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Les banques financent-elles trop les énergies fossiles ? « Trois fonds pseudo-responsables sur quatre sont climaticides »

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Le soutien des banques européennes aux énergies fossiles ne cesse de croître, constate Charlaine Provost, chargée de projets à l’asbl Financité. Mais les nouvelles règles européennes pourraient remettre de l’ordre.

Les banques désinvestissent-elles suffisamment dans les énergies fossiles?

Concernant les crédits qu’elles accordent, il y a d’abord un gros problème de transparence. On a fait le test auprès de quelques banques en Belgique: pour trouver les entreprises bénéficiant de crédits auprès d’elles, c’est pratiquement mission impossible. Seule Triodos publie la liste entière de ses bénéficiaires. Bien sûr, j’entends l’argument de la confidentialité. Néanmoins, si on veut savoir à quelle hauteur les banques belges financent les énergies fossiles, cette information est inexistante. En revanche, on a la chance de pouvoir compter sur les études d’ONG partenaires, qui montrent clairement que le financement des énergies fossiles par les banques est en hausse en Europe.

Ce qui nous manque, mais qui va arriver, ce sont des outils permettant de savoir qui dit la vu0026#xE9;ritu0026#xE9;.

Il faut préciser ce que recouvre la notion d’énergies fossiles. Incluez-vous aussi les acteurs émettant beaucoup de gaz à effet de serre mais dont la production d’énergie n’est pas le coeur de l’activité?

Chez Financité, nous n’analysons pas le caractère plus ou moins énergivore de l’ensemble des secteurs. On sait en revanche que ce qui crée des émissions de gaz à effet de serre, c’est le fait de brûler des combustibles fossiles. Les acteurs investis dans la production et la transformation de ceux-ci sont donc logiquement les premiers à devoir réduire la croissance de ces produits-là. D’autre part, on assiste à la destruction des puits de carbone que sont les forêts. En considérant ces critères, à savoir énergies fossiles et déforestation, nous avons listé toutes les entreprises qui posaient problème à cet égard. Nous avons ensuite regardé à quelle hauteur les fonds d’investissement incluaient ces acteurs-là.

Et quelles sont les conclusions?

Nous avons répertorié environ mille fonds qui se disent socialement responsables sur le marché belge. Nous avons pu analyser la moitié de ceux-ci. Sur cette partie-là, trois fonds sur quatre investissent dans des entreprises climaticides, sur le plan des énergies fossiles ou de la déforestation.

Certains estiment que la transition énergétique nécessite aussi d’accompagner les acteurs qui tendent vers la neutralité carbone, y compris parmi les producteurs d’énergies fossiles. Faut-il malgré tout leur couper les vivres?

Effectivement, certains poids lourds de l’industrie de l’énergie ont la capacité d’investir massivement dans les énergies vertes. Il faut les considérer. Mais il faut s’interroger sur les moyens de fournir des ressources financières à une entreprise. Tant les crédits que les obligations vertes sont censés être destinés au financement de projets spécifiques: il faut donc être certain que ce qui est financé sert effectivement à la transition énergétique. Le problème, c’est quand on investit en capital. Si vous achetez une action Total, vous soutenez l’ensemble de ses activités, et pas la seule production d’énergie photovoltaïque. Or, le groupe vient d’être assigné en justice pour greenwashing en France, au regard de son prétendu virage à 180 degrés sur le plan de la transition éco- logique. Ce qui nous manque, mais qui va arriver, ce sont des outils permettant de savoir qui dit la vérité.

Vous faites référence aux nouvelles réglementations vertes de l’Union européenne?

La taxonomie verte et le SFDR (NDLR: le règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers) permettra en effet de voir dans quelle mesure les entreprises y sont alignées. Tant sur le plan de leurs revenus que de leurs dépenses d’investissement, on pourra identifier plus facilement les acteurs qui font du green- washing, puis procéder à la même analyse pour les fonds promouvant des caractéristiques de durabilité ou ayant pour objectif l’investissement durable (NDLR: respectivement les fonds dits « article 8 » et « article 9 », une catégorie encore plus contraignante). Une étude de Morningstar a démontré que les fonds qui se disent « article 9 » ne représentent pour le moment que 3,7% du marché. Et encore: la durabilité au sens de l’article 9 ne porte pas nécessairement sur les seuls critères environnementaux. Or, plusieurs sources estiment qu’il faudra investir nonante milliards d’euros dans le monde d’ici à 2030 pour mettre en oeuvre la transition énergétique.

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