Un PC au soleil levant

La précarité croissante et

le choc de la crise amènent de nombreux jeunes à rejoindre un Parti communiste en plein réveil. Va-t-il percer dans les urnes ?

De notre correspondant

L’année dernière aura été un excellent millésime pour le Parti communiste japonais (PCJ) ; 2009, année électorale, s’annonce du même tonneau. D’autant que la classe politique japonaise en place est en déliquescence. La récente démission du ministre des Finances, Shoichi Nakagawa, sur fond de polémique (il aurait été ivre lors du dernier G7), l’a encore montré.

Chaque mois, depuis septembre 2007, lePCJ enregistre une moyenne de 1 000 nouveaux adhérents, souvent jeunes. Il en compte désormais 415 000 : en dehors des pays où les communistes sont au pouvoir, le PC japonais est l’un des plus importants au monde.

Dans l’archipel, l’atmosphère fleure bon les idéaux de gauche. Ainsi, la réédition en août dernier d’un ouvrage de 1929, Kanikosen, le bateau-usine de pêche au crabe, a déjà séduit 500 000 lecteurs ; un jeune militant communiste, Takiji Kobayashi, y décrit les conditions de travail et la mutinerie des marins, dans la mer d’Okhotsk. Une version manga a été publiée, elle aussi avec bonheur. Idem pour celle du Capital de Karl Marx, parue le 15 décembre.

Même la télévision s’y met. La chaîne privée Nihon Telebi diffuse tous les samedis soir un épisode de la série Zenigeba (La puissance de l’argent). Inspirée d’un manga de 1970, elle relate l’ascension sociale d’un jeune homme pauvre et confronté à  » la société pervertie par l’argent, qui a perdu l’idée même du bonheur « , dixit le producteur de la série, Hidehiro Kawano.

Est-ce une simple mode ? Peu probable. Depuis le début des années 2000, les gouvernements successifs dérégulent à tout va le marché du travail. Résultat, le Japon compte 34,5 % de travailleurs temporaires, contre 23,8 % en 1998.  » En moyenne, leur salaire horaire équivaut à 60 % de celui d’un salarié en CDI « , précise Kazuya Ogura, de l’Institut japonais pour la politique du travail et la formation. En période de crise, ils sont les premiers à la rue.

Taro Tanaka (1), 28 ans, a adhéré en janvier au Parti communiste japonais, après une expérience professionnelle douloureuse. Sans diplôme, le jeune homme vendait des abonnements au porte-à-porte pour une filiale du groupe de presse Yomiuri.  » Je travaillais treize heures par jour, explique-t-il. Chaque abonnement me rapportait entre 1 500 et 3 500 yens [entre 13 et 30 euro].  » Sans salaire fixe, il ne vivait que des commissions. Or, avec la crise et la concurrence d’Internet, difficile d’obtenir de nouveaux lecteurs. Son patron l’a traité d’incapable. Avant d’en venir aux mains. Le jeune homme a pris la fuite.

Outre les circonstances économiques, le Parti, né en 1922, bénéficie de son ancrage original. Dès les années 1960, il a choisi de suivre sa propre voie, en prenant ses distances à l’égard de ses homologues russe et chinois, au point de se réjouir, au début des années 1990, de l’effondrement de l’Union soviétique. La formation bruit même de slogans nationalistes. Du reste, l’empereur n’a plus à s’inquiéter pour son trône. Les communistes sont prêts à le tolérer s’ils arrivent au pouvoir.

Succès médiatique, succès populaire. Ne manque que le succès électoral. En 2005, le PCJ avait obtenu 7,3 % des suffrages et neuf élus à la Chambre basse. Cette année, l’impopularité du Premier ministre, Taro Aso, laisse présager une lourde défaite du camp conservateur. Au profit de qui ? Le verdict tombera lors des prochaines élections législatives. En septembre, au plus tard.

(1) Son nom a été modifié à sa demande.

Philippe Mesmer

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