VOTRE EMPLOYEUR PEUT-IL RéDUIRE VOTRE SALAIRE ?

Face à la crise, les employeurs n’ont souvent d’autre choix que de tailler dans les coûts. Pour éviter, ou à tout le moins limiter, le recours aux licenciements, l’option d’une réduction des conditions de rémunération peut être mise sur la table.  » Un nombre croissant d’employeurs nous consultent sur ce qui est possible, confirme Christophe Delmarcelle, avocat spécialisé en droit social auprès du cabinet Loyens & Loeff. Nous recevons, par exemple, des questions de filiales de groupes étrangers sur le moyen de contourner l’indexation intervenue en janvier : une hausse de salaires de l’ordre de 5 % est perçue comme énorme dans le contexte actuel. « 

Question : votre employeur peut-il toucher à votre salaire ? La réponse est clairement non, du moins pas sans votre accord.  » Une réduction unilatérale du salaire serait considérée comme une modification d’un élément essentiel du contrat de travail et, s’il s’y hasarde, l’employeur pourrait être condamné à payer la différence, voire même amené à verser une indemnité de préavis « , explique l’avocat. Il en est ainsi pour votre salaire de base. En ce qui concerne les avantages complémentaires (voiture de société, assurances de groupe, etc.), les choses sont un peu moins claires.  » Trois questions se posent alors : ces avantages sont-ils contractuels, l’employeur s’est-il réservé le droit de les modifier et s’agit-il d’éléments essentiels du contrat de travail ? La clause dans laquelle l’employeur se réserve le droit de modifier un élément contractuel est effectivement nulle si cet élément est jugé essentiel, ce qui est normalement le cas de la rémunération. « 

Certains employeurs octroient en effet des avantages, notamment en cours de carrière, sans qu’il en soit fait mention dans le contrat de travail et sans qu’il y ait accord avec le travailleur. Ce sera parfois le cas des boissons offertes à la cafétéria ou du GSM mis à disposition. Il peut en principe les modifier unilatéralement. Et encore : le travailleur pourra évoquer avoir un droit en raison d’un usage constant, d’une coutume. Autre exemple : l’octroi d’un véhicule de société peut s’opérer sur la base d’une car policy qui, elle, peut être modifiée.  » Si vous disposez d’une Golf et que votre employeur décide de réduire le niveau de votre prochaine voiture en vous octroyant une Polo, et que la car policy contient une clause le permettant, il a le droit de le faire si cet élément n’est pas contractuel, illustre Christophe Delmarcelle. Il en va de même avec votre assurance de groupe si son règlement prévoit la suspension des contributions par l’employeur dans des circonstances bien déterminées et que celles-ci sont rencontrées.  » Le problème, c’est qu’il est parfois très difficile de déterminer ce qui est contractuel ou pas, précise-t-il encore.  » Souvent, il reviendra au juge de trancher. Or celui-ci pourra être influencé par l’ampleur de l’avantage ou son caractère rémunératoire. « 

Quand l’élément est contractuel, la question portera sur la dimension  » essentielle  » de celui-ci. La rémunération étant normalement considérée comme essentielle, aucune modification ne serait possible sans consentement. Dans le cadre de la modification des conditions de travail, le travailleur n’est pas sans défense.  » Si l’employeur met à votre disposition un emplacement de parking, des boissons, une voiture, un GSM et qu’il décide de revenir sur l’avantage, il est envisageable que vous vous y opposiez. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Allez-vous risquer de perdre votre job en invoquant un motif possible de rupture dans les circonstances actuelles ? Certains employeurs peuvent ainsi être tentés de passer en force en misant sur une absence de réaction, un consentement tacite, de la part d’une large majorité de travailleurs. « 

Risqué, évidemment ! Christophe Delmarcelle plaide plutôt pour la transparence et l’obtention du consentement du travailleur.  » Dans certaines entreprises, la direction et le personnel ont ainsi pu s’accorder pour ne pas appliquer la dernière indexation, illustre-t-il. Il est imaginable de s’entendre pour réduire les salaires, modifier les conditions de bonus, adopter de nouvelles conventions sur l’utilisation privée de l’ordinateur portable et du GSM ou facturer la taxe sur les émissions de CO2, par exemple. Si l’entreprise a le couteau sur la gorge, le travailleur peut juger raisonnable de renoncer à une partie de son package pour sauvegarder l’emploi, la seule obligation étant de ne pas tomber sous le salaire minimum.  » Une récente étude réalisée par Vacature abonde en ce sens : menée auprès de 950 salariés diplômés du supérieur, elle révèle qu’un Flamand sur deux serait prêt à travailler à temps partiel et, donc, à réduire son train de vie pour éviter le licenciement d’un collègue…

C.L.G.

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