Unis par la division

Tzipi Livni ayant renoncé à constituer un gouvernement de coalition, de nouvelles élections sont annoncées. Mais le pays continuera de souffrir d’un système politique instable.

De notre correspondant

L’Histoire bégaie, en Israël. Pour la quatrième fois en huit ans, le pays s’achemine vers des élections générales. Après avoir neutralisé le chef du gouvernement, Ehud Olmert, Tzipi Livni avait pourtant battu son rival, Shaul Mofaz, lors des primaires du parti Kadima. Mais elle a plié devant son troisième adversaire, Eli Yishaï, chef du Shas. Dans le marchandage qui prélude à la formation de toute coalition en Israël, le leader du mouvement ultraorthodoxe séfarade s’est montré plus retors que la ministre des Affaires étrangères : il négociait en coulisses avec Benyamin Netanyahu, patron du Likoud (droite). Excédée, Livni a préféré, le 26 octobre, jeter l’éponge.  » Je ne cède pas à l’extorsion, a-t-elle déclaré dans les colonnes du quotidien Maariv. Nous irons aux urnes. Je suis ici non pas pour survivre, mais pour diriger.  » Les élections devraient se tenir au plus tôt dans trois mois, à la fin de janvier.

L’instabilité structurelle du système politique israélien

Ce nouveau rebondissement renvoie l’Etat juif à ses démons, à savoir l’instabilité structurelle de son système politique. Depuis le démarrage du processus de paix, au début des années 1990, pas un seul Premier ministre n’est allé au bout de son mandat.  » Le système est en crise depuis l’accession du Likoud au pouvoir, en 1977, et la fin de la domination des travaillistes, explique Claude Klein, juriste et ancien doyen de la faculté de droit de l’Université hébraïque de Jérusalem. En 1981, ces deux partis réunissaient encore 95 députés sur les 120 de la Knesset. Aujourd’hui, les trois principaux partis ne disposent même pas de la majorité des sièges. L’hétérogénéité de notre société aboutit, via le mode de scrutin proportionnel adopté par Israël, à une atomisation de la représentation. Et cela déstabilise le système.  » Pour remédier à ces maux, le seuil d’entrée à la Knesset a été progressivement relevé de 1 % à 2 % des voix. Mais aucun parti n’a osé modifier le sacro-saint mode de scrutin à la proportionnelle. Et pour cause : une telle réforme nécessite un vote à la majorité absolue, hors de portée sans le soutien des petits partis. Ces derniers n’ont aucun intérêt à introduire une législation qui saperait leur assise parlementaire.

Résultat ? Une structure politique paradoxale.  » D’un côté, elle est extrêmement démocratique ; de l’autre, elle empêche de rassembler suffisamment de pouvoir au sommet de l’Etat pour prendre des décisions impopulaires « , souligne Yaron Ezrahi, professeur de sciences politiques à Jérusalem. Le surplace des négociations de paix avec les Palestiniens est l’un des produits dérivés de cette paralysie quasi institutionnelle.

Tzipi Livni, qui ambitionne de faire de la politique  » autrement « , est prévenue. C’est au système politique tout entier qu’elle s’attaque.

Benjamin Barthe

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