Un manque cruel de bras

Massivement déserté par les travailleurs grisonnants, le marché flamand de l’emploi risque la panne sèche s’il ne trouve pas de quoi se réalimenter. Il appelle les Wallons à assurer la relève.

La Flandre panique, elle sent ses forces vives l’abandonner. C’est un autre effet potentiellement dévastateur de l’évolution démographique : son marché du travail est en voie d’assèchement. Alors que le vieillissement éclaircira de manière sensible les rangs des travailleurs flamands, la relève n’est pas assurée. A l’inverse de la Wallonie et de Bruxelles, le Nord souffrira de plus en plus d’un manque de sang neuf.  » Entre 2010 et 2015, la Flandre sera, pour la première fois, confrontée à une baisse du nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans, puis à une stabilisation entre 2015 et 2020. En d’autres termes, le groupe des participants potentiels au marché du travail n’augmentera plus. Et grisonne déjà « , constate l’équipe d’économistes du Pr Luc Sels (KUL). Compte tenu des départs massifs à la retraite, cette tendance laisse augurer de lourdes pertes sur le marché du travail. Elles sont évaluées à 47 000 personnes dès 2010. La Flandre va donc au-devant de graves difficultés qui pourraient aussi se traduire par de fortes tensions salariales, lorsque le travailleur deviendra une denrée rare, donc chère.  » A partir de 2020, la situation deviendra sérieuse « , s’alarmaient les fonctionnaires flamands du planning dans leur rapport remis au parlement en 2005. Dans douze ans, la Flandre comptera quelque 139 000 personnes en âge de travailler de moins qu’aujourd’hui.

Le nord du pays cherche donc son salut tous azimuts pour enrayer la pénurie de main-d’£uvre. La Flandre lorgne au-delà de ses frontières. Chez ses voisins wallons d’abord, que les Flamands appellent à la rescousse avec insistance pour qu’ils viennent combler les postes vacants. L’immigration économique pourrait aussi faire l’appoint dans une certaine mesure. Et pour rajeunir sa population, elle mise sur l’arrivée de nouveaux habitants venant de l’étranger, souvent jeunes (de 20 à 40 ans) et accompagnés d’enfants.

Mais le principal défi de la Flandre, c’est de pouvoir compter sur ses propres forces de travail, qui restent singulièrement inexploitées parmi les quinquas.  » La part des demandeurs d’emploi, des chômeurs non actifs et des prépensionnés reste encore et toujours élevée « , relève le dernier tableau de bord des fins de carrière dressé par les économistes de la KUL. Maintenir et remettre au boulot ces travailleurs âgés est une priorité.  » Seul un rehaussement vigoureux du taux d’emploi (en particulier chez les 50 à 64 ans) pourrait contrecarrer ce déficit des forces du travail « , pointe l’administration flamande. Vaste programme. Car ce gros point noir est déjà bien présent sur la carte de l’économie flamande : comparé aux autres pays européens, le taux d’emploi des plus âgés est dangereusement bas en Flandre.  » Au-dessus de 50 ans, 45 % des travailleurs potentiels travaillent encore. Au-delà de 55 ans, ils ne sont plus qu’un sur trois « , analyse le Pr Luc Sels.

La Flandre n’échappe pas aux tendances lourdes qui contrarient le maintien au travail des plus anciens. Les patrons flamands cultivent toujours une image négative du travailleur âgé, qui peine dès lors à retrouver un job après une fermeture d’entreprise.  » Cette spirale doit être enrayée car les prévisions montrent qu’un taux d’activité trop faible pèse sur l’économie et, donc, sur les revenus futurs de chaque habitant « , recommande l’administration de la planification. Qui en appelle aussi à changer les mentalités :  » La disponibilité au travail chez les travailleurs plus âgés est faible, car à partir de 55 ans domine une culture du loisir.  » Un luxe que la Flandre ne pourra bientôt plus se payer.

P. Hx

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