Un message explosif

Le régime syrien avait toutes les raisons de se débarrasser du chef du renseignement libanais. Mais l’attentat est aussi un avertissement à la communauté internationale.

Depuis des mois, les Libanais craignent de voir leur pays emporté par la tourmente syrienne. L’attentat à la voiture piégée, le 19 octobre, contre le général Wissam al-Hassan, chef des services de renseignement des Forces de sécurité intérieure, qui a coûté la vie à sept autres personnes, a brutalement accentué cette peur, tandis que les images des immeubles soufflés de la place Sassine, au c£ur du quartier chrétien d’Achrafieh, précipitaient les Beyrouthins des années en arrière. La signature de Damas ne fait guère de doute. Le général Wissam al-Hassan avait joué un rôle clé dans l’enquête qui avait abouti à l’implication de la Syrie et du Hezbollah chiite dans l’assassinat, en février 2005, de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri. Il était surtout à l’origine, au mois d’août dernier, de l’inculpation de l’ancien ministre Michel Samaha, un exécutant fidèle de Damas, accusé d’avoir importé des explosifs de Syrie afin de perpétrer des attentats.  » Assad a été empêché de se servir de Samaha, alors il a pris sa revanche « , résume le chef druze Walid Joumblatt, vieux routier de la politique libanaise.

Un chantage facilité par l’extrême fragilité du Liban

Mais, comme toujours s’agissant de la Syrie, le message est multidirectionnel. L’attentat du 19 oc- tobre est aussi un avertissement dont les destinataires sont à la fois les Libanais, les Etats arabes sunnites qui soutiennent la rébellion contre le régime de Damas et les pays occidentaux. Les Syriens ont voulu montrer que leur aptitude à déstabiliser le pays du Cèdre était intacte. En clair, qu’ils conservaient toute leur capacité de nuisance.  » A travers la régionalisation du conflit, Bachar el-Assad tente d’exercer un chantage sur le monde occidental, souligne Joseph Bahout, spécialiste de la région et enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris. C’est pourquoi la crise est appelée à se régionaliser de plus en plus, au fur et à mesure qu’elle s’enlise. « 

Un chantage facilité par l’extrême fragilité du Liban. Le pays demeure profondément divisé. D’un côté, une coalition antisyrienne, soutenue par les Etats du Golfe, qui regroupe autour de Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre assassiné, la majorité des sunnites et les principaux partis chrétiens. De l’autre, au pouvoir depuis juin 2011, un bloc très largement dominé par le Hezbollah chiite, allié de Damas et de Téhéran. Conscients d’être une fois de plus au bord du précipice, les Libanais étaient jusqu’ici parvenus à éviter la contagion, à tout le moins à la circonscrire. Notamment parce que le Hezbollah avait initialement adopté un profil bas, soutenant même discrètement la politique de  » dissociation  » (des cas libanais et syrien) du Premier ministre Najib Mikati, un sunnite du nord du Liban longtemps proche de Damas, mais qui semblait, ces derniers temps, avoir pris ses distances avec le régime syrien.

Qu’en sera-t-il demain ? Pour Joseph Bahout, cette relative modération du Hezbollah venait sans doute aussi de la volonté de Damas et de Téhéran de laisser, provisoirement au moins, le parti chiite à l’écart du conflit. C’est cette donne-là qui a peut-être changé. Il y a quinze jours le parti de Hassan Nasrallah reconnaissait publiquement avoir envoyé des miliciens en Syrie, officiellement pour protéger des villages chiites.

DOMINIQUE LAGARDE

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