Trop bruyante, la nuit

Avec son cinéma, sa galerie Wellington, sa petite place devant l’église, son parc, ses bars ouverts jusqu’au bout de la nuit, Waterloo a de quoi séduire aussi les noctambules. Chaque fin de semaine, 200 à 300 jeunes font la fête. La commune veille au grain : pas question de se laisser déborder.

La journée s’annonce radieuse. Les premiers rayons du soleil caressent le parvis de l’église Saint-Joseph au c£ur de la cité. Les premiers passants déambulent tandis que les employés des bistrots voisins ouvrent grand leurs portes- fenêtres et s’affairent, balai à la main. Dans quelques heures, la quiétude de ce matin de printemps fera place à l’agitation des soirs de fin de semaine.

A pied, en train, en scooter ou en voiture, chaque jeudi, vendredi et samedi, à la tombée du jour, des centaines de jeunes se donnent rendez-vous sur le coquet parvis vite métamorphosé en forum bigarré et festif.  » C’est super chouette ici, l’atmosphère est très conviviale, confie Julie, une ado manifestement habituée des lieux. Je viens en train, j’achète une bière au Paki de la gare (entendez au night shop pakistanais) et je retrouve mes copains sur la place.  » Un peu plus loin François, posté avec ses potes cigarette à la main devant le très couru TouchDown, avoue lui aussi  » adorer l’ambiance et surtout le fait qu’à Waterloo, les bars restent ouverts bien plus tard qu’ailleurs !  »

Ce qui séduit les jeunes ne ravit pas forcément tout le monde dans la commune…

 » Ce n’est pas le Far West ici « 

 » J’en ai marre d’entendre hurler à quatre heures du matin ! « 

Mathieu V. habite près de la gare, à côté d’un bar-boîte très fréquenté. A partir du jeudi, c’est quasi nuit blanche jusqu’au dimanche.  » Les chambres de mon immeuble donnent sur le parking de la boîte, explique-t-il. L’été, impossible de dormir fenêtres ouvertes entre les cris, les coups de klaxons, les pneus qui crissent, sans oublier les bagarres.  » Ce riverain exige plus de présence policière, moins de prévention, plus d’intimidation. Il semble être entendu.

 » Deux cents à trois cents jeunes le soir, c’est tout à fait sympathique « , concède le bourgmestre MR Serge Kubla, tout comme le sont les bars avec écrans télé géants. Mais une foule pareille, ça attire aussi des fauteurs de troubles.  » Face à une  » série d’incidents « , ces derniers temps, l’homme fort de Waterloo et chef de la police administrative entend remettre de l’ordre dans sa commune.  » On ne peut pas parler de bandes urbaines ou d’un mouvement structuré qui opérerait de manière répétée à Waterloo, mais oui, on a parfois des bandes de gaillards peu recommandables qui débarquent de Nivelles, Charleroi ou Bruxelles pour venir casser du bourgeois. Et ça, s’énerve Serge Kubla, je ne peux le tolérer. Ce n’est pas le Far West ici, mais les bagarres, le tapage nocturne, la saleté dans les rues, les halls d’immeuble transformés en urinoir, ça suffit ! « 

Michel Van de Walle, commissaire divisionnaire et chef de corps ad interim de la commune, est plus nuancé :  » Nous ne pouvons pas faillir à notre mission de maintien de l’ordre. Nous devons nous adapter à l’évolution de la société et repenser sans cesse notre rôle.  » Alors, histoire de se montrer plus efficace, lui et son équipe – 102 personnes dont 84 fonctionnaires de police – ont récemment pris plusieurs mesures.

