Deux ans de prison requis contre l’homme d’affaires carolo Robert Wagner. L’affaire du subside détourné livrera bientôt son verdict.
Philippe Engels
Tout n’est qu’élucubrations ! » L’homme d’affaires Robert Wagner est apparu tel qu’en lui-même au tribunal correctionnel de Charleroi, ces jeudi 30 avril et mercredi 6 mai. Aplomb et culot caractériseront jusqu’au bout cet entrepreneur au bras long, spécialisé dans le transport puis reconverti dans l’immobilier. Il est reproché à Wagner senior d’avoir détourné un subside attribué par la Région wallonne et l’Union européenne, il y a une dizaine d’années. Quelque 855 000 euros censés favoriser la création de douze emplois pour une activité de découpage de tôles, à Charleroi. Très vite, l’investissement s’était envolé, l’administration wallonne en avait établi le constat, puis le dossier de récupération des aides publiques avait hiberné durant cinq bonnes années ( Le Vif/L’Express du 3 février 2006). Volonté de tromper le pouvoir subsidiant, faux contrats d’emploi et même corruption : les accusations retenues par la justice contre Robert Wagner sont lourdes. La juge Séverine Lecollier tranchera dans quelques semaines. Outre la confiscation du subside et le paiement d’une amende, Wagner risque une peine de prison de deux ans, avec sursis. » Dans une région sinistrée, vous avez fait preuve d’un mépris total à l’égard de l’argent public « , s’est exclamé le substitut du procureur du roi Laurent Schretter.
L’ombre des ministres
Robert Wagner a plaidé la bonne foi et pointé les hésitations de la Région wallonne. » J’ai rencontré les ministres de l’Economie Serge Kubla (MR) et Jean-Claude Marcourt (PS). A chaque fois, la réponse a été la même : » Pour le subside, on verra « … Je n’accepte aucune des accusations qui me sont faites ! » Son avocat Jean-Philippe Mayence a contesté toute intention frauduleuse et a dénoncé un » procès politique » visant Jean-Claude Van Cauwenberghe, ami proche et compagnon de vacances de Wagner. Or, dans ce dossier, la justice n’a pu établir d’intervention écrite et formelle de l’ancien chef du gouvernement wallon. Sur les bancs du tribunal, au côté de Wagner, se trouvait le seul haut fonctionnaire Bernard Wang, ex- » Monsieur Subsides « , étiqueté PS, inculpé pour corruption passive. La juge Lecollier dira si la familiarité entre l’homme d’affaires et le commis de l’Etat – ils se voyaient à des fêtes d’anniversaire et, un jour, Wang admet que Wagner l’aurait invité, sans plus, » à passer quelques jours dans sa villa du sud de la France » – suffit à fonder une accusation de corruption. Pour Wang, à la pension, le ministère public ne réclame rien d’autre que la clémence. » Il a été utilisé. C’est tout « , pointe le substitut Schretter. Le reste se trouverait-il dans la boîte noire des relations Van Cau/Kubla, très complices durant la législature 1999-2004 ? Ni l’un ni l’autre n’ont été auditionnés dans ce dossier. Au tribunal, le fonctionnaire Wang a maintenu le mystère. » Le cabinet Kubla aurait pu réclamer lui-même le remboursement et je sais d’ailleurs qu’il a fait bloquer un autre dossier de subventions… «
Au nom de la Région wallonne, l’avocat Didier Matray a contourné la polémique et résumé l’affaire en des termes très simples. » Robert Wagner avait dès le départ imaginé un mécanisme destiné à tromper les pouvoirs publics. Il s’agissait d’acquérir du matériel destiné à d’autres sociétés du groupe Wagner, non subsidiables. A la revente, les Wagner en ont d’ailleurs tiré une belle plus-value. Quant aux preuves des faux contrats de travail, elles sont là, éclatantes. » Et l’avocat liégeois de conclure, s’adressant à la juge : » Quel message vous enverriez aux entreprises de Wallonie et… à l’Europe qui pourrait à l’avenir couper le robinet des aides, si vous ne sanctionniez pas pareille attitude ? «
Philippe Engels