunes se sont reportés avec enthousiasme sur le projet de l’Expo 2017.

On sait pourtant que les chances de Liège sont faibles au regard de la candidature d’Astana, la capitale du Kazakhstan…

Oui, mais les Liégeois ont compris instantanément l’intérêt de ce projet. On y pensait depuis 2005. Le thème de l’Expo 2017, qui est de promouvoir le développement dans tous les domaines grâce aux technologies de l’information et de la communication, est dans le code génétique des Liégeois. Je me suis intéressé à l’histoire de Liège. Liège a été de tout temps une terre de progrès et de bien-être pour ses habitants et pour tous ceux qui s’y installaient. Elle a vocation à le redevenir et à rayonner internationalement. Chacun, dans sa famille, a un souvenir de l’Exposition universelle de 1905, de l’Exposition de l’eau de 1939… En nous portant candidat, nous nous sommes exposés. Relever un défi vous rend déjà meilleur. C’est un cercle vertueux. J’ai entendu que Maxime Prévost, au Cercle de Wallonie, encourageait les Namurois à s’inspirer de Liège. Lors de ma tournée dans une dizaine de villes en Flandre, j’ai été très bien reçu. Le regard sur Liège a changé. Il ne faut pas oublier que l’Expo 2017 est un projet national. En termes d’image, le retour est déjà là.

En période électorale, rien que du bonheur…

Nous nous gardons de toute récupération politique. La société coopérative Expo 2017 est présidée par le baron Robert Tollet. Les quatre vice-présidents, dont je suis, appartiennent aux quatre familles politiques : PS, MR, CDH et Ecolo. Toutes disposent de la même information. Ce n’est pas un sujet de campagne électorale. C’est le projet de tous les Liégeois.

Les gens ne sont-ils pas lassés du mille-feuille institutionnel, de ces discussions interminables entre communes, province, intercommunales, conférence des bourgmestres, etc., pour faire advenir la communauté urbaine de Liège, alors que le PS est aussi bien présent en ville que dans ce qu’on appelait autrefois la  » ceinture rouge  » des communes avoisinantes ?

Cela n’a rien à voir avec la politique. Le clivage traverse tous les partis. Il oppose les centres urbains à la périphérie. Mais les choses sont en train d’évoluer. Les petites communes sont elles-mêmes demandeuses de plus d’harmonisation. Une nouvelle génération de bourgmestres comprend l’intérêt de céder certaines compétences pour bénéficier de meilleurs services à moindre coût. Le tout est de situer ces compétences – santé, culture, mobilité… – au bon endroit, à la bonne échelle. C’est un projet de restructuration, dont s’occupe beaucoup une personne comme Stéphane Moreau qui, bien que bourgmestre d’Ans, comprend les enjeux d’une grande ville. Moi, j’aime bien que les gens s’entendent. Je ne vais pas les forcer mais je vais y arriver. Il y aura une communauté urbaine de Liège. En fait, l’esprit y est déjà. Notre soutien unanime au projet de tram Herstal-Seraing le prouve. Nous n’avons pas obtenu tout ce que nous demandions, mais c’est un début.

Quand cette communauté urbaine verra-t-elle le jour ?

Après les élections communales d’octobre, nous réunirons tous les états-majors politiques en vue de soumettre à la Région wallonne un projet-pilote en matière de supra-communalité, sur une base volontaire, par délégation. Pour cela, il faut un cadre légal, fût-il transitoire. Pour l’Europe, on sait que la bonne échelle est 500 000 habitants ou un million d’habitants. Avec la province, nous arrivons à 1,3 million. Avec l’arrondissement de Liège, on atteint 500 000 habitants. Il faut donc se regrouper. Liège Métropole réunirait toutes les communes de l’arrondissement de Liège. De leur côté, les arrondissements de Huy-Waremme et de Verviers se sont organisés en ASBL, comme Liège. La province chapeaute le tout.

La Wallonie soutient-elle suffisamment les villes ?

J’avais insisté, lors de la formation du gouvernement wallon, pour qu’il y ait un ministre de la Ville, Paul Furlan (PS). Cela dit, je comprends qu’une entité de 1,3 million d’habitant telle que la province de Liège représente déjà un tiers de la Région wallonne, et autant pour la province de Hainaut. Ce n’est pas confortable. Mais, en attendant, 51 % des revenus du travail en Wallonie sont produits dans 25 communes sur 261. Ce qui signifie que 90 % des communes wallonnes importent des revenus qui sont produits ailleurs. Et cet  » ailleurs « , ce sont les villes ! Il est donc indispensable de les soutenir et de les reconnaître à leur juste valeur. Liège offre 110 000 emplois, plus que le nombre de Liégeois en âge de travailler. Si on veut développer la Belgique et la Wallonie, il faut miser sur les villes.

Mais comment ? En déshabillant Pierre pour habiller Paul ?

Il faut relocaliser les subsides dans une enveloppe de la Ville. Actuellement, le seul mécanisme correcteur des charges supplémentaires que nous supportons en tant que grande ville est le Fonds des communes. Ce n’est pas suffisant. Un autre exemple, fédéral, celui-là, est le financement des zones de secours : la Ville de Liège contribue pour 55 % au budget de son intercommunale d’incendie. Chaque Liégeois paie 110 euros pour ses pompiers, soit près du triple de la moyenne nationale (40 euros par habitant), alors que la concentration de l’habitat en ville est source d’économie et qu’a contrario la faible densité de population engendre des coûts supplémentaires. Je demande donc que la réalité urbaine soit davantage prise en compte dans les politiques développées au niveau régional et fédéral.

Dossier spécial Liège page 82 à 110.

ENTRETIEN : MARIE-CÉCILE ROYEN

 » 51 % des revenus du travail en Wallonie sont produits dans 25 communes « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire