© FRÉDÉRIC RAEVENS

Un tournant démocratique

Depuis que les ministres nationalistes flamands ont démissionné de la suédoise parce que le contrôle de l’immigration est  » l’ADN  » de leur parti et parce qu’en signant le pacte de l’ONU pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, leur Premier ministre libéral francophone voulait placer la Belgique du  » bon côté de l’histoire « , les dirigeants de la N-VA et du MR ont soigneusement veillé à ne pas insulter l’avenir. Ils ont tout fait pour ne pas hypothéquer, avant les prochaines élections, l’adoption par le Parlement des projets négociés en commun et, après, la possibilité de reproposer leur alliance comme socle d’un futur gouvernement. Outre que ces attitudes laissent à tout le moins planer le doute sur la vigueur du divorce par-delà les invectives entre les deux forces politiques, elles questionnent aussi la profondeur de leurs convictions. Si Bart De Wever et Charles Michel se retrouvent autour de la table des négociations au lendemain du 26 mai ou d’éventuelles élections anticipées, le premier exigera-t-il que la Belgique se retire du pacte migratoire ou, libéré de ses contraintes électoralistes, s’en accommodera-t-il ?

En cas de prochaines négociations gouvernementales, Bart De Wever exigera-t-il que la Belgique se retire du pacte migratoire ?

Cette vraie-fausse rupture n’est qu’un des nombreux coups que les responsables politiques ont infligé ces dernières semaines à la démocratie représentative. On a observé auparavant le bourgmestre de Charleroi briguer un poste de député européen qu’il n’occupera jamais et le gouvernement se dissocier de directives européennes, mettant en oeuvre les Accords de Paris sur le climat, deux jours après que Charles Michel a salué comme  » un formidable succès de mobilisation citoyenne  » une marche de 75 000 personnes les soutenant. On a assisté, depuis le crash de la suédoise, à la défense par ses rescapés des vertus d’un gouvernement minoritaire pour la  » stabilité du pays  » et au jeu du  » retiens-moi ou je te balance une motion de méfiance  » des partis de l’opposition qui, pour la plupart, ne souhaitent pas précipiter les électeurs aux urnes.

Le dépit citoyen s’accroît un peu plus encore quand, regardant vers la France avec laquelle la Belgique partage la révolte des gilets jaunes, phénomène  » politique  » de l’année, on constate qu’Emmanuel Macron, chantre du dialogue et de l’horizontalité comme candidat à la présidence, les bafoue une fois élu, et que Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, en usant de l’instrumentalisation jusqu’à l’écoeurement, s’évertue à saper dangereusement la légitimité émanant des urnes et du peuple.

Cependant, la  » démocratie participative  » qu’esquisse la révolte des gilets jaunes en opposition ouverte et assumée aux élus et aux élites ne rassure pas et ne se profile pas, loin de là, comme une alternative. Entre la fin de non-recevoir assénée, avant même de les avoir étudiées, aux propositions avancées enfin par le président français et la recommandation de son remplacement par le général Pierre de Villiers, l’ex-chef d’état-major des armées, en passant par les menaces contre le moindre prétendant à un rôle de porte-parole, il n’est pas sûr que la démocratie y engrange des progrès. Ce constat ne doit pas pour autant servir de prétexte pour renvoyer les réfractaires des ronds-points à leurs fins de mois difficiles. Il atteste seulement que de tous les systèmes politiques au monde, la démocratie occidentale est le moins mauvais. Et que si on veut qu’elle survive, il devient urgent que ses représentants la fasse vivre en associant un maximum de citoyens.

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