Sans-papiers, travailleuse au noir, à Louvain-la-Neuve depuis dix ans, Maguette vient de se faire arrêter. Un cas emblématique de celui de dizaines de milliers de personnes qui attendent toujours des critères clairs de régularisation.
Elle est détenue au centre fermé de Bruges depuis le 16 janvier dernier. Ce vendredi-là, comme tous les matins de la semaine, elle est venue nettoyer le restaurant de Louvain-la-Neuve dans lequel elle travaille au noir contre 6 euros l’heure. Le 16 janvier, à l’aube, Maguette, fatiguée, se trompe dans le code de sécurité du resto. L’alarme se déclenche. Quelques minutes plus tard, une fourgonnette de police déboule. Les hommes en uniforme veulent la contrôler. Elle n’a pas de papiers.
Sénégalaise souriante de 48 ans, Maguette vit depuis plus de dix ans en Belgique. Une décennie au cours de laquelle elle a fait des ménages, sans être déclarée, afin de payer les études de ses deux enfants restés au pays. Elle a presque atteint son objectif. Son aîné a commencé une carrière de graphiste. Maguette est aussi connue à Louvain-la-Neuve pour avoir aidé de nombreux étudiants ouest-africains à s’insérer sur le campus de l’université. Malgré sa vie clandestine, sa personnalité forte et attachante ne passe pas inaperçue, nous dit-on.
Maguette connaît beaucoup de monde. Peu après son arrestation, un comité de soutien est lancé par plusieurs dizaines de familles belges et africaines. Certaines l’ont employée comme aide-ménagère avant qu’elle ne devienne une amie. Parmi eux, Vincent, informaticien, crée un blog sur Internet : » Je me suis dit que, vu le nombre de gens qui voudraient avoir de ses nouvelles, un blog était la meilleure solution, explique-t-il. On peut y voir l’historique de nos initiatives. «
La promesse d’un contrat de travail
La démarche est un succès : après une semaine, le blog (1) additionne une soixantaine de visites par jour, depuis la Belgique, mais aussi le Sénégal, la France et même le Canada. Résultat : les marques de soutien se multiplient. Au centre fermé de Bruges (les coordonnées sont indiquées sur le blog), les surveillants se disent étonnés du nombre d’appels et de visites reçus par Maguette. » C’est bon pour le moral « , avoue celle-ci au téléphone.
Tout cela n’a pas empêché la chambre du conseil de Nivelles de débouter la Sénégalaise, que l’avocat Vincent Lurquin a tenté de faire libérer. Ses chances de ne pas être rapatriée sont très minces. D’autant qu’elle n’a jamais fait de demande de régularisation, même pas lors de la campagne massive de 2001. Elle avait trop peur d’être refusée. Ses amis, eux, y croient toujours. Ils alimentent même un compte en banque pour continuer à payer son loyer. Et le restaurateur qui l’employait a déclaré aux policiers qu’il était prêt à signer un contrat de travail en règle.
Le cas de Maguette ressemble à celui de dizaines de milliers d’autres sans-papiers qui, comme elle, vivent dans la clandestinité avec angoisse et n’ont d’autre choix que de travailler au noir. » Nous sommes dans un rapport de force politique, explique Dominique, du comité de soutien. C’est pourquoi nous voulons faire connaître Maguette à beaucoup de gens. En Belgique, aujourd’hui, faute de loi claire, les régularisations se jouent à l’influence. «
Coïncidence : depuis le 30 janvier, l’UCL accueille, dans ses locaux, une centaine de sans-papiers. » Leur cause fait partie de nos valeurs « , souligne le vice-recteur Xavier Renders. Avec des collègues d’autres universités, dont la KUL, Bernard Coulie, le recteur, a demandé au Premier ministre de les recevoir. Herman Van Rompuy a refusé. Même le monde académique se heurte au mur des critères de régularisationà Grâce à ses amis et au blog qui lui est dédié, Maguette pourrait devenir, bien malgré elle, l’emblème des sans-papiers de Louvain-la-Neuve.
(1) http://soutienmaguette.blogspot.com/
Thierry Denoël