Un train de retard pour l’esplanade de la gare

La gare de Calatrava prendra son envol d’ici à la fin de l’été. Dans un écrin des plus mornes : le quartier est chaotique et les travaux d’aménagement ont pris un sérieux coup de retard. Erreur(s) de pilotage au sommet.

Dernière ligne droite pour la gare TGV de Liège. Le bâtiment de béton blanc, dessiné par l’architecte espagnol Santiago Calatrava, vit ses dernières heures de travaux. Après un chantier de près de dix ans, la SNCB devrait inaugurer son nouveau joujou d’ici à la fin de l’été. Seulement voilà : l’écrin n’est pas à la hauteur du joyau. Dans le quartier des Guillemins, c’est toujours le chaos. Engins de chantier, véhicules en tout genre et piétons un peu perdus se croisent sur un vaste no man’s land pourtant lourd de potentiel.

Dernière péripétie en date, à l’automne dernier : l’annonce du retour du tram dans la Cité ardente. Une bonne nouvelle pour les navetteurs, certes. Mais qui bloque toute tentative d’aménagement du quartier des Guillemins à brève échéance. Car le tram, nul ne sait encore par où il passera.  » Nous avons commandé une étude pour définir quels sont les meilleurs itinéraires, assure le bourgmestre Willy Demeyer (PS). Nous déciderons en fonction des conclusions.  » Cette analyse, la Ville l’a lancée suite à une levée de boucliers des riverains : le mayeur venait d’annoncer que le tram longerait la rue Paradis, toute proche de la gare. Mais, pour concrétiser cette idée, il faut reculer le front bâti de 7 ou 8 mètres. Soit exproprier 60 maisons, et trouver 30 millions d’euros pour dédommager les propriétaires. Une nouvelle option qui implique des changements en matière de réglementation : l’actuel périmètre de remembrement urbain, un PRU définissant dans les grandes lignes l’aménagement du quartier et approuvé par la Région wallonne, devrait être modifié.

 » Les autorités nous avaient promis qu’on en avait fini avec les expropriations, clame François Schreuer, président de l’association UrbAgora, qui constitue avec six autres la plate-forme guillemins. be, regroupant des riverains et utilisateurs de la gare. Il y en a déjà eu suffisamment, de façon inconsidérée et au mépris de promesses politiques, dans la seule perspective de plus-value foncière. Aujourd’hui, nous manquons de confiance envers les interlocuteurs publics. Personne ne sait à quoi ressemblera le quartier demain. « 

La Ville semble pourtant sûre de son coup. Même si elle a tardé à embrayer.  » Tout va bien, assure le mayeur liégeois. Pour nous, les feux sont au vert et les budgets sont là.  » Pour un projet qui ne manque pas d’ambition ? Au fil du temps, le tracé du quartier a beaucoup évolué. Du  » petit  » parvis triangulaire dessiné lors des premiers coups de crayon, Calatrava a imaginé ouvrir une percée jusqu’à la Meuse. Et même, hypothèse taxée de folie par les Liégeois, creuser un canal pour amener le fleuve à la gare. La ville a préféré se tourner vers un architecte local, Daniel Dethier, pour entamer la première étape : dessiner la place située juste devant la gare. Mais en conservant, à terme, l’idée de rapprocher celle-ci de la Meuse par une vaste esplanade. Option qui permettrait de relier le projet de Calatrava à la Médiacité et au Mamac (musée d’Art moderne et d’Art contemporain), tous trois situés sur un même axe, à condition de créer des passerelles piétonnes pour franchir la Meuse et la Dérivation.

Pour réaliser plusieurs phases du projet, la Ville a obtenu un financement du Fonds européen de développement régional (FEDER). Et pas des moindres, puisqu’il prend en charge 40 % du budget de 8,5 millions d’euros nécessaire à l’aménagement de la place, sans compter les interventions importantes concernant l’enfouissement des voiries côté Meuse (évaluées à 18,5 millions d’euros) et l’installation d’une passerelle pour relier le quai au Mamac (8,5 millions d’euros). Mamac qui sera également restauré pour 23,5 millions d’euros et deviendra le CIAC, le Centre international d’art et de culture. Quant à l’esplanade qui relie la place aux quais, rien n’est encore budgétisé. Mais son aménagement devra, quoi qu’il arrive, attendre la démolition de la cité des Finances, occupée jusqu’en 2013 ( lire encadré). Au moins.

Le quartier ouvert à la promotion privée

Si le projet d’aménagement du quartier de la gare TGV par l’architecte catalan n’a pas été suivi, la SNCB affirme avoir toujours eu un temps d’avance sur la Ville.  » Elle s’est inscrite dans nos idées en décalage, assure Martine Doutreleau, porte-parole d’Euro-Liège-TGV. Liège a plusieurs fois repris des idées de Calatrava, en les mettant à sa sauce.  » Vu la hauteur de l’investissement de la construction, 312 millions d’euros, la SNCB estime pouvoir suggérer aux autorités communales l’aménagement des abords et sa réflexion sur l’intégration dans le tissu urbain.  » Nous avons toujours poussé la Ville à remodeler le quartier pour épouser le geste architectural fort que nous posions. Nous avons peut-être joué un rôle de poil à gratter… Mais il fallait qu’elle avance pour rester dans la dynamique générée par la gare. C’est dommage qu’elle n’ait pas été plus proactive.  » C’est vrai : la gare sera inaugurée alors que les travaux des abords n’auront même pas commencé.

Aujourd’hui, Ville et SNCB sont associées dans une autre étape : la promotion. Avec la Région wallonne et la SRWT (Société régionale wallonne du transport) notamment, elles ont fondé la Société de développement de Liège Guillemins (SDLG) pour exploiter les terrains situés aux abords de la gare, définis par le fameux périmètre de remembrement urbain. La SDLG lancera prochainement des appels d’offres au secteur privé.

Reste qu’à ce stade il est difficile de prévoir un planning pour la sortie du chaos. Seule certitude : l’échéance des fonds européens. Pour obtenir ces subsides, tout doit être bouclé pour 2015. En tout cas, les éléments financés : la place, l’enfouissement des quais et la passerelle. Et l’échevin de l’Urbanisme, Michel Firket (CDH), l’affirme haut et fort :  » Ce sera fait ! « 

A-C. D.B.

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