© PABLO ORTIZ MONASTERIO

Volando bajo, Mexico, 1989, Pablo Ortiz Monasterio

Volant à basse altitude, le titre de ce tirage gélatino-argentique (31,5 cm x 46,5 cm) de Pablo Ortiz Monasterio (Mexico, 1952) en dit long sur une jeunesse mexicaine dont les ailes ont été coupées. Planer? Bien sûr, elle peut encore le faire mais à condition de ne pas être regardante sur les moyens de transport. Ceux-ci se nomment colle, cocaïne ou héroïne. Cette génération perdue de la fin des années 1980 cultive une révolte aux contours d’automutilation et à l’esthétique empruntée. Comment aurait-il pu en être autrement dans une capitale rongée par la pollution et la violence? Machine à broyer les destins individuels, Mexico fonctionne depuis des décennies comme une turbine enragée rejetant les déclassés en périphérie. Le sourire et le saut joyeux esquissé par ce jeune homme à la peau sur les os s’apparente à un coin de ciel bleu entre les nuages. L’énergie est bien là mais tout autour affirme le contraire: le pistolet braqué sur lui, une ombre perturbée par un graffiti qui le projette contre un mur à la façon d’une tâche de sang à venir, le caractère descendant du bond, ainsi que la décrépitude du décor témoignant d’un Etat qui regarde ailleurs. A chacun de voir s’il souhaite s’arrêter à la joie éphémère ou à l’arrière-plan infiniment triste du cliché. En montrant 120 photographies d’une vingtaine de photographes épatants – Graciela Iturbide, Fernell Franco, Oscar Pintor… – à l’occasion de l’exposition L’Amérique latine éraflée, la Fondation A laisse entrevoir un continent en piteux état, coincé entre revendications politiques et rêves meurtris. Ici, un tobogan, symbole criant de l’enfance et de l’innocence, semble criblé d’impacts de balles. Plus loin, un parking indique un graffiti sans équivoque Esta sociedad es una mierda, même pour qui ne parle pas l’espagnol. Il y a également ces petits d’hommes qui manipulent des armes qui effraient, peu importe qu’il s’agisse de jouets. Le tout se découvre dans le recueillement pour une visite en apnée dont on ne se console qu’en se disant que « érafler » signifie également « aborder de manière superficielle ».

A la Fondation A, à Bruxelles, jusqu’au 27 juin.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire