Xavier Deutsch, auteur discret et prolifique. © BERT VAN DEN BROUCKE/PHOTO NEWS

Un Deutsch âpre et tendre

Dans Gens de Cogne, roman du Belge Xavier Deutsch paru début 2018, la nature se déchaîne, et on se demande pourquoi. Dans Gens de Cogne, des habitants, hommes et enfant, sont assassinés, et on se demande par qui. On se demande même si ces deux dérèglements, ces deux folies, toute cette furie ne sont pas liés. Une enquête commence. Cogne se trouve dans le Val d’Aoste, alors ce sont les carabiniers italiens qui la mènent. Ou plutôt, ils semblent menés par l’enquête, qui les déplace à sa guise comme des bouchons de liège sur la Grand Eyvia, la rivière du cru.

Gens de Cogne, par Xavier Deutsch, La Renaissance du livre, 256 p.
Gens de Cogne, par Xavier Deutsch, La Renaissance du livre, 256 p.

Il y a du Maigret dans ces hommes-là : vu de l’extérieur, rien ne bouge ; à l’intérieur, quel bouillonnement ! Ils sont retournés par les éléments et les meurtres. Ils sont retournés aussi par la beauté d’une femme, Gloria, que Xavier Deutsch décrit notamment ainsi :  » Ce jour d’hiver, elle avait chaussé des bottines, enfilé des bas de laine, revêtu son épaisse robe et un chandail encore, puis ce manteau, puis ce fichu, et des gants aux deux mains. Elle demeurait belle sous ces draps. D’une beauté qu’on n’avait plus rencontrée ici depuis l’époque étrusque.  »

Il y a de la Madame Bovary dans cette femme-là : oh, comme elle s’ennuie, parfois, et quelle mélancolie. Il faut dire qu’elle avait une autre vie, avant, avant de rencontrer Gauvain Challant, son futur mari, son lieutenant des carabiniers de Cogne. Alors, elle a quitté Naples et ses mauvais garçons, et est montée dans le nord du pays, semble-t-il plus austère que celui des Ch’tis.

Elle n’en peut rien, ce n’est pas sa faute, mais il y a un lien entre elle et les assassinats. On le découvrira. En attendant, Cogne est cogné, il craque et coule sous les tempêtes.

En cours de lecture, on se disait à peu près ceci : Gens de Cogne, c’est poétiquement puissant et puissamment poétique comme, disons, l’âpre Désert des Tartares, de Dino Buzzati. Puis, à la fin, on a senti qu’on retiendra surtout le tendre, le délicat, le sensuel du roman de Deutsch, cet auteur prolifique et discret, qui gagne à être lu.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire