Une foison d’idées et de pratiques

Les Pays-Bas ont inspiré le législateur belge. Ailleurs, le modèle néerlandais ne fait pas nécessairement recette

En attendant la Belgique, les Pays-Bas sont le seul Etat au monde à avoir dépénalisé l’euthanasie. La loi ne se limite pas à la phase terminale d’une maladie et vise aussi les enfants mineurs: de 12 à 15 ans, un accord des parents est nécessaire; à partir de 16 ans, ils doivent seulement être « impliqués » dans cette ultime décision.

En 1973, déjà, le gouvernement néerlandais avait joué les pionniers en édictant des « critères de minutie », à respecter pour éviter des poursuites en justice. En 1994, la jurisprudence permissive se muait en un cadre légal de plus en plus complet, fondé sur une déclaration écrite d’interruption de vie et des contrôles a posteriori auprès des médecins afin d’éviter d’éventuels dérapages. Ensuite, la loi de 2001, votée par une majorité libérale-socialiste (avec l’appoint des écologistes, mais rejetée par les sociaux-chrétiens, comme chez nous), n’a pas vraiment bousculé les pratiques: désormais formelle, la dépénalisation partielle et sous conditions est l’aboutissement d’un lent cheminement des idées et des réglementations.

Le modèle hollandais a largement inspiré le législateur belge. Aux Pays-Bas, également, la demande du patient doit être « volontaire et réfléchie », au bout d’une maladie « incurable » donnant lieu à des souffrances « insupportables ». Une vraie référence? Malgré leur expérience en la matière il existe aujourd’hui un réseau de médecins généralistes, formés à l’aide de jeux de rôle pour répondre aux cas les plus délicats! – , nos voisins du Nord n’ont pas clos le débat sur l’euthanasie: la souffrance insupportable semble parfois difficile à objectiver et l’application de la loi aux enfants est contestée. Pas de nature, toutefois, à remettre en question les avancées législatives de ces trente dernières années…

Ailleurs en Europe, la prudence reste généralement de mise. En France, la voie tracée par les Pays-Bas et la Belgique a manifestement inspiré le médecin Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé sous le gouvernement Jospin. En avril dernier, ce socialiste s’était prononcé en faveur de « sept engagements » du corps médical pour favoriser l’accès à la mort digne. A titre personnel, Kouchner s’était prononcé en faveur d’un changement de la loi. Tout comme le comité consultatif national d’éthique, d’ailleurs: la plus haute instance française à s’exprimer sur les questions de médecine et de biologie était sortie de sa réserve, en mars 2000, en prônant une « exception d’euthanasie ». Nul doute qu’avec le retour au pouvoir de la droite, lors des élections législatives de juin, de tels projets seraient renvoyés aux calendes grecques. Dans l’Hexagone, un large courant de l’opinion continue à opposer à l’euthanasie les soins palliatifs, qu’une loi de 1999 vient à peine de sortir de l’ombre.

Sur le Vieux Continent, il est donc bien trop tôt pour parier sur une extension rapide des lois dépénalisant l’euthanasie: les partisans de la dépénalisation de l’avortement rappellent qu’il leur avait fallu de nombreuses années pour obtenir gain de cause. Du reste, les « remèdes » juridiques aux fins de vie promettent d’être différents d’un pays à l’autre, selon les expériences du passé, les convictions philosophico-religieuses de la population ou les rapports de force politiques. En Allemagne ou en Autriche, par exemple, l’euthanasie reste un tabou. Si les nazis pratiquaient l’extermination et non l’euthanasie (effectuée pour le bien d’un patient), la barrière psychologique reste apparemment difficile à franchir. En Grande-Bretagne, par contre, le cas récent de deux handicapées atteintes d’une maladie incurable pourrait relancer le débat de société, qui se nourrit volontiers de ce type de drames humains: décédée en service de soins palliatifs, le 11 mai, Diane Pretty s’était vu refuser l’aide au suicide sollicitée auprès de son mari (le Suicide Act de 1961 considère toujours cette aide comme un homicide involontaire). Quelques semaines plus tôt, la justice britannique avait toutefois admis que l’on débranche le respirateur artificiel de « Mademoiselle B. », procédant ainsi à une euthanasie « passive » tolérée quant à elle par la jurisprudence.

Jusqu’aux formes concrètes et aux définitions de l’euthanasie, les vécus sont différents. Ainsi, le Danemark est le seul pays d’Europe à permettre aux médecins de ne pas maintenir en vie un malade incapable d’exprimer sa volonté et condamné à brève échéance. En Suisse, le code pénal condamne l’euthanasie dite « active », mais, si aucun mobile « égoïste » n’est prouvé, il autorise l’aide – médicale ou non – au suicide. Résultat: des associations attirent de nombreux patients étrangers, auxquels elles procurent une solution fatale de pentobarbital sodique. Rarement sous le regard des médecins, empêchés par leur déontologie. Bref, il faudra du temps avant d’unifier les pratiques et les lois…

Ph.E.

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