Un  » nouveau fou dans le monde « 

François d’Assise a rencontré de vives oppositions au sein même de son mouvement. En cause : son idéal de pauvreté absolue, son rejet des communautés cloîtrées et sa méfiance à l’égard du travail intellectuel.

Conscient d’être un novateur, François d’Assise se qualifiait de  » nouveau fou dans le monde « . Sa spiritualité est celle de l’initiative et il rompt avec un monachisme de séparation. Il ne se rend pas dans les lieux déserts ou isolés, comme les bénédictins, mais dans les villes. Ses premiers compagnons ne sont pas des moines, mais des religieux itinérants, en rupture avec la stabilité monastique.

François s’attribue aussi le titre de  » jongleur de Dieu « . Il se plaît à vivre la  » joie parfaite  » et se livre à l’hilaritas, la spontanéité du rire.  » Dans un monde d’exclusion, écrit Jacques Le Goff, l’un de ses plus célèbres biographes, il proclame la présence divine en toute créature  » (Saint François d’Assise, Gallimard, 1998).

Une première Vie du saint est rédigée dès 1229. En 1244, ordre est donné aux frères de recueillir tous les souvenirs sur leur fondateur. En 1260, Bonaventure est chargé d’écrire une biographie officielle, la Legenda maior, seule autorisée, au point que le chapitre général de 1266 ordonne de détruire toutes les autres.

La règle de 1221 régissant la fraternité montre à quel point François, fils de marchand, était méfiant à l’égard de l’argent. Il valorise les pauvres et les faibles, notamment les enfants, en référence à l’Enfant de la crèche. Il déteste la terminologie de la supériorité – les préfixes magis et super -, au point de donner à ses frères le nom de minores,  » les petits « . Le travail intellectuel et la science n’ont aucun attrait pour lui et il désapprouve le goût naissant des franciscains pour l’étude et l’enseignement. Il refuse même de pénétrer dans une maison conventuelle des frères, à Bologne, ayant appris qu’elle comportait une école !

La pure inspiration évangélique de François rejetée

Son idéal de pauvreté absolue et de rejet des communautés cloîtrées rencontre de vives oppositions internes. Ses frères moins radicaux que lui rejettent la pure inspiration évangélique sans contrainte institutionnelle. A partir de 1220, des clercs rejoignent en masse le mouvement. L’ordre des Frères mineurs compte alors des juristes et des théologiens accomplis, qui exerceront une influence profonde sur les lettrés des universités.

François d’Assise n’a certes pas eu le monopole de l’idée d’un  » retour à l’Evangile  » – pauvreté, fraternité, mission -, mais lui ne s’érige pas en censeur de l’Eglise, même s’il en voit les abus. Ses compagnons ne se prennent pas pour des  » purs « , des  » authentiques « , ce qui les distingue des mouvements sectaires de l’époque. Le franciscanisme connaîtra toutefois des querelles et des dérives après la  » normalisation  » de l’ordre. Le gouffre se creusera entre  » conventuels « , partisans d’une évolution du mouvement et d’un compromis avec l’Eglise, et Spirituels, résolus à conserver la pauvreté absolue. Les Spirituels les plus extrémistes (fraticelles…) seront jugés hérétiques et livrés à l’Inquisition.

O.R.

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