Un cri pour vivre

C’est notre Terre ! est un plaidoyer multimédia en faveur de la planète bleue. Pour que l’homme y abandonne ses préoccupations égoïstes. Pour que la richesse de quelques-uns,  » ici et maintenant « , devienne celle de tous,  » demain et partout « .

Rien ni personne, ici, ne devrait vous malmener, vous qui, par paresse, mêlez encore, dans vos poubelles, un magma très politiquement incorrect de bocaux divers, de vieux programmes télé et de restes de purée du souper.  » Nous ne voulons pas culpabiliser, pas faire de l’homme le prédateur absolu « , assurent d’entrée de jeu les concepteurs de C’est notre Terre !,  » la plus importante expo jamais réalisée sur le thème du développement durable « . OK : ce vaste dédale (sur 2 500 mètres carrés) d’interactifs, d’£uvres d’art, d’objets, de décors et d’images n’est donc pas un lieu de dénonciation ( » d’une technologie, d’un produit ou du comportement d’un groupe social « ). Mais qu’est-il, alors, exactement ? Un parcours très dense de découvertes multiples,  » qui vise à montrer qu’un monde meilleur est devant nous (et pas derrière), et qui souligne les conditions pour qu’y vivent harmonieusement les générations futures « . Un programme ambitieux, que l’ASBL Déméter (la productrice de l’expo) et la SA Tempora (sa réalisatrice, déjà auteur de Dieux, mode d’emploi et C’est notre histoire, 50 ans d’aventure européenne) tentent d’accomplir en multipliant les approches. C’est notre Terre ! est donc tout à la fois une expo artistique, un plaidoyer scientifique et un bilan de l’environnement, déclinés à travers une multitude d’écrans, de montages, de bruitages et d’espaces, consacrés tantôt aux grandes personnes responsables que nous ne sommes pas du tout, tantôt aux enfants qui le deviendront peut-être ( » Très importantes, les zones pour les petits, parce que c’est eux qui hériteront de ce monde « ). Bref, un truc terriblement indigeste, si l’on veut goûter à tout en une foisà

Comme si le propos n’était pas déjà assez complexe, et le sujet, suffisamment  » éclaté « , les concepteurs ont articulé l’expo autour de la notion du temps, lui-même scindé en quatre étapes (les temps de la Terre, des Hommes, des écosystèmes, des solutions). Laissons de côté ces découpages inutiles, et la vision finalement très  » intello  » du bazar. Il y a, heureusement, dans ce déroulé touffu, quelques modules simples, qui parlent d’eux-mêmes. Tel ce mètre cube en Plexiglas, rempli de grains de sable qui représentent chacun l’une des galaxies de l’Univers (et, dans chaque galaxie, on met encore autant d’étoiles qu’il y a de grains de sableà). Une structure basique pour souligner que notre planète, à cette échelle, c’est vraiment une crotte de mouche de rien du tout. Et la trace que l’homme y a laissée, dans l’Histoire, un détail absolument microscopiqueà Mais voilà, cette Terre, c’est bien la nôtre. Et si l’on veut y réfléchir, ce n’est pas tant elle qui est menacée, à présent, par toutes ces saletés qui l’encombrent que ceux qui l’habitent : la Terre a vécu sans nous, et se passera encore bien de l’humanité, probablement. C’est dans ce chapitre-là que l’expo se révèle d’ailleurs la plus convaincante : lorsqu’elle montre comment et pourquoi un  » mauvais pli  » a été pris dès la révolution industrielle (qui a fait subir à l’environnement des dégradations non plus locales, mais globales) et, surtout, à partir de 1950 (un tournant, où les courbes de production, de consommation, de population s’affolent).  » L’accélération est telle, désormais, que nous avons choisi d’arrêter le temps « , propose Tempora. Dans une rue reconstituée d’une de nos cités, le visiteur est amené à pénétrer dans une série de lieux prétextes : le salon-lavoir introduit la thématique de l’eau ; la pharmacie parle de vieillissement et d’accès aux soins ; le restaurant évoque l’agriculture, l’épuisement des sols, nos façons calamiteuses de nous nourrir. Dans le supermarché, particulièrement réaliste, les enfants adoreront manier le lecteur de code-barres, qui scanne les quantités de CO2 produites lors du transport par avion de haricots kényans ou de b£uf argentin. Sans doute aussi aimeront-ils percer les emballages de tous ces produits. Pour le reste, mon billet qu’ils traîneront vite la patte, tant l’expo est grande et épuisante.

Pour ne pas en ressortir effondré, physiquement autant que moralement (que faire, quand il apparaît qu’un aller-retour pour Bangkok émet 4,2 tonnes de CO2 par voyageur, et que, pour respecter l’équilibre du climat, il ne faudrait pas dépasser la mesure individuelle de 1,8 tonneà par an ?), pour trouver un peu d’air dans ce labyrinthe géostratégique, donc, prenez le temps d’admirer le travail des artistes contemporains invités à illustrer l’expo. C’est eux qui la  » sauvent  » de son extrême confusion. Si l’Anversois Jan Fabre fait fort, comme souvent, en gribouillant sept ruches au Bic bleu (le message est-il qu’il importe de sauver du chaos les abeilles, insectes pollinisateurs majeurs ?), le phoque au bandage du Bruxellois Pascal Bernier et le cerf bramant sur des vieux journaux de l’Allemande Gloria Friedmann méritent, parmi beaucoup d’autres, le détour. Parce qu’une belle £uvre vaut parfois mieux qu’un long discours.

C’est notre Terre !, jusqu’au 26 avril 2009, site de Tour et Taxis, à 1000 Bruxelles. Infos sur www.expo-terra.be

Valérie Colin

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