Vous avez dit vert ?

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« PARTI POLITIQUE, LA PETITE TRENTAINE, CHERCHE SECOND souffle désespérément.  » Où trouver un pack sûr pour affronter une réalité bien mouvante, un bréviaire pour s’orienter dans le brouillard politique et économique ? Comment séduire un électorat profondément angoissé face à un avenir incertain ? Quels mots pour convaincre des citoyens de plus en plus volatils et dispersés qu’un activisme brouillon ou un dogmatisme affiché effrayent ?

Vertigineux défi pour les Verts qui ne peuvent guère s’appuyer aujourd’hui sur une virginité politique dont, hier, ils ont beaucoup abusé. Souvenez-vous, l’ère des doux rêveurs, la  » participopposition « , un pied dedans, un pied dehors, l’ardeur des zélotes pour fustiger tous ceux qui ne pensaient pas comme eux. Avec la foi du charbonnier, ils canardaient sec et tous azimuts. Un jusqu’au-boutisme qui cachait mal une véritable ambition pour les allées du pouvoir. Quinze ans plus tard, la donne a sérieusement changé. Ecolo a été de tous les gouvernements. Lui aussi a versé dans les jeux politiciens, les intrigues avec leur triste cortège de trahisons (on se souvient encore de la méthode brutale d’Olivier Deleuze pour s’emparer de Watermael-Boitsfort), la lutte pour les places. Et que dire de sa gestion calamiteuse de plusieurs dossiers dont l’emblématique photovoltaïque qui va plomber les finances wallonnes pour des décennies ? De son flirt poussé avec le PS dont il n’a peut-être pas pris le meilleur ? Pire que les autres partis, Ecolo ? Certainement pas. Mais difficile pour lui désormais de prétendre laver plus vert que vert. La realpolitik est passée par là, il s’est no-ta-bi-li-sé. Jusqu’à porter sur son costume la tache du soupçon.

Triste bilan à la veille d’élections qui s’annoncent particulièrement sanglantes. Sans parler de la crise de 2008 qui a placé clairement l’économique au centre du débat politique. Comment émouvoir autour des seules préoccupations écologiques quand, par milliers, les travailleurs perdent leur emploi ? Avec son nouveau manifeste,  » un projet pour le XXIe siècle  » que Le Vif/L’Express a pu découvrir en priorité, et dont nous livrons la substantifique moelle cette semaine, Ecolo tente donc de se repositionner. A gauche toute ! Risqué. D’abord, c’est assez encombré comme  » place to be « . Et puis, avec quels concepts ? Sans grande surprise, et dans le désordre : contre le productivisme, la société de consommation, les profits effrénés, les productions irresponsables à l’égard de la planète ; pour une société éco-citoyenne, une régulation économique, une durabilité… Sincèrement, le contraire aurait surpris, mais bon ! Un discours qui se veut touchant, sans doute, mais siphonné de plus en plus tant par les socialistes que les libéraux. Un peu mince finalement, ce code de bonne conduite si c’est pour éviter le banc de touche en 2014 !

Et pourtant, ils y aspirent toujours au pouvoir, les Verts, ils y ont pris goût. Oui, mais comment gagner les élections et s’imposer au-delà des 10-12 % d’intentions de vote, leur socle, sans perdre son âme ? Et puis l’électeur n’a pas la mémoire courte, il se souvient des promesses non tenues, des égarements. Comment le sensibiliser quand il a d’autres chats à fouetter ? Va-t-il s’y retrouver dans ce programme  » révolutionnaire  » assez flouté ? Pour ou contre la croissance, les Verts ? Sont-ils vraiment capables de créer de la richesse ? Ou bien sont-ils plus doués pour dépenser l’argent de l’Etat-providence ? Eh oui, le chemin qui mène aux sceptiques est bien méandreux. Mais courage ! Car comme le dit le proverbe chinois :  » haute est l’échelle, mais je monte, je monte « . Enfin, ils y croient.

CHRISTINE LAURENT

Ecolo s’est no-ta-bi-li-sé. Jusqu’à porter sur son costume la tache du soupçon

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