Un buffle sur le tatami

Et si dans cette opération de pure stratégie électorale, Verhofstadt avait eu tout faux ? Et s’il s’était aveuglé, voire carrément égaré ? Pourtant, la man£uvre était habile. Réussir à ramener dans ses filets le coach adulé du judo belge pour le faire figurer sur une liste Open VLD, chapeau l’artiste ! Car, à l’époque, c’était en 1999, on ne voyait que lui, Jean-Marie Dedecker, le faiseur de médailles, l’entraîneur perso, entre autres, d’Ingrid Berghmans et d’Ulla Werbrouck, sacré BV (Bekende Vlaming), plébiscité par les médias, une véritable vedette. Belle prise, en effet. L’homme plaisait, il faisait des voix et déjà il se prenait à rêver. Pourquoi pas ? D’un cabinet ministériel, les Sports, par exemple ? Verhofstadt n’avait-il pas promis ? Certes, mais il y avait d’autres candidats à satisfaire d’abord. La belle idylle allait rapidement tourner court et le flirt, virer au cauchemar pour l’ex-Premier ministre libéral. Car Jean-Marie, c’est, de l’avis de ses détracteurs, un sulfureux, un querelleur, un cogneur (c’est lui qui, avec la complicité de son ami Rudy Aernoudt, a eu le scalp de la ministre flamande Open VLD Fientje Moerman). Il aime en découdre, provoquer (n’avait-il pas réussi à s’introduire avec un journaliste dans la cellule de Marc Dutroux ?) et, surtout, il ne supporte pas qu’on le mène en bateau. Il allait ruer dans les brancards… jusqu’à son expulsion du parti en 2006. Pour l’Open VLD, l’ex-trophée allait se muer en sac d’embrouilles et de n£uds. Depuis lors, rien ne va plus dans les jeux politiques au Nord. Dedecker a semé une sacrée pagaille en créant sa liste. Pis, il fait peur.

Car il grimpe, il grimpe dans les sondages. Ultralibéral, il a viré populiste. Agitateur d’espoirs, mais au programme économique, social ou politique tortueux, il pourrait faire tomber dans son escarcelle plus de 12 % des voix aux prochaines régionales. Voire même 16 %, dépassant ainsi l’Open VLD.  » Un petit orgasme moral « , avoue l’intéressé, qui a le sens de la formule. Un véritable séisme pour les partis traditionnels en pleine dégringolade. Redoutable tribun, l’homme a su capter les frustrations et les peurs du temps, la crise, l’affaire Fortis, le problème des retraites, autant de sujets porteurs pour le trublion à la scandalite obsessionnelle, le  » redresseur de torts  » autoproclamé, qui a un don exceptionnel pour créer un climat de suspicion. Il plaît, il séduit (n’est-il pas gratifié du titre enviable d’homme le plus populaire de Flandre ?), et pourrait rafler de nombreux sièges, tout bénéfice pour les seconds couteaux du parti de Verhofstadt et de De Gucht, les frustrés, les derniers de liste accourus en masse dans l’espoir de bénéficier de la manne inattendue.

Le 8 juin risque d’être bien difficile en Flandre quand il s’agira d’établir une majorité. Avec ou sans lui ? N’est-il pas devenu incontournable ? Oui, mais. L’homme par qui le scandale arrive est, aussi, pointé du doigt. On lui prête des affaires douteuses, des détournements peu orthodoxes.  » Le buffle « , comme l’a surnommé le journaliste Raf Sauviller, qui vient de publier un ouvrage qui le met sérieusement sur la sellette ( De Buffel, éditions Wever & Bergh), souffle, se rebiffe. Mais le voilà sérieusement écorné.

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