Un Club Med plus chinois et… flamand

Au bord du gouffre il y a quelques années, le Club Med s’est réorienté vers le tourisme de luxe. Et cherche dès lors à séduire des clients aux poches bien remplies, plus particulièrement dans le nord du pays…

Un hôtel de luxe, à Anvers : l’endroit choisi par Henri Giscard d’Estaing, PDG du Club Med, pour préciser le repositionnement de son groupe vers le haut de gamme en Belgique, en exclusivité pour Le Vif/L’Express.  » Nous ne sommes pas ici par hasard « , précise d’emblée celui qui, accessoirement, est aussi le fils de l’ancien président de la République française.  » Le Club Med est né ici à Anvers, il y a soixante ans, lorsque Gérard Blitz a inventé, sous la forme d’un village de tentes aux Baléares, le concept de bonheur dans le cadre de vacances tout compris. « 

Ce rappel aux racines historiques du groupe – sur lequel les Français ont fait main basse depuis bien longtemps… – n’est évidemment pas innocent. La Belgique reste certes le 2e marché du Club Med après la France, pour des ventes annuelles de 116 millions d’euros sur un total de 1,3 milliard en 2009, mais les Flamands n’y concourent qu’à hauteur de 30 %. Une incongruité, alors que le voyagiste a entamé en 2004 une stratégie impressionnante de montée en gamme, et entend dès lors séduire une clientèle au pouvoir d’achat plus élevé.

Pour comprendre cette offensive de charme, il faut remonter au début de ce siècle, lorsque le Club Med est quasi menacé de disparition.  » La technologie, l’Internet en particulier, a complètement bouleversé la manière de voyager, analyse Henri Giscard d’Estaing. Le tourisme s’est bipolarisé entre le low-cost et le haut de gamme : vous y êtes clairement menacé si vous vous contentez d’être « à moitié le moins cher » ou « à moitié le meilleur ». Nous avons choisi, quant à nous, de nous repositionner résolument comme le spécialiste mondial des « vacances tout compris haut de gamme, culturelles et conviviales ».  »

Pour le Club Med, c’est une révolution qui s’engage, à marche forcée, pour un investissement global de l’ordre du milliard d’euros : une cinquantaine de villages sont fermés, et la rénovation ou l’acquisition de plus de 70 complexes est entamée. D’ici à la fin 2012, les deux tiers des 80 villages du Club seront labellisés 4 et 5  » tridents  » – plus luxueux, plus rentables -, pour un tiers seulement de 3  » tridents « , sur les cinq continents. Au risque d’y perdre une partie de la clientèle traditionnelle ?  » Cette évolution correspond très largement à ses attentes, assure Henri Giscard d’Estaing. Au fil des générations, nos clients ont souhaité obtenir davantage de confort, de services, dans des sites toujours choisis pour leur beauté naturelle et leur authenticité.  »

Un exemple ? Sinaï Bay, situé près du golfe d’Aqaba, en Egypte, entre le désert du Sinaï, Israël et la Jordanie. Un tout nouveau village labélisé  » 4 Tridents Famille  » qui se déploie sur une plage de 550 mètres et qui, selon la communication du Club Med,  » marie harmonieusement l’architecture contemporaine et le style traditionnel des villages égyptiens aux ruelles étroites ombragées et aux places qui invitent à la rencontre et au partage des cultures « . Le tout offrant les services et équipements dignes d’  » un nouveau luxe à vivre ensemble « , pour un coût, rapidement testé via le site Internet du Club, d’un peu plus de 7 000 euros pour une semaine de vacances pour une famille de 5 personnes, début juillet.

D’après le PDG du Club, cette stratégie est payante. L’entreprise affichait en effet au premier semestre 2010 un bénéfice net de 3 millions d’euros pour des ventes de 679 millions, contre une perte de 22 millions un an plus tôt, enregistrée il est vrai dans le sillage immédiat de la crise de l’automne 2008. Et c’est apparemment dans le haut de gamme que la croissance est la plus forte, avec un gain de 13 000 nouveaux clients l’an dernier.

