Un patrimoine à embellir d’urgence

Entre quartiers en devenir, rénovation des façades et projets ambitieux, le marché immobilier carolo, un des moins chers du pays, devrait retrouver sa patine bourgeoise d’antan. Reste à voir si ce sera à court, moyen ou long terme.

Cheminer dans les rues vallonnées du Pays noir, c’est forcément se frotter à un bâti ouvrier de briques et de broc, vétuste et, au mieux, grisâtre. Cliché ? Oui et non. Comme le rappellent régulièrement les professionnels de l’immobilier local ou encore l’ouvrage Charleroi, ville d’architecture (1), il existe ici un bâti bourgeois parfois méconnu mais pourtant bel et bien réel. Mais sans vouloir enfoncer des portes largement ouvertes, on ne peut s’empêcher de regretter la tristesse de la mine tirée par le patrimoine immobilier urbain.

A cet égard, dans sa lutte contre la grisaille ambiante, l’échevin de l’Urbanisme Eric Massin (PS) fourbit sa dernière arme pour se lancer dans un plan de rénovation des façades de la ville.  » En septembre, un marché public sera attribué pour valoriser les façades, annonce-t-il. Le principe ? Un architecte va être désigné pour réaliser un plan de valorisation pour les maisons trois façades, notamment des « pignons aveugles’.  » A charge ensuite pour le propriétaire, via une convention, de maintenir et d’entretenir l’ouvrage accompli sur les deniers publics. Quant au volume, tout dépendra de l’auteur du projet :  » Si la personne nous présente un plan pour 300 façades requérant un budget de 20 millions d’euros, c’est sûr que ça prendra un peu de temps. Par contre, s’il s’agit d’un plan d’éclairage architectural, cela pourrait aller bien plus vite.  » Ce type d’initiative est de nature à embellir des pans de quartiers entiers. Et donc à gonfler le potentiel de certaines maisons ouvrières qui, si petites ou vétustes soient-elles, peuvent néanmoins représenter un premier nid douillet pour les jeunes couples, cible privilégiée de la politique de logement locale. Rappelons que Charleroi fait partie du peloton de tête belge des villes et communes les moins chères de Belgique en ce qui concerne le bâti.

Une maison pour 100 000 euros

Les dernières statistiques fédérales ont confirmé cette tendance : le prix moyen d’une maison unifamiliale s’élevait, en 2008, à 100 000 euros à peine. Une paille, comparativement à certaines autres villes wallonnes, sans parler de Bruxelles. Signe de bonne santé : Charleroi est également l’une des villes où le nombre de transactions immobilières annuelles est le plus élevé pour l’instant. Toujours en 2008, 1 946 maisons d’habitation ont changé de mains. Enorme. Et rassurant d’entendre récemment l’un des plus gros vendeurs immobiliers du pays confier que les affaires tournent toujours assez bien, même si les prix n’ont plus beaucoup augmenté ces derniers mois. Raison de plus pour garder ses voyants allumés : la réhabilitation programmée de la Ville basse est l’exemple type d’opération à ne pas négliger pour ceux qui cherchent à s’implanter dans un quartier d’avenir avant que les prix n’explosent et que les spéculateurs n’écument le marché.

La spéculation est déjà lancée à grands frais par la paire de promoteurs De Vocht-Engelstein et leur ambitieux projet Rive Gauche. Mais il reste de l’espace à prendre dans les environs, notamment dans la rue de la Montagne, autrefois florissante, aujourd’hui sinistrée. Et ailleurs aussi…  » A l’instar de ce qui se passe dans la cité sociale de Droixhe, à Liège, la cité du Parc à Marcinelle va également bénéficier d’une réhabilitation profonde menée par le Foyer marcinellois « , lance Eric Massin, à titre d’exemple. Dans le panier des nouveaux projets immobiliers qui dessineront bientôt certains quartiers, on retrouve notamment le projet des Closières, signé par la société publique Val d’Heure. Sur 24 hectares établis à la lisière de Mont-sur-Marchienne et de Marcinelle (le terrain est coincé entre la rue du Beau Site et la rue des Closières), la société voudrait ériger plusieurs centaines de logements sociaux, pour une minorité ; moyens, pour la plupart. Sous forme de maisons d’habitation et d’appartements modulables en fonction du contexte de vie. Un cahier des charges pour la maîtrise d’ouvrage a déjà été publié. Mais si l’on s’attend à voir un bon paquet de logements neufs, on n’en connaît pas encore le volume exact :  » Nous n’avons pas voulu imposer un carcan trop strict aux sociétés intéressées « , explique Bernard Vanhemmeseel, qui dirige le Val d’Heure. Plus à l’est, sur les hauteurs de Couillet (entre la rue de Gilly et la rue des Quatre-Vents), c’est le groupe flamand Abli qui a décidé, voici plusieurs années déjà, d’investir 25 millions d’euros pour implanter un projet d’envergure : la résidence Panorama y proposera au final 180 appartements d’une à trois chambres répartis en sept ensembles. Sur un terrain de deux hectares, Abli devrait mettre en vente près de 20 000 m2 de logements étalés dans le temps. La première partie de ces logements pourrait surgir à la fin de 2010, le promoteur flamand préférant  » voir venir  » dans un premier temps avant de dérouler l’ensemble d’un développement qui s’adresse autant au public local qu’aux nouveaux venus, en jouant sur la proximité des axes routiers. Côté tarifs, les prix débutent à 120 000 euros et montent à 275 000 euros pour un duplex trois chambres. La ville, on s’en doute, a tout intérêt à voir fleurir des projets s’adressant à une catégorie de population plus aisée, synonyme de rentrées fiscales.

180 appartements à Couillet

Récemment, l’architecte du projet, Jean-Pierre Dooms, parlait d’un manque d’appartements neufs de qualité sur Charleroi. Un constat que partage à moitié son confrère Thierry Piron, du bureau Etudes en construction.  » Le véritable attrait de Charleroi devrait devenir une évidence dans quelques années, estime-t-il. D’ici là, les autorités locales ont encore pas mal de travail à effectuer. Prenez la résidence Le Grand Parc : elle ne se vend pas mal du tout.  » Cette résidence de 36 appartements, rue Tumelaire, propose des biens allant de 70 000 à 180 000 euros, le prix moyen pour un deux chambres étant de 150 000 euros.  » Nous avons vendu 70 % des appartements depuis le début de la commercialisation, il y a deux ans. Il y a eu un net ralentissement avec la crise, mais cela semble reprendre tout doucement « , lance le promoteur du projet, Alain Wilmet. De quoi persuader les candidats de ne pas trop tarder à se décider… ? l

(1) Espace Environnement Charleroi, 1992.

G.V.

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