D’abord, une patrouille d’intervention en plus le soir. Elles sont dorénavant trois, soit 9 policiers, à sillonner la zone, mais l’une d’entre elle ne peut être détournée du centre, c’est sa mission. Cette patrouille bénéficie du soutien pédestre de la brigade canine.  » Les gens connaissent bien leurs droits, mais plus leurs devoirs, confie Nathalie Laermans, maître-chien depuis quinze ans à Waterloo. Alors, se montrer plus répressif le soir et sortir les chiens aide à calmer les plus récalcitrants. « 

 » On frôle la paranoïa « 

Boire vite et beaucoup, c’est la nouvelle tendance chez des jeunes qui ne se cachent plus.  » Peut-être, suppose le commissaire van de Walle, la nouvelle réglementation qui exige qu’on fume hors des établissements offre-t-elle plus de visibilité. Mais, depuis trois ans, c’est un fait, on voit beaucoup de jeunes, des filles aussi, boire de l’alcool dur directement au goulot, et les pétards sont devenus totalement banals.  » Du coup, à Waterloo, l’alcool est interdit sur la voie publique de 20 à 8 heures du matin. Nathalie Laermans :  » Nous procédons régulièrement à des arrestations administratives en cas de troubles de l’ordre ou d’ivresse sur la voie publique. « 

Signe des temps, plus d’insolence face à l’autorité et une violence plus féroce dans les bagarres entraînent des dérapages.  » On a parfois des bandes de gros dragueurs qui débarquent d’autres communes, confie le commissaire. Ils crachent par terre, veulent entrer dans les bars en training, bref ont des règles de savoir-vivre différentes et cela cause des clashes culturels. Mais, s’empresse-t-il de préciser, on voit aussi des BCBG de Lasne ou de Waterloo se montrer agressifs et rouler des mécaniques ! « 

 » Cela dit, reconnaît-il, dans 99 % des cas, les soirées se passent très bien et les jeunes se montrent corrects.  » Et pourtant. Le conseil communal envisage d’ajouter une caméra de surveillance supplémentaire aux sept déjà placées dans le centre.  » Ridicule !  » s’insurgent en ch£ur Julien Bogaerts et Marylin Liénart de la Maison des Jeunes de Waterloo.  » Ici, c’est tapis rouge pour les tout petits ou les seniors, mais pour les ados, c’est carrément le vide.  » Les animateurs de la MAJ savent de quoi ils parlent. Depuis une décennie, ils organisent concerts et événements, souvent à caractère éducatif, pour une jeunesse qui, disent-il, s’ennuie.

Julien Bogaerts :  » La commune mène une politique ultra-protectionniste et franchement pas tournée vers ses jeunes ! Elle frôle la paranoïa avec ses caméras de surveillance et les contrôles sur les jeunes s’ils sont plus de cinq en rue… Cette politique sécuritaire ne résout rien. La commune veut juste s’attirer les voix électorales des personnes âgées qui ont peur ou des parents des tout petits. « 

 » On n’a pas peur comme à Bruxelles « 

 » Tous ces jeunes qui se déplacent en troupeaux et font beaucoup de bruit, je peux comprendre que ça impressionne.  » Les ados, c’est la spécialité de Geoffrey Genet. Educateur de rue depuis une dizaine d’années à Waterloo, il les côtoie, les écoute, les conseille.  » L’exubérance, dit-il, c’est une maladie d’ado qui fait peur. Mais franchement, si à Nivelles ou à Bruxelles, on reste toujours sur ses gardes quand on se balade, à Waterloo, personne ne peut honnêtement dire qu’il ressent de la peur. « 

Qu’importe. Pour retrouver un climat qu’il dit  » entaché par les excès « , le bourgmestre a ouvert le dialogue avec les patrons d’établissements de la commune. Il ne s’en cache pas :  » Certains ont déjà pris des avocats parce qu’ils veulent pouvoir continuer à fermer vers 6 ou 7 heures du matin. Mais je leur propose de se montrer raisonnables et de fermer plutôt vers les 3 ou 4 heures. Je veux que la vie continue, que les jeunes s’amusent. Mais à 7 heures du matin, je ne pense pas qu’on se retrouve avec une clientèle idéale. Le climat de la nuit doit être assaini, les lois respectées et les contrevenants sanctionnés. « 

On assiste ici à des clashes culturels

 » La commune veut juste s’attirer les voix électorales des personnes âgées qui ont peur ou des parents des tout petits « 

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