Un second mandat, pour quoi faire ?

Même réélu, Obama n’aurait pas la tâche facile. L’analyse de Stephen Hess, chercheur à la Brookings Institution, l’un des principaux think tanks de Washington, qui a longtemps travaillé à la Maison-Blanche (1).

Le Vif/L’Express : Un président élu pour un second mandat est-il plus libre d’agir et plus audacieux ? Ou bien, au contraire, contraint à l’immobilisme ?

Stephen Hess : Le second mandat est rarement aussi réussi que le premier. Quand il arrive à la Maison-Blanche, au lendemain de son investiture, un président dispose d’une marge de man£uvre qu’il ne retrouve plus par la suite. S’il est réélu, il peut rebondir au début du second mandat, mais cela n’est pas comparable. Le président réélu a cependant les mains plus libres en politique étrangère. Les deux dernières années du second mandat sont traditionnellement les plus difficiles. Le président devient ce que l’on appelle aux Etats-Unis un lame duck, un  » canard boiteux « . Il n’a plus la même légitimité et les membres de son équipe ont perdu une part de leur énergie. Dans le cas d’Obama, ce serait plus compliqué encore car il n’aura pas de majorité au Congrès, d’autant que le Sénat, après la Chambre des représentants, risque lui aussi de basculer du côté républicain en novembre. Dans les deux premières années suivant son élection, en 2008, lorsqu’il a fait passer la réforme de la sécurité sociale, puis le train de mesures visant à relancer l’économie, il disposait d’une majorité.

Trois des quatre derniers présidents des Etats-Unis ont fait deux mandats. Est-il plus facile d’être réélu quand on est à la Maison-Blanche ?

Les présidents ont vocation à être réélus. Les électeurs préfèrent en général leur donner une seconde chance. Si le président n’est pas réélu, c’est parce qu’il est considéré comme un  » failed president « , un président qui a échoué. C’était par exemple le cas de Jimmy Carter en 1980. Qu’en sera-t-il pour Obama ? Tous les présidents ont tendance à inscrire à leur crédit les éléments positifs qui ont marqué leur mandat, mais ils sont aussi jugés sur les aspects négatifs. Or Obama a été confronté à une situation économique très difficile. Au mois de novembre, le problème principal sera celui de l’emploi et il n’y a pas de bonnes nouvelles à attendre sur ce front-là. Obama essaie donc de convaincre l’électorat que son adversaire républicain, Mitt Romney, n’est pas au niveau. C’est une position difficile à tenir. En général, la campagne pour un second mandat s’apparente à un référendum pour ou contre le sortant.

Quelles devraient être les priorités de Barack Obama s’il était réélu ?

De toute évidence, il va devoir aider l’économie américaine à aller mieux. Ce qui impliquera notamment une refonte du système fiscal et des coupes budgétaires. En politique étrangère, le principal enjeu sera l’Iran et la menace nucléaire potentielle qu’il constitue.

Les présidents américains sont-ils obsédés par la marque qu’ils laisseront dans l’Histoire ?

Bien sûr qu’ils le sont. La première chose qu’ils font lorsqu’ils ne sont plus au pouvoir est d’écrire leurs Mémoires. Ils essaient souvent de réécrire l’Histoire, d’arranger ce qui est flou à leur avantage. Ils font des conférences, fort bien payées, aux quatre coins des Etats-Unis et du monde, et manquent rarement une occasion de souligner l’importance pour l’avenir de leurs initiatives.

Propos recueillis par

Jean-François Gérard

(1) Il a notamment été le conseiller de Gerald Ford (républicain), entre 1974 et 1977, puis de Jimmy Carter (démocrate), de 1977 à 1981.

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