Trop, trop vite, trop intense

Pousser son corps jusqu’à ses limites permet de développer sa condition physique. Mais, quand on les dépasse systématiquement, c’est le contraire qui se produit. Le corps et l’esprit s’épuisent et le font savoir. Encore faut-il savoir entendre les sonnettes d’alarme.

Un effort sportif intense mais ponctuel entraîne généralement une rigidité des muscles – les fameuses courbatures du lendemain. Normal, et passager : en adoptant un rythme plus calme pendant quelques jours, la douleur disparaît. Mais certains sportifs ne se donnent pas assez de temps de récupération, et les problèmes surgissent : l’entraînement n’apporte plus le même plaisir, l’envie n’y est plus, le moral chute, et la forme aussi…. Très souvent, ces signaux ne sont pas pris au sérieux et, pis, ils mènent à des conclusions erronées, du type  » C’est parce que je ne m’entraîne pas assez.  » Et les fanatiques de l’effort extrême d’en remettre une couche, sans se rendre compte qu’ils aggravent la situation.  » Si la gêne provoquée par des muscles raides et douloureux et l’impression de ne plus bien avancer durent plus d’une ou deux semaines, les clignotants d’alerte doivent s’allumer, avertit le Pr Romain Meeusen (VUB), spécialiste de l’effort et grand sportif lui-même. On peut se sentir mal pendant quelques jours, mais cette sensation ne peut durer, sinon, c’est le signe que quelque chose ne tourne pas rond. « 

Refroidissements à répétition et boutons de fièvre sont d’autres symptômes typiques de la fatigue excessive. Les efforts trop importants étouffant temporairement les défenses, le sportif devient plus sensible aux germes pathogènes. La fatigue persistante accentue encore ce phénomène et permet à l’enchaînement des rhumes, états grippaux et autres refroidissements de se déclarer. Des infections qui, à leur tour, peuvent contribuer à entretenir la fatigue.

 » L’excès de sport n’explique pas tout, poursuit Meeusen. D’autres facteurs interviennent généralement, tels que des tensions affectives avec un partenaire ou des collègues, une trop grande charge de travail, trop peu de sommeil, une mauvaise alimentation, etc. « 

Romain Meeusen a consacré toute sa carrière à étudier la fatigue en sport.  » Personne n’échappe à ce phénomène, explique-t-il. La surcharge et l’accumulation de fatigue sont présentes dans toutes les disciplines, du ballet au motocross, et ce tant chez l’amateur que chez le professionnel de haut niveau. Mais le véritable syndrome de surentraînement, qui s’accompagne d’une chute des performances, d’une tendance dépressive, d’un déséquilibre hormonal, de troubles du sommeil, d’un manque d’appétit… est plutôt rare, heureusement ! « 

Remonter la pente

Il n’y a pas de solution médicale à l’excès de fatigue. Le repos est le seul remède. Les saunas, bains chauds, massage, relaxation et autres traitements  » wellness  » peuvent apporter un certain bien-être mais ne remédient pas à une telle  » surfatigue « . Se contenter de s’entraîner moins ne suffit pas non plus. Et suggérer une interruption complète des entraînements à des sportifs motivés n’est pas réaliste ; ils ne suivent généralement pas cette recommandation. Il vaut donc mieux leur proposer une alternative qui leur autorise quand même un certain degré d’activité, sans risque de surcharge.  » Il n’y a pas de recette universelle pour prévenir la surfatigue ou s’en rétablir, constate Romain Meeusen. Chaque individu est différent ; c’est un élément que nous perdons de vue trop facilement.  » Certains sont des fondus complets de l’entraînement ; ils ne peuvent rester plusieurs jours sans s’y adonner. Mais il existe aussi des athlètes fragiles qui doivent progresser très prudemment pour éviter toute blessure. Ces différences se manifestent aussi pendant la période de rétablissement.

La plupart des sportifs se sentent à nouveau en forme après quelques semaines. C’est la preuve que le cas n’était pas trop grave. Mais, dans le cas d’un véritable syndrome de surentraînement, le rétablissement peut durer plusieurs mois.  » Chez la plupart des sportifs, on n’en arrive pas là, sourit Meeusen. Ils se blessent avant, ce qui les oblige à se reposer et le problème se résout de lui-même… « 

Le Pr Meeusen conseille à tous les sportifs qui se plaignent de fatigue, d’irritabilité accrue ou d’autres symptômes inexplicables d’adapter leur entraînement.  » Entraînez-vous plus calmement et prenez davantage de repos. Si cela ne change rien, prenez contact avec un médecin du sport et étudiez ensemble votre situation personnelle. Ne vous concentrez pas seulement sur vos efforts physiques. Passez aussi en revue tous les autres facteurs qui peuvent jouer un rôle. Dormez-vous assez ? Mangez-vous sainement ? N’êtes-vous pas sujet à une infection insidieuse, dentaire par exemple ? Ce n’est que lorsque toutes ces causes possibles auront été exclues que vous pouvez commencer à penser à la surcharge physique. Vous êtes sûr alors que vous n’avez rien négligé. « 

Envie et plaisir

Un des thermomètres les plus précis pour contrôler le degré de surcharge, c’est probablement l’équilibre émotionnel et la sensation générale de fraîcheur. Tant que vous êtes motivé, que vous appréciez l’effort physique et que tout tourne rond, vous courez peu de risque. Si ces éléments disparaissent, il est temps d’adopter une autre approche.

Référence : European Journal of Sport Science, 2006 ; 6 : 1-14.

Jan Etienne

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