Villages en Chine

C’est très précisément dans cette perspective que s’inscrit la volonté du groupe de capter l’immense potentiel des nouveaux riches Chinois, nés dans le sillage du formidable développement de l’empire du Milieu.  » D’ici à 2015, nous comptons attirer 200 000 touristes chinois, ce qui en ferait notre deuxième marché derrière la France et un marché deux fois supérieur à celui de la Belgique « , précise Henri Giscard d’Estaing qui souligne que cela ne correspondrait jamais qu’à une part de marché de l’ordre de 10 % des… 0,2 % de Chinois les plus riches ! Mais cette clientèle s’est affichée en hausse de 24 % l’an dernier, le prix de séjour moyen qu’elle a déboursé étant même supérieur à celui des Français et des Américains.

Pour soutenir son objectif de croissance, le Club compte dès lors multiplier l’ouverture de villages en Chine, comme celui de Yabuli-Sun Mountain, une station de ski huppée située à proximité de la ville de Harbin – relativement inconnue chez nous mais affichant… 10 millions d’habitants ! -, à une heure d’avion de Pékin et à trois heures de vol de Shanghai. Il s’est aussi associé à des investisseurs locaux comme le groupe Fosun en juin dernier, qui dans la foulée a acquis 7,1 % du capital du Club Med, à charge pour ceux-ci d’investir dans la brique, le Club se rémunérant sur l’exploitation des complexes.

A l’évidence, les projets du Club en Belgique sont nettement plus modestes. Mais ils s’inscrivent exactement dans la même stratégie : capter une clientèle nouvelle, attirée par l’image de luxe désormais ouvertement cultivée par le voyagiste.  » La Belgique est le pays dans lequel notre pénétration est la plus forte « , rappelle Philippe Mahouin, directeur général du Club Med dans notre pays.  » Nous y comptons pas moins de 100 000 clients sur un total de 1,2 million à l’échelle du groupe. Si nous pouvions bénéficier d’une telle performance en Chine, nous y aurions… plus de 10 millions de clients !  »

Mais, à l’échelle de notre pays, le Club estime manifestement pouvoir faire mieux encore.  » Les Belges sont nos  » GM  » [NDLR : pour  » Gentil Membres favoris  » ], assure Henri Giscard d’Estaing. Il y a chez vous une convivialité, une chaleur, un goût de l’authenticité… et des bonnes tables qui sont autant de valeurs que nous cultivons nous aussi. Ces valeurs, nous les retrouvons tout autant chez les Wallons que les Bruxellois et les Flamands, mais curieusement la clientèle du nord du pays ne nous a pas suivis autant qu’on l’espérait dans notre montée en gamme alors qu’elle dispose d’un pouvoir d’achat plus élevé.  »

Un programme ciblé sur la Flandre

Face à ce constat, les dirigeants du Club Med battent leur coulpe. Sur l’air :  » Nous n’avons pas bien communiqué, le travail de conviction sur notre nouveau positionnement n’a pas été suffisamment performant.  » Mais qu’à cela ne tienne, le voyagiste va mettre le turbo sous la forme d’un programme intitulé  » Focus Flandre 2010-2011 « , étant entendu que la Flandre devrait peser les deux tiers de sa croissance en Belgique dans les trois ans. Au menu : réorganisation du réseau commercial, recrutement de collaborateurs et de  » GO  » [NDLR : Gentils Organisateurs] néerlandophones afin que les Flamands, accueillis dans leur langue, puissent se sentir comme chez eux dans certains villages.

Ils pourront en sus s’y rendre (les Wallons et les Bruxellois aussi…), à partir du 11 avril prochain, en volant sur Brussels Airlines à la suite d’un partenariat assurant à la compagnie belge quelque 80 % des vols du voyagiste au départ de Bruxelles vers une quinzaine de villages sélectionnés en Egypte, au Maroc, en Tunisie, en Turquie, en Italie, en Grèce, au Portugal et en Corse.  » Les clients Club Med bénéficieront des meilleurs horaires possibles, de comptoirs dédiés pour l’enregistrement et ils seront d’office classés en catégorie b. flex « , assure Philippe Mahouin. Qui précise :  » Le matériel de golf sera transporté gratuitement…  » l

BENOÎT JULY

 » La Belgique est le pays dans lequel notre pénétration est la plus forte « 

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