Vraiment propre, l’électrici té verte ?

Rien ne permet de différencier un électron classique d’un électron vert. Pourtant, l’approvisionnement des fournisseurs en électricité verte recouvre des réalités très diverses. Et pas toujours aussi irréprochables qu’on ne le croit.

L’ordre de mission européen est clair : d’ici à 2010, la Belgique devrait atteindre un seuil de consommation de 6 % d’électricité renouvelable. On en est loin : entre 2002 et 2006, la production d’électricité d’origine renouvelable a certes augmenté de 170 %, mais cela ne représente jamais que 3 % de la consommation finale.

Il n’empêche. Réchauffement climatique aidant, les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir s’approvisionner en électricité verte. En théorie, la plupart des fournisseurs proposent ce service, et la loi semble définir de façon précise la notion d’électricité verte comme étant celle qui est produite à partir de sources d’énergie renouvelables.

En février dernier, pourtant, Greenpeace lançait un pavé dans la mare : en dévoilant, dans le cadre de sa campagne You’ve got the power, son nouveau palmarès des fournisseurs d’électricité verte, le mouvement de défense de l’environnement invitait les consommateurs à se pencher sur les subtilités de ce marché pour débusquer la part de production pas toujours aussi propre qu’on pourrait le croire cachée derrière des apparats verts.

Ainsi, le contrat classique d’Electrabel a été désigné comme  » le plus irrespectueux pour l’environnement « . Pour poser ce jugement, Greenpeace, qui a utilisé les chiffres du fournisseur lui-même, indique que le mix énergétique de l’électricité livrée en Belgique  » est toujours composé de 70 % de nucléaire et de charbon contre 1,7 % d’énergies renouvelables « .

La faute aux lois ?

Pour se défendre, Electrabel rappelle qu’il est  » le plus grand producteur d’énergie verte en Belgique « , chiffres à l’appui.  » Electrabel dispose d’une production d’électricité verte de 465 MW, ce qui équivaut à la fourniture d’électricité pour 530 000 ménages. D’ici à 2015, nous prévoyons d’investir 1,3 milliard d’euros et de fournir de l’électricité verte pour 1 million de familles, argumente Anne-Sophie Hugé, porte-parole du fournisseur d’énergie. D’autre part, nous avons lancé un produit à 100 % vert et à 100 % belge, qui compte à ce jour plus de 100 000 clients. Nous faisons appel à un organisme indépendant pour certifier que l’on produit assez d’électricité verte en Belgique pour ouvrir la consommation des contrats conclus sous les labels verts. Ce n’est pas nous qui déterminons si notre électricité est verte ou pas : ce sont les lois. « 

Et le problème est sans doute en partie là : alors que, pour Greenpeace, la seule électricité verte est celle qui est produite à partir d’énergies renouvelables au sens strict (solaire, éolien, petits ouvrages hydrauliques, biomasse verte et géothermie), cette définition varie en fonction des Régions.  » En Flandre, la co-combustion (combustion de biomasse dans des centrales au charbon) est reconnue comme une source d’énergie verte « , fustige Jan Vande Putte, porte-parole de Greenpeace. Et de rappeler que, si Electrabel s’est vu attribuer d’aussi mauvais scores en tant que fournisseur vert, c’est en partie parce qu’il s’adonne à cette pratique  » regrettable à la fois parce qu’elle constitue un alibi à la prolongation de la durée de vie de ces centrales, et parce que le rendement n’y est pas optimal « .

Greenpeace a aussi épinglé Luminus pour l’utilisation d’huile de palme dans sa centrale de Harelbeke, considérant que cette source d’approvisionnement, qui a des effets indirects graves et incontrôlables sur la déforestation et, donc, sur les rejets de CO2, doit être évitée pour les centrales à biomasse. Enfin, alors qu’en Wallonie comme en Flandre l’énergie produite au départ de grandes centrales hydro-électriques donne droit à des certificats verts, Greenpeace attribue un score neutre à ces installations, estimant que leur utilisation ne représente pas de véritable valeur ajoutée du point de vue environnemental.

Le mécanisme des  » labels de garantie d’origine  » (LGO), système de marquage européen de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables (SER) et/ou de cogénération à haut rendement (COGEN), jette lui aussi le trouble. Car, si ces titres doivent garantir l’origine verte de l’électricité fournie aux consommateurs finaux d’électricité au sein de l’Union européenne, une fois octroyés aux producteurs, ils peuvent être échangés entre les Etats membres de l’Union. Le consommateur est ainsi assuré que l’électricité verte pour laquelle il a conclu un contrat a bien été produite et injectée dans le réseau mais des fournisseurs qui ne produisent eux-mêmes que de l’électricité grise peuvent vendre de l’électricité verte sans faire d’investissement en la matière.

C’est sur ce point que le choix des consommateurs s’avère important : en sélectionnant les fournisseurs qui affichent une politique volontaire d’investissement dans de nouvelles structures de production d’énergie renouvelable, ils peuvent exercer une réelle influence sur le secteur. Bel exemple de ce nouveau type de petit fournisseur, la coopérative Energie 2030 fournit à ses clients uniquement l’électricité qu’elle produit au départ d’une quinzaine d’éoliennes, implantées en Allemagne et en Belgique, et de quelque 140 KW d’installations photovoltaïques.

 » La production décentralisée est une des pistes pour réduire l’impact environnemental de la consommation électrique, insiste Jan Vande Putte Avec les systèmes de subventions actuels, en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles, il est économique pour un ménage d’investir dans le placement de panneaux photovoltaïques. « 

Le paradoxe des labels de garantie d’origine

Mais les panneaux photovoltaïques, composés de substances toxiques, et nécessitant de l’énergie pour leur production, n’ont-ils pas eu aussi un impact écologique négatif ?  » Il faut compter plus ou moins quatre ans de production d’énergie pour amortir la fabrication de ces panneaux, dont la durée de vie dépasse vingt ans, rappelle Jan Vande Putte. Et grâce à la recherche, on est maintenant très proche d’une production à grande échelle de panneaux photovoltaïques qui utilisent beaucoup moins de substances toxiques. Le recyclage à long terme est lui aussi pensé en amont de la fabrication. Avec ces mesures, dans les années à venir, l’impact écologique des panneaux photovoltaïques va encore être réduit. Il est donc légitime à l’heure actuelle d’investir dans cette technologie.  » Sans oublier une règle de base : l’électricité la plus propre est celle qu’on ne consomme pas !

I. L.

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