Un hameau dans le brouillard

On connaît, aujourd’hui, le contenu de la décharge de Tarcienne. Mais le mystère reste entier sur l’ampleur de la pollution. Quant aux cancers des villageois, seront-ils élucidés un jour?

Faut-il évacuer le quartier du Lumsonry (Tarcienne) pour protéger la santé de ses habitants? La réponse est actuellement « non », sans équivoque. Après une campagne intensive de forages et de prélèvements, menés dans le hameau frappé par un nombre anormalement élevé de cancers ( Le Vif/L’Express du 3 mai 2002), la Société publique d’aide à la qualité de l’environnement (Spaque) se veut rassurante: « Il n’y a pas de danger majeur, sous réserve de nouveaux résultats, pour la santé de la population riveraine. » De là à dire que les riverains de l’ancienne décharge peuvent enfin dormir sur leurs deux oreilles, il y a un pas.

Que sait-on, aujourd’hui, de neuf? D’abord, une confirmation: le taux anormalement élevé de certaines formes de cancers (des leucémies) est loin d’être une invention. Certes, le benzène, connu pour être à l’origine de telles pathologies graves, n’est pas présent sur le site incriminé. Mais les déchets entassés là-bas (2 400 tonnes de scories, 190 tonnes de boues de laminoir et quelques rebuts non identifiés à ce jour) ont peut-être contenu autrefois ce redoutable composé chimique. Or, sur le plan géologique, l’endroit est un peu particulier: des ruissellements se sont peut-être produits après le dépôt sauvage des déchets (il y a treize ans!). De plus, on vient de retrouver, au niveau de la décharge, d’autres contaminants comme du chrome, des huiles minérales et des hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ceux-ci pourraient avoir diminué les défenses immunitaires de certains riverains pendant de longues années, au point de favoriser indirectement les cancers. Problème: personne ne sait au juste, à ce stade, si ces polluants redoutables se sont dispersés jusqu’aux habitations, ni comment et jusqu’à quelle époque. Pour le savoir, il faut poursuivre les investigations en cours. D’ores et déjà, hélas, cette « mobilité » des polluants s’avère parfaitement plausible.

Certes, tout n’est pas aussi inquiétant. Nulle trace anormale de radioactivité, au Lumsonry. Ni de solvants organiques, ni de métaux lourds dans les puits des jardins. Ni d’arsenic en quantité inhabituelle, mais cela reste à confirmer. Il n’y a pas non plus, apparemment, d’autres cancers à une fréquence anormale. Mais, vu les zones d’ombre qui subsistent, la nécessité d’un suivi épidémiologique rapproché s’avérera peut-être souhaitable d’ici peu, comme à Mellery…

Ph.L.

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