Un vrai faux sage

de christine laurent

Quand il entre dans une pièce, la température descend de 10 degrés « , ironisait, il y a quelques années déjà, le regretté Jacques Simonet. De fait, Philippe Moureaux a l’art de congeler une ambiance. Le verbe incisif, la phrase assassine qui démarre comme un missile, le mot qui fâche jeté avec le détachement d’un huissier de justice, le deus ex machina de Molenbeek ne donne pas dans la dentelle.  » Huit sorties sur dix sont spontanées, je suis très réactif. Parfois je me dis : aïe, aïe, aïe, pourquoi ai-je été lâcher ça « , avoue-t-il, cette semaine, dans les colonnes de notre magazine. Le constat est là, dur comme un silex : nombreux sont ceux à qui il fait peur, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Moureaux ?  » Une synthèse de Talleyrand et de Bismarck « , analyse l’un de ses détracteurs. Traduisez : un mélange de très grande habileté et de brutalité. Un homme qui ne connaît que le rapport de force.

Qui oserait lui résister ? La rue ? Celle qui, partie du quartier maritime de Molenbeek, l’a défié récemment, l’obligeant à faire appel à la police fédérale pour rétablir l’ordre ? Une véritable humiliation pour un homme qui tient sa commune de main de fer depuis dix-huit ans, et pour un shérif qui a su habilement verrouiller toutes les oppositions, tout en misant sur un islamo-municipalisme dont il n’est pas peu fier.  » J’ai voulu sortir l’islam de sa clandestinité « , avance-t-il, pendant que ses détracteurs lui prêtent surtout des intentions électoralistes. Car le vote immigré lui rapporte gros.

Moureaux, l’opportuniste ? Pas si simple. Car derrière le municipaliste se profile, aussi, l’idéologue. Le dernier marxiste du PS, sans doute. Dans le droit fil de son mentor, André Cools. Le socialisme, son credo, sa foi, son chemin, sa vérité ! LA vérité ! Dans l’esprit de Moureaux, les immigrés d’aujourd’hui ne sont-ils pas les nouveaux damnés de la terre, ceux qui, dans la lutte des classes, se sont substitués aux ouvriers des xixe et xxe siècles ? Un vrai combat pour un penseur pur et dur. La seule voie possible pour ce lion luttant pied à pied pour maintenir chaque parcelle de pouvoir et qui, à  » soixante-dix  » ans, comme il aime à le dire, n’a nullement l’intention de décrocher. Pour preuve : autour de lui, le vide.  » Le casting n’est pas prêt « , avance-t-il.

On le sait bien, dans la société du zapping d’aujourd’hui, celui qui dure est un héros. Moureaux, le héros d’une politique à l’ancienne qui a prouvé sa redoutable efficacité. Lucidité, sévérité, rouerie, pragmatisme, intelligence hors norme… impitoyable à l’égard des autres, si indulgent pour les siens, Flupke Moustache est aussi un grand séducteur qui a épinglé bien des papillons à son tableau de chasse. Autant de personnes qui ont su, sans doute, trouver l’accès à la sphère de ses émotions. Sa part d’ombre. En opposition totale avec l’image de l’homme fort du PS bruxellois, celui qui frappe du poing sur la table et a fait main basse sur la fédération, tout en réussissant à neutraliser Charles Picqué, un rival potentiel. Quel avenir pour ce drogué du pouvoir qui rechigne à lâcher prise ?  » S’il dételle maintenant, il assistera à l’effondrement de son système « , prédit un proche. Aujourd’hui, Philippe Moureaux n’a, bien sûr, plus rien à prouver. Mais beaucoup à perdre.

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 » Parfois je me dis : aïe, aïe, aïe, pourquoi ai-je été lâcher ça ? « 